n°25 | ||||||||||||
À propos de Guy Môquet et de l'instrumentalisation de l'histoire nationale par René Merle |
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Le candidat faisait de la lettre de Guy Môquet un usage incantatoire. Dès son avènement, le président persiste et signe. On ne regrettera pas que l'exemple du jeune résistant communiste soit ainsi proposé aux lycéens, qui sans doute, dans leur majorité, l'ignorent. Mais, écartant toute supputation sur le rapport personnel du président à notre histoire, on ne peut que s'interroger (le mot est faible) sur la place de l'Histoire dans la rhétorique qui a convaincu une majorité de citoyens. Depuis quelques années, collectivement ou individuellement, nombre d'historiens dénoncent l'officialisation de l'Histoire : contrôle de la mémoire, histoire revisitée à l'aune des « valeurs » d'une colonisation dont le candidat disait qu'elle rêvait plus de civilisation que de conquête. On conçoit facilement quelles couches de la population sont, au premier chef, courtisées dans cette apologie de la « grandeur impériale », dont elles participent par expérience vécue ou par mémoire familiale. Pour autant, notre histoire nationale ne semblait pas devoir être convoquée à la barre des témoins dans une campagne qui, par sa condamnation de l'assistanat, son apologie de la réussite individuelle, balayait les valeurs de solidarité et de justice sociale, héritées de deux siècles de luttes, et les compromis positifs arraché par ces luttes. Une campagne où la nouvelle donne du capitalisme se justifiait plus de références aux Etats-Unis qu'à «la vieille Europe». Dans ce contexte, on aurait pu penser que la référence historique n'aurait pas sa place. Et pourtant, hommage opportuniste à un sentiment national profondément enraciné, la campagne du candidat n'en a pas moins été soutenue par un recours permanent au passé, inscrivant les perspectives de « la rupture » dans la continuité de l'Histoire de France. Vision démagogiquement oecuménique, totalisante, qui n'omet significativement de son Panthéon que les Bonaparte et Pétain, et n'exorcise que 1968. À nouveau, la réaction déontologique et citoyenne de nombreux historiens (en particulier celle du Comité de vigilance sur les usages de l'histoire) a mis en garde contre cette manipulation. Les réactions « à gauche » ont été également vives contre une captation d'héritage qui utilise les grandes figures du socialisme sans craindre le contresens historique. Réactions bien plus vives et spontanées dans la masse citoyenne, chez les militants et élus « de base » que chez la candidate et dans l'état-major vibrionnant du parti socialiste, dont la campagne, incapable d'enraciner les aspirations populaires d'aujourd'hui dans ce qu'il y a d'opérant dans notre histoire, se gardait de faire appel aux souvenirs de 1789, de 1848, de 1871, de 1936 ou de la Libération. Et c'est paradoxalement par la voix de Nicolas Sarkozy que de jeunes électeurs de gauche ont entendu parler des grands ancêtres... Débordement apparemment sur la gauche, dans la grande tradition de Louis Napoléon et du général Boulanger, qui a pris par surprise la candidate et ses conseillers, tout autant que les amis du candidat conservateur, les uns et les autres fort peu préoccupés de la « République démocratique et sociale ». Ne s'en étonneront que ceux qui refusent de voir la porosité, pour ne pas dire l'osmose, entre les deux facettes de « l'élite » politique, osmose dont les récentes péripéties autour de la formation du gouvernement ont donné des exemples édifiants. Répondant à mon billet du 7 mai, Rémy Pergoux, qui mène depuis longtemps en Haute-Savoie un efficace travail d'éducation populaire, m'écrit notamment : « Cette élection avait été manipulée de longue date pour obtenir une sorte de coup d'état « légal ». En somme c'est à la fois le coup lui-même et le plébiscite qui était, dans le passé, chargé de créer la « légitimité ». Et en plus je pense que, si Ségolène Royal avait été élue, j'aurai pensé la même chose ! Parce qu'au fond, l'objet de ce coup d'état « light » est d'installer le système de bipartisme à l'américaine, le libéralisme sans retenue, la liquidation de « l'esprit de résistance à l'oppression ». Je fais miennes ces quelques lignes. René Merle 17 mai 2007 |
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