n°25

Après la présidentielle
Un choix fondateur d'avenir
par
Pierre Blotin
lundi 14 mai 2007

Les communistes sont engagés dans la campagne des élections législatives avec l'objectif de faire élire de nombreux députés de gauche et parmi eux le plus grand nombre de députés communistes. En effet l'influence des communistes, et le nombre de leurs députés dans la diversité de la gauche, seront très important pour résister à la politique de Sarkozy et ouvrir de nouvelles perspectives. La contribution de Pierre Blotin que nous publions pose des questions et soumet des idées qui viennent dans nos débats et qui prendront toute leur ampleur au lendemain des élections législatives. Notre site est naturellement ouvert à tous ceux et toutes celles qui souhaitent donner leur opinion sur cette contribution. L'équipe de communisme 21

En ce printemps 2007, beaucoup de communistes sont en proie au désarroi.
En 2002, les causes de l'échec n'ont pas vraiment été identifiées. En les ramenant surtout à la question de la participation gouvernementale entre 1997 et 2002, on s'est interdit une analyse plus poussée. Celle notamment du mouvement historique de déclin mettant en cause l'existence du PCF comme force politique capable d'influer positivement sur le cours des choses.
Ne recommençons pas ! Les causes du désastre de 2007 ne peuvent être réduites à la seule problématique du «vote utile». Et pas davantage à la critique - nécessaire mais pas suffisante- des choix stratégiques du PCF depuis 2002.

C'est la lourde addition de l'échec du communisme au siècle dernier que nous payons aujourd'hui. Malgré l'apport considérable des communistes aux luttes des peuples et aux progrès de l'humanité, ce fut un échec dramatique. Pas seulement celui du « modèle soviétique » : celui d'une conception de la transformation sociale sur laquelle ont été fondés tous les partis communistes.
Cette conception fait du pouvoir politique le levier majeur pour construire une société nouvelle créant les conditions pour que les générations futures accèdent enfin à l'autogestion de leur destin. Nulle part ce schéma n'a pu se réaliser. On ne peut faire le bonheur des peuples sans eux, ou, pire - et on a vu le pire !- contre eux. On ne peut leur imposer le projet d'une société radicalement nouvelle alors qu'ils veulent certes changer en bien leur société, marquée de l'histoire séculaire de leur nation, mais certainement pas plonger dans un avenir inconnu, facilement perçu comme destiné à « faire de leur passé table rase »...

C'est cette conception fondatrice de tous les partis communistes qui, malgré des réalisations qu'on ne peut sous-estimer, a fini par se fracasser contre les réalités nationales, économiques, sociales et culturelles des nations et des peuples en Union Soviétique et dans les pays « socialistes ». C'est cette même conception qui s'est heurtée partout aux aspirations croissantes des hommes et des femmes à décider eux-mêmes de leur destin, de la société dans laquelle ils veulent vivre. Même voulu résolument « à la française », le « projet » du PCF reste « apparenté » à ce qui a partout échoué.
Et pourtant, Marx et Engels avaient mis en garde : «
ce sont les peuples qui font l'Histoire » - « le communisme n'est pour nous ni un état qui doit être créé, ni un idéal sur lequel la réalité devra se régler. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l'ordre actuel. »

Ce mouvement réel est aujourd'hui à l'oeuvre, en France comme partout ailleurs. Il conteste le droit des actionnaires à massacrer des entreprises et des êtres humains sur l'autel des profits financiers. Il conteste le droit des puissances d'argent à tout transformer en « marchandise ». Il conteste les critères de la rentabilité capitaliste. Il esquisse dans l'action d'autres critères : priorité à la recherche, à la qualification et aux salaires plutôt qu'aux « gains de productivité » renforçant l'exploitation des salariés ; critères « anti-précarité » imposant la sécurité d'emploi ou de formation et la reconnaissance des qualifications ; nouveaux droits donnant aux travailleurs et aux peuples les moyens de s'affranchir de la dictature « mondialisée » du capitalisme financier sur la gestion des entreprises, les échanges commerciaux, les économies nationales et régionales. Il conteste le dogme ultralibéral de la concurrence sans limite ; il lui oppose la revendication de coopérations et de mises en commun à tous les niveaux, impliquant des services publics efficaces et démocratiques. Il conteste le pillage des peuples et des ressources naturelles par les « multinationales » et les puissances qui les servent. Les luttes des peuples pour la paix, la liberté, l'indépendance, le respect de leurs choix sociaux et culturels, la préservation de leur environnement et de l'avenir de la planète s'opposent de plus en plus à la mondialisation capitaliste.
Dans tout cela, c'est de respect humain, de coopérations et de mises en commun qu'il est question. Ce «mouvement réel» conteste concrètement le capitalisme. Il explore d'ores et déjà dans l'élaboration de ses revendications pour aujourd'hui et pour demain des pistes pour un « après-capitalisme ». Il exprime l'aspiration des êtres humains et des peuples à bénéficier des progrès des connaissances, des sciences et des technologies. Leur volonté de maîtriser enfin leur présent et leur avenir, celui de leurs sociétés, de leurs nations, en préservant pour leurs enfants une planète habitable... Alors, oui : communisme. L'échec du siècle dernier ne peut conduire à l'abandon d'une référence qui, loin d'être « dogmatique » est directement liée au « mouvement réel » à l'oeuvre dans l'affrontement actuel des peuples et du capitalisme mondialisé.

L'existence de ce « mouvement réel » n'empêche pas la droite, désormais rassemblée en France du centre à l'extrême droite, de triompher électoralement ? Certes. Mais la faiblesse de la gauche n'est elle pas précisément liée au fait que ce « mouvement réel » ne se reconnaît aujourd'hui dans aucune des offres politiques de ses différentes composantes ? Ni dans celle d'un Parti socialiste « verrouillé » dans des conceptions social-libérales et tenté par un renversement d'alliances vers le « centre ». Ni dans celle d'une extrême gauche enfermée dans la protestation tribunicienne. Mais pas davantage dans celle d'un Parti Communiste Français toujours associé à l'échec du communisme au XX° siècle, et continuant d'ailleurs à se prévaloir des mêmes conceptions faisant du pouvoir politique le levier essentiel de la transformation sociale, pour « changer de société » selon un « projet » préétabli.

Par quelle aberration pourrait-on en conclure à l'inutilité désormais de l'existence et de l'action d'un parti communiste, auquel devrait se substituer un « mouvement », une « force » se réclamant au mieux d'une vague référence à la « transformation sociale » ? Et, à l'inverse, pourquoi faudrait-il accepter un repli frileux maintenant à tout prix un PCF réduit à une petite organisation nostalgique et sectaire, incapable de remettre en cause des conceptions qui ont partout conduit à l'échec ? Remettre en cause ces conceptions conduirait à remettre en cause ce sur quoi a été fondé le Parti Communiste Français en 1920 et qui, malgré ses évolutions des dernières décennies a continué de déterminer son identité ? Bien sûr. Pourquoi faudrait-il que cela induise la négation de ce que ce parti et les centaines de milliers d'hommes et de femmes communistes ont fait de positif et d'utile à notre peuple, à notre pays, d'utile aux luttes des peuples pour la paix et le progrès ? Le reniement ne serait-il pas plutôt dans le refus d'avoir aujourd'hui l'audace et l'intelligence politique dont ils ont su faire preuve en d'autres temps ? Car « le mouvement réel », le PCF a su le rencontrer et l'épouser à un moment crucial de son histoire, durant la décennie 1936-1946. Sans chercher à lui imposer des vues et des dogmes dont il eut alors le courage de s'affranchir, il a fait ce qu'il fallait pour contribuer à ce qu'il remporte des succès marquants qui ont laissé des traces solides dans l'histoire et la culture politique du pays.

Faire ce qu'il faut, en ce début du XXI° siècle, ce n'est certainement pas abandonner. C'est faire aux travailleurs, au peuple, à la France, une nouvelle offre de communisme. Prenons bien la mesure des exigences liées à l'état actuel de l'affrontement des peuples avec le capitalisme. Prenons aussi la mesure des pièges de la facilité, de l'abandon ou du repli sectaire qui se tendent dans le mouvement de recomposition politique en cours. La demi- mesure, le « bricolage » idéologique et le « rafistolage » organisationnel ne seraient certainement pas à la hauteur de ces exigences, et ne permettraient pas d'éviter ces pièges !.. Je suis convaincu que le PCF, les hommes et femmes communistes de France, membres ou non de ce parti, peuvent et doivent trouver en eux-mêmes les ressources pour fonder un autre parti communiste. Sur une autre conception faisant du mouvement populaire (et plus du pouvoir politique) le levier majeur de la transformation sociale. Une conception communiste au sens où l'entendaient Marx et Engels . Une conception induisant un autre projet politique, dont la ligne directrice serait la recherche permanente des moyens pour contribuer - dans les luttes sociales et démocratiques, dans les élections, et chaque fois que cela peut permettre d'avancer réellement, dans la participation aux pouvoirs à tous les niveaux , en réalisant les alliances politiques à gauche, et les convergences d'action avec le mouvement social et associatif nécessaires - au développement de ce mouvement populaire par la conquête de droits nouveaux dans tous les domaines. C'est le choix d'une véritable renaissance du communisme français. Un choix fondateur d'avenir. En serons-nous capables ? Personne ne peut aujourd'hui répondre à cette question. C'est aux hommes et aux femmes communistes de s'en saisir et de décider. Il faut pour cela créer les conditions d'un vrai débat dans lequel toutes les sensibilités communistes pourront confronter leurs points de vue.

Pierre Blotin

Publié dans Communisme 21
http://www.communisme21.fr/spip.php?article130

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