n°25
CULTURE
Critique
Mémoires d'un gardien de musée
de
Jehan van Langhenhoven
par
Bernard Giusti
Nais. Nais ! Tout ! Tout...
(mémoires d'un gardien de musée)



Le dernier recueil de Jehan van Langhenhoven, illustré avec talent par Roxane Maurer, nous plonge dans ce que le langage a peut-être de plus fondamental, la vacuité de l'être, et cette tentative permanente, plus ou moins évidente selon les locuteurs (les
logopodes, dirait Jehan), de communiquer l'incommunicable, l'irréductible. Et pour atteindre à ce qu'on pourrait désigner ici comme le noyau dur de l'essence, l'auteur réussit le tour de force d'utiliser en même temps le langage dans ce qu'il a à la fois de plus riche et de plus dépouillé.

Paradoxe et grand écart permanent, le discours se place sous le signe de dualités qui s'entrecroisent, se heurtent, se mêlent, s'abolissent. Ainsi sommes-nous tout à la fois nos propres musées et nos propres gardiens, visiteurs d'une exposition permanente pris au piège entre le corps et la mémoire, un piège où l'être se noie, s'engloutit, disparaît dans la fonction pour ne laisser, après quelques rondes, que quelques ronds à la surface d'un temps impassible.

A l'origine,
dès sa prise de quart
le gardien de musée se doit d'avoir
une amie.
Une seule et unique amie :
sa montre.

Impossible aussi la fuite dans l'imaginaire, fût-il poétique : rien n'élève que l'illusion, et en définitive la chute, qui n'a rien de biblique, est perpétuelle.

Il y a les poètes, peu.
Les femmes, les champions et les roses.
Puis les philosophes peut-être.
Et leur métaphysique.
Qui à les croire concernerait Dieu, l'Etre et le Temps.
Autant dire une onomatopée, une longue suite d'hypothèses
et un puits sans fond...

C'est qu'en fin de compte,
"le gardien de musée garde le gardien de musée".
Et le paradoxe ira jusqu'au bout : si le désespoir prend les apparences de la lucidité, ce n'est jamais le désespoir du pathos, mais plutôt
la noblesse du désespoir, de ce désespoir qui à l'instar de Chronos rend au centuple l'énergie qu'il dévore.

Bernard Giusti


Nais. Nais ! Tout ! Tout... (mémoires d'un gardien de musée) - Oeuvres picturales de Roxane Maurer - Editions Rafaël de Surtis, 2007 - 76 p., 12 euros
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