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De l'Empire du mal au Mal de l'Empire | ||||||||||||
Dans le monde monopolaire d'aujourd'hui, la superpuissance dominante, les Etats-Unis d'Amérique, est de plus en plus sollicitée. Elle est impliquée dans des opérations de maintien de la paix (Bosnie, Kossovo, Somalie) ou dans la défense de ses propres intérêts (Koweït, Afghanistan) ou encore de manière indirecte dans des conflits internes aux Etats (Colombie). Sans parler du poids symbolique que sa seule existence peut engendrer : il suffit d'évoquer son nom pour qu'un certain nombre de revendications - légitimes ou pas - se taisent. Or, plus on sollicite la superpuissance, puisque elle est la seule et unique, plus elle est amenée à exhiber sa force virtuelle hors du commun, pour ne pas dire supranaturelle. Et donc plus elle est en passe de montrer ses vraies limites. A force de se poser comme l'unique, la sans faille et la parfaite, elle finira par être démystifiée. Pour les observateurs des relations internationales, ce mythe a vécu dès les premières erreurs d'appréciation pendant la guerre du Golfe. La légende du 'zéro mort' a laissé la place aux 'dommages collatéraux', mais aussi le 'Nouvel Ordre Mondial' a difficilement été remplacé par 'l'Empire du Mal', concept qui touche l'Irak, la Corée du Nord et l'Iran en tant qu'acteurs principaux, avec cas le échéant en second rôle, le Yémen, le Soudan, le Hezbollah libanais, le Hamas Palestinien, les FARC, le groupe d'Abou Sayaf.... Le zéro mort, pas plus que 'le nouvel ordre mondial' ne sont rien d'autre que des concepts transitoires pour asseoir l'ordre dominant d'un pays hégémonique en quête de ses propres intérêts. La mise en place du paradigme 'Empire du Mal' annonce le passage à l'étape suivante qui nécessite la participation d'une partie des acteurs sur la scène internationale pour prendre le rôle du 'méchant'. Un Saddam Hussein (toujours au pouvoir), un Slobodan Milosevic (renversé par le peuple serbe et non pas par la coalition de l'OTAN) ou encore un Oussama Ben Laden (réel ou virtuel ?) ne font plus l'affaire. Incontestablement la superpuissance, pour se régénérer, a besoin d'ennemis plus crédibles, un Etat isolé avec une armée de type 'puissance régionale' ne faisant plus l'affaire. Le temps de la Guerre Froide avait le mérite de fournir 'un bloc' d'Etats avec une vraie arme de destruction mondiale : le nucléaire. Si l'opinion publique internationale n'a pas, jusqu'à présent, intégré l'horreur que cet 'Empire' peut engendrer, (même si tous ces Etats sont susceptibles d'être en train de fabriquer la 'bombe'), elle n'a pas davantage admis la légitimité du Bien qui combat ce Mal. La 'lutte contre le terrorisme' comme la 'défense de la démocratie' et du 'monde libre', ces nouveaux concepts taillés pour l'occasion, sont déjà usés et ne font plus recette. Si les gouvernements occidentaux ont suivi immédiatement l'Amérique dans sa croisade moyenne orientale et plus récemment centre-asiatique, l'opinion publique a émis des réserves certes isolées mais de plus en plus fortes. Une grande partie des ressources qui a nourri cette résistance intellectuelle vient de la lutte du peuple palestinien sous toutes ces formes. Depuis l'arrivée au pouvoir d'Ariel Sharon, la 2ème Intifada a commencé dans une indifférence générale due à l'accumulation des années de guerre. Au long de ce combat, ce peuple a été amené à recourir à des formes particulières de résistance tel que l'attentat suicide. Je ne cautionne pas la violence et la mort d'innocents, mais il a fallu passer par ces actes non seulement pour qu'on puisse se rendre compte de la violence subie par tout un peuple depuis des décennies, mais également pour qu'on mette fin une fois pour toute aux arguments de type sécuritaire qui ont amené Sharon au pouvoir : le peuple israélien n'a jamais vécu un tel état d'insécurité depuis au moins une quinzaine d'années. Mais il existe de plus grands mérites de ce combat des Palestiniens. Hormis le fait qu'il a contribué à la reconnaissance de facto par le Conseil de Sécurité de l'ONU de l'existence d'un Etat Palestinien dans le cadre des frontières 'sûres et reconnues', il a permis l'émergence de certaines questions, en particulier depuis la guerre du Golfe. Quelle est cette démocratie qu'on défend au Koweït mais qu'on réprime en Palestine ? Qu'est-ce qui différencie cet islam diabolique (depuis quelques mois seulement) de Ben Laden, et l'Arabie Saoudite, pays d'origine de ce courant fondamentaliste et terre natale de cette pensée, qui est sous la protection américaine ? Qui sont ces terroristes et criminels de guerre ? Alors que Milosevic, qui a mis à feu et à sang les Balkans est aujourd'hui jugé par le Tribunal Pénal International, le TPI, pourquoi le bourreau de Sabra et Shatila a-t-il encore aujourd'hui les mains libres pour massacrer la population civile, le processus de paix et ses anciens collaborateurs ? C'est là une série de questions qui mettent en cause la légitimité de cette 'nouvelle représentation' que serait l'Empire du Mal. Plus que jamais la 'Superpuissance' montre ses limites... Une attaque unilatérale et 'surprise' contre l'Irak se prépare. Il est plus que temps de réagir. Johan PETERSEN |
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