Reflets tremblants des arts déçus
de Daniel Roth et Paul Sanda
par Rémi Boyer
Essai profond et percutant, Reflets tremblants des arts déçus de Daniel Roth et Paul Sanda, publié chez Rafael de Surtis, dresse un état sombre du monde de l'art, ou plutôt de l'art mondain, pourfendu ici et là par quelques éclairs de lucidité et de talent inconditionnels.
C'est un essai de résistance qui s'inscrit à la fois dans l'attaque contre-spectaculaire d'un Guy Debord et dans l'affirmation d'une liberté de l'art, démontrée par André Breton, que nul carcan ne pourra jamais contraindre, malgré les jours obscurs.
"Dire ici que laisser la véritable liberté de créer advenir, ce ne peut être décortiquer les créations à la lumière de toutes ces élucubrations didactiques dont on nous gave : si le public doit être un récepteur de l'oeuvre, c'est avant tout comme juge émotionnel et technique ; c'est ce public qui, par la capacité profonde à laisser vibrer son regard intérieur, sait soutenir l'Artiste et les divers courants artistiques marqués d'une grande trajectoire humaine. Et l'Art ne doit pas, déontologiquement, tomber entre les mains de ces industriels mafieux qui ouvrent marchés et galeries, cotes et surenchères ; placements."
L'art dont parlent Daniel Roth et Paul Sanda, l'art qu'ils nous invitent à chercher et à défendre est initiatique, libre et libérateur. Il dissout les cristallisations obscures nées de notre rencontre avec le mesquin, le médiocre, le limité. Il s'agit d'un combat dont il n'est pas certain dans les temps actuels qu'il soit pacifique, bien au contraire, c'est une question de vie et de mort, de vie tant du corps que de l'esprit si l'on en croit le nombre croissant de "cadavres ajournés" qui polluent cette terre.
"Sur le plan spirituel, il ne s'agit pas de s'enfoncer dans un nouvel obscurantisme, dans un absolu radical du religieux qui ferait de l'Essence divine l'univoque puissance écrasant définitivement l'Existence culpabilisée de la misérable créature. A l'inverse, il ne semble pas que l'Existence, dans une toute prépondérance exacerbée, puisse abstraire l'Essence sans un réel danger pour la société. La mise en mouvement de la capacité psychique capable de pouvoir admettre les espaces spirituels où les opposés peuvent entrer en coïncidence, est une expérience forte, libératrice et vivante. Elle s'inscrit dans l'aboutissement d'un long travail sur soi, sur la compréhension de sa place propre, de ce que l'extérieur recèle de précieux. La codification des secrets, la transmission de ces secrets sous diverses formes initiatiques, participent de la même recherche, des mêmes expériences, et du même hommage. Gilbert Sinoué écrit : « Si tu veux mieux comprendre le sens et l'origine des choses, intéresse-toi aux mythes. Sous leur apparence naïve, voire puérile, repose toute la sagesse de l'univers. » Et si la tradition rejoint au fond l'avant-garde, c'est souvent sur un point fondamental, comme, plus explicitement, il l'ajoute : « Tu apprendras plus tard que tout est symbole dans les Ecritures et qu'il n'y a rien de plus pernicieux que de prendre les textes sacrés, d'où qu'ils viennent, au pied de la lettre. »"
Il existe une assemblée de l'Art, invisible mais visible, sans forme, sans règle, sans autre obligation que celle de demeurer libre des contingences et des conditionnements. Cette assemblée des vivants s'exprime ici et là : au bon moment, au bon endroit. Ce livre, bref et fort, en est une émanation.
La seconde partie de l'ouvrage est un traité : Le secret des vénitiens. Bref traité de peinture. Il y est question des huiles cuites, de couleurs et de vernis, de temps et de feux, de recettes et de secrets pour nous rappeler que là où il y a art, il y a aussi alchimie.
Rémi Boyer
Reflets tremblants des arts déçus de Daniel Roth et Paul Sanda, éd. Rafaël de Surtis
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