AU JOUR LE JOUR
14-06-02
Le nouveau paradigme de la lutte antiterroriste,
un "nouveau mort-né ?"
par Yohan Petersen

Le 28 mai 2002, en Italie, s'est tenu le sommet des chefs d'Etats de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Ce sommet de dix-neuf plus un constitue un premier pas dans la direction d'une reconstruction géopolitique des Alliances politico-militaires. Pour la première fois, la Russie a été conviée à la signature d'un document qui établit un cadre de coopération entre les membres de l'Alliance et Moscou. Le président russe n'est pas encore membre à part entière du  Commandement Intégré de l'organisation, mais cette rencontre laisse à penser que cela devrait bientôt être le cas ; ces relations s'orientent vraisemblablement dans cette direction.

La participation russe à l'OTAN intervient quelques jours après la signature d'un accord sans précédent sur une réduction significative des armes de destruction massive. Cette réduction des armes prévoit le démantèlement d'un tiers des arsenaux nucléaires des deux pays. A première vue, on ne peut que se réjouir d'une telle avancée. Mais si on y regarde de plus près, on constate que, de toute façon, les Russes ne pouvaient plus assurer la maintenance de la totalité de leurs armes nucléaires. Par ailleurs, faut-il rappeler qu'avec le stock existant, les deux puissances pourraient à elles deux détruire une cinquantaine de fois la planète ?

Depuis la chute du mur de Berlin et la fin du Pacte de Varsovie, nous avons assisté au démantèlement du système de la guerre-froide. La participation de la Russie à cette réunion annonce le début d'une nouvelle ère; celle de la reconstruction et de la mise en place d'une nouvelle configuration géostratégique.

En effet, en 1949, l'OTAN a été créée afin de contrer la menace du bloc soviétique, et depuis la disparition de la menace directe en 1989, l'OTAN a cherché longtemps une nouvelle " raison d'être ". Si sa participation disproportionnée dans les Balkans en 1999 - la date de son cinquantenaire - avait plus une valeur symbolique qu'opérationnelle (elle a montré avant toute autre chose sa difficulté à mener à bien une bataille terrestre), depuis l'invasion d'Afghanistan par les troupes américaines et la déclaration de lutte antiterroriste de George W. Bush, il nous semble que l'OTAN s'est dotée d'une nouvelle légitimité ou plus exactement a donné un nouveau " sens à son existence ".

Officiellement, cette organisation, composée de 20 Etats membres serait amenée à assurer la sécurité collective des nations. Dans ce cadre, on est en droit de se demander quelle serait l'articulation des interventions entre l'ONU (Organisation internationale à vocation universelle) et l'OTAN essentiellement euro-américaine avec, disons-le, une hégémonie militaire, politique et idéologique étasunienne.

Les derniers conflits plus au moins résolus (Bosnie, Indonésie, Somalie), ceux en cours (Israël-Palestine) ou encore les conflits oubliés (Afrique de l'Ouest, Afrique centrale, Caucase et Transcaucasie, Kurdistan) ont montré la carence de l'ONU et de son système dépassé et peu démocratique. Or, justement, si on assiste à une absence de la démocratie dans cette organisation, 'fille de le seconde guerre mondiale', c'est parce que les membres permanents au sein du Conseil de Sécurité de l'ONU, à savoir les 5 grandes puissances de l'après-guerre froide, disposent d'un pouvoir qui est aujourd'hui totalement injustifié. Si pendant les 50 années qui ont suivi le partage du monde en 1945, les Etats-Unis et, dans une moindre mesure l'URSS, ont fait régner un arbitraire au service de leurs intérêts stratégiques, aujourd'hui et 13 ans après la fin du monde bipolaire, ce diktat n'est plus justifié.

Or les Etats-Unis, cause majeure de cette injustice, prétextent cet état de fait pour relancer une OTAN plus opérationnelle sur le plan de la gestion des conflits, et cela au détriment de cette universalité handicapée, lente et peu efficace. Etant, par ailleurs, à l'origine de la formation et de la mise en place des mouvements fondamentalistes islamiques, qui à l'origine devaient en finir avec l'URSS, les Américains ont soutenu activement l'avènement du régime des talibans en Afghanistan. Ils ont supervisé la transformation des camps d'entraînement de la résistance afghane en 'réserve naturelle pour toutes sortes de fondamentalistes, des pays du Golfe au Caucase en passant par l'Afrique du Nord, afin de destituer le pouvoir légitime de Kaboul grâce à une force prometteuse et stabilisatrice qui était le régime du Mollah Mohammad Omar. L'échec de ces derniers à 'nettoyer' l'Afghanistan et l'effet boomerang du soutien à des entités incontrôlables ont amené les Etats-Unis à y intervenir au nom de… la lutte antiterroriste. En fait, ils sont en train d'accentuer leur hégémonie dans les zones riches en hydrocarbure.

Sans vouloir entrer dans les détails de la construction de " ce nouveau paradigme : lutte contre le terrorisme " (et sans discuter de l'origine et de l'usage fait du mot terrorisme), la principale question est de savoir si cette nouvelle guerre sainte (qu'on nous annonce longue et difficile), pourrait constituer un " sens " réel, solide et durable, pour justifier l'existence (et son renforcement) de cette alliance militaire euro-américaine. N'oublions pas les promesses d'un " Nouvel Ordre Mondial " de Reagan au lendemain de la chute du mur de Berlin ; ce paradigme n'a pas encore vu le jour que la guerre contre le régime dictatorial de Bagdad et le maintien de Saddam Hussein au pouvoir, d'une part, et le soutien sans faille à l'Etat hébreu, d'autre part, l'ont vidé de tout son sens.

Chaque jour, la communauté internationale assiste au massacre des innocents en Tchétchénie, dans les territoires occupés par Israël ou en Afrique, et pendant ce temps là, Américains et Russes érigent une nouvelle machine de guerre pour protéger l'Humanité du terrorisme.


Yohan PETERSEN
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