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16-05-02 L'Art de rien par Pierre Meige |
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Pour un artiste, travailler dans des quartiers périphériques est une aventure qui ne répond à aucune fonction institutionnelle. La création artistique de terrain a pour fonction de redonner la parole aux communautés qui vivent loin du parisianisme culturel. Animer comme on dit le quartier. Souder ensemble les gens d'une rue ou d'un groupe de rues par autre chose qu'une simple intervention, mais par une exigence ou un combat Georges Perec Espèces d'Espace. L'utilité sociale de l'art est un un outil de citoyenneté. L'intervention de l'artiste de terrain permet de raccorder ce que les années d'exclusion ont désacordé dans ces quartiers. Restituer une dignité à partir de la vie sociale de ce public, l'objectif principal étant que ces oubliés de l'art retrouvent le goût à une appartenace individuelle et collective. L'art de rien est destiné à redonner un sentiment d'appartenance à un quartier avec ses origines, ses rituels et sa propre identité à partir des pratiques communautaires d'un art citoyen. Cette approche de "culture environnementale" ne doit pas être utilisée comme une opération culturelle ou politique. Les ateliers artistiques ont pour vocation de faire émerger des réflexions, des échanges, de nouveaux savoirs créatifs pour que la vérité de chacun porte une réelle authenticité dans son expression. Cette démarche entraîne au dépassement de l'activité purement aristique pour s'ouvrir sur un projet d'un art de vivre au quotidien. L'habitant de la cité devient un acteur culturel . L'art citoyen doit être liée à la vie. Les lieux culturels sont pour la plupart que de véritables entreprises de gestion , fondées sur la séparation des liens entre vie et culture. Pour ceux qui n'ont jamais le droit à la parole, les oubliés de l'histoire, ces pratiques s'articulent sur des échanges démocratiques sans bluff institutionnel. Ce sont les habitants et leurs paroles d'orateurs du temps présent qui sont le coeur de ces action artistiques. Qui sont les artistes du quotidien ? La programmation du théâtre est bouclée jusqu'en 2004 Envoyez toujours votre plaquette mais je ne peux rien vous dire. La chanson française … Désolé, mais ce n'est pas notre créneau Le directeur est en réunion Nous n'engageons que des troupes professionnelles, etc. etc. etc. Voilà la vie des artistes qu'ils soient rappeurs , comédiens, chanteurs, musiciens, peintres, poètes, plasticiens, écrivains, slameurs... Ces passionnés tentent désespérément de créer dans leurs villes, là ou ils sont nés, là ou leurs familles leurs amis les connaissent , les encouragent dans leurs passions, là ou ils montent des ateliers avec des bouts de ficelle et de l'invention, là ou ils auraient besoin d'être soutenus par ceux qui ont en charge de mener une vie culturelle… Ils sont les oubliés de l'institution . Les professionnels salariés de leurs mairies qui ont en charge la politique culturelle de leurs communes, de leurs quartiers, ne les sollicitent jamais : ils les ignorent. Les Kultureux n'aiment pas le local. Ils phantasment sur cette intelligencia parisienne qui méprise la production locale. Ils ont le pouvoir de programmer dans leurs lieux fermés et élitistes, des spectacles, des expositions, qui trop souvent, n'ont aucun lien avec la vie ou l'imaginaire des populations environnantes. Les artistes officiels connaissent bien le circuit "bouffe à la gamelle''. Ils fréquentent les anti chambres des ministères et se servent de leur savoir être pour leur fond de commerce. Ils n'ont pour rôle que le"faire valoir d'une médiatisation en milieu sensible. Subventionnés à vie par les institutions , ils viennent de temps à autre, au gré de l'actualité, zapper une intervention promotionnelle, sans se soucier des savoirs faire de ceux qui y vivent et qui y créent. Il faut réinventer un art de rien en créant des conditions artistiques adaptées et proches du peuple. L'artiste n'a pas vocation de se substituer à l'homme politique, ni même à développer une vision articulée de la cité. En revanche il a cette capacité de regrouper, de chercher et d'inventer avec le peuple qui n'a pas toujours une relation privilégiée avec l'art, un statut nouveau pour redéfinir l'identité populaire et son appartenance à une culture spécifique. Mettre les habitants sur un pied d'égalité avec les institutions référentes est un cheval de bataille pour créer, inventer, imaginer, s'organiser contre la culture officielle qui méprise tout ce qui n'est pas professionnel et qui vient du local. L'art citoyen a cette utilité sociale opérationnelle au service de la communauté. Lorsque des gens de peu se retrouvent et créent, à partir de leurs vécus affectifs, l'art se transforme en action. L'inter culturalité revêt une valeur politique. Le mot culture prend alors un sens existentiel. Pierre Meige |
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