AU JOUR LE JOUR
15-06-04
Mohamed Benchicou, directeur du Matin d'Alger,  condamné à deux ans de prison
Benchicou condamné à deux ans de prison !

C'est une nouvelle effarante qui nous vient d'Alger : Mohamed Benchicou, directreur du Matin, un des principaux quotidiens d'Algérie, vient d'être condamné à deux ans de prison ferme sous un prétexte fabriqué. Malgré l'appel interjeté par ses avocats, il a été immédiatement arrêté et jeté en prison.
Rappelons que Mohamed Benchicou est l'auteur d'un livre "Bouteflika une imposture algérienne" qui a connu un grand succès, malgré les tentatives du pouvoir d'en empêcher la diffusion.
Rappelons également qu'au mois de février dernier, des prêches incendiaires et menaçants avaient été initiés contre les journaux dans les mosquées d'Algérie, à l'incitation du ministre des affaires religieuses
Que le pouvoir politique ait voulu frapper un journal qui a mené une campagne vigoureuse contre la candidature de Bouteflika, ne fait pas l'ombre d'un doute. En même temps qu'il s'agit d'une opération dirigée contre l'ensemble de la presse algérienne  qui se fait le porte-parole des aspirations de la population algérienne à plus de justice et de démocratie.
Il est difficile également de ne pas rapprocher cette mesure d'un faisceau de signes inquiétants quant à la répression qui s'abat sur les mouvements citoyens d'Algérie et sur la relance, à l'étranger,  de certaines campagnes de manipulations. Toutes les craintes sont justifiées.
Le soutien à la liberté d'expression en Algérie se manifetera, une fois de plus, nous en sommes persuadés.
Ci-dessous, nous reproduisons l'éditorial, de ce mardi matin ,de Omar Belhouchet directeur de "El Watan",

Au suivant...
Par Omar Belhouchet

Après Hafnaoui Ghoul, c'est à Mohamed Benchicou de découvrir les «délices» de la prison. La profession est sous le choc, éditeurs et journalistes ont compris hier que la liberté de la presse, dans notre pays, est en sursis.
L'Algérie est l'un des rares pays au monde, avec l'Iran des mollahs, la Corée du Nord, Cuba, à se
permettre le luxe de jeter en prison des journalistes pour des délits de presse.
La normalisation, tant affirmée durant la campagne présidentielle, est en ordre de marche. L'affaire des bons de caisse, évoquée hier par le tribunal d'El Harrach, n'est qu'une façade pour frapper un journaliste, très critique à l'égard de l'action du président de la République. L'opinion publique n'est pas dupe en ce genre de circonstance.
Le pouvoir fait payer en réalité le directeur du Matin pour la publication de son livre, Bouteflika, une imposture algérienne, et la ligne du journal qu'il dirige. Hafnaoui, il y a à peine quelques jours, mais pour d'autres motifs, a été jeté au trou... Il a osé s'en prendre à la mafia locale, à l'incompétence de l'administration... Le nouvel ordre pour la presse algérienne est en marche.
D'autres procès sont programmés, d'autres éditeurs, ou caricaturistes, des journalistes... L'on s'attend dans la profession à de nouvelles arrestations de journalistes. La présence du président de la République au G8 est très certainement analysée par les autorités algériennes comme un encouragement à briser tout élan démocratique de la presse. Les autorités algériennes qui n'ont aucune stratégie de sortie de crise, en dépit des considérables liquidités financières dont regorgent les caisses de l'Etat, ont trouvé dans le journaliste le parfait bouc émissaire.
La société algérienne est traversée par une colère sourde... Est-ce la faute aux journalistes si l'élite politique au pouvoir n'arrive pas à redonner espoir à la jeunesse et aux couches de la population les plus marginalisées et les plus déshéritées ? Doit-on, pour apaiser le climat social, mettre en sourdine les tensions politiques, cacher le terrorisme, ignorer la pauvreté, la prostitution, le chômage, la drogue... Bref, revenir à la langue de bois des années 1970 ? C'est apparemment le voeu du pouvoir. La liberté de la presse malmenée toutes ces dernières années est à présent menacée dans son existence. Les Algériens doivent le savoir. La machine est mise en branle.
El Watan - 15 juin 2004


BENCHICOU EN PRISON 
Déclaration des éditeurs


Mohamed Benchicou, directeur de publication du quotidien national Le Matin, est en prison depuis hier. Il a fait l'objet d'un mandat de dépôt décerné par le juge du tribunal d'El Harrach suite à un jugement le condamnant à deux ans d'emprisonnement. Cette décision traduit une instrumentalisation manifeste de la justice. Ghoul Hafnaoui, un autre journaliste, en a fait les frais. Il a été condamné à deux mois d'emprisonnement ferme le 9 juin par le tribunal de Djelfa. Il a fait l'objet d'autres mandats de dépôt suite à une vingtaine de plaintes pour le maintenir indéfiniment en détention. Il s'agit là, à l'évidence, d'un processus d'étouffement des libertés fondamentales deux mois à peine après la réélection de Abdelaziz Bouteflika. L'homme qui se prévalut durant sa première mandature du fait de n'avoir jamais mis de
journaliste en prison entame son second mandat par une nouvelle série de procès sanctionné par des emprisonnements. L'imposture se révèle dans toute sa dimension. La presse n'est certainement pas la seule profession en ligne de mire devant une telle dérive totalitaire, le Syndicat national des journalistes, le Conseil de l'éthique et de la déontologie et les éditeurs réunis hier, lundi 14 juin 2004, à Alger :
- alertent l'opinion publique nationale et internationale sur l'extrême gravité des atteintes aux libertés et droits fondamentaux en Algérie ;
- dénoncent l'instrumentalisation éhontée de la justice à travers les décisions d'emprisonnement de journaliste ;
- exigent la libération immédiate de Mohamed Benchicou et Ghoul Hafnaoui ;
- appellent à une mobilisation de la corporation et de la société civile afin de soutenir les actions visant la libération des deux journalistes détenus.
A cet effet, il est constitué un comité national pour la libération immédiate de Mohamed Benchicou et Ghoul Hafnaoui ouvert à toutes les composantes de la société civile.
Un rassemblement aura lieu mercredi 16 juin 2004
à la maison de la presse Tahar Djaout,
place du 1er Mai, et ce, à partir de 12h.

Alger, le 14 juin 2004

Les signataires :
- Le Syndicat national des journalistes
- Le Conseil supérieur de l'éthique et de la déontologie
- El Watan   -  El Fedjr  -   El Khabar -  Le Soir d'Algérie  -  Liberté
- Le Matin  -  Akher Saâ  -  L'Est républicain


COMMUNIQUE DU MATIN /
«Décision arbitraire et scandaleuse»


Le directeur du Matin, Mohammed Benchicou, est depuis hier incarcéré à la prison d'El Harrach. Il a été condamné à deux ans de prison ferme assortis d'un mandat de dépôt lors d'un procès où ni le procureur, ni la partie civile, ni même le juge n'ont pu prouver sa «prétendue culpabilité». Ce procès, par son iniquité et ses contradictions, a révélé les arrière-pensées politiques et la volonté du pouvoir de briser Le Matin et de donner une mise en garde à la presse indépendante. La menace de Zerhouni de faire payer Benchicou a connu par ce verdict sa pleine manifestation. Le collectif du Matin reste mobilisé et entreprendra toutes les actions pour faire libérer Mohammed Benchicou. Nous prenons à témoin l'opinion nationale et internationale contre cette grave atteinte à la liberté d'expression et contre la décision arbitraire et scandaleuse qui vient de frapper le directeur du Matin.   

Alger, le 15 juin 2004