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Valère Staraselski a lu "La littérature sans estomac" de Pierre Jourde |
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Il y a cinquante deux ans, Julien Gracq, qui avait refusé le prix Goncourt, publiait La littérature à l'estomac où il dénonçait les facilités de l'époque au nom d'une morale de l'écriture. Aujourd'hui, avec La littérature sans estomac, Pierre Jourde montre comment "L'édition produit, la critique défend, sous le masque de l'exigence, de la littérature bas de gamme". Et de quelle manière ! Vive, drôle et intelligente ! Pour le dire au plus net, à la lecture de la première partie du livre de Pierre Jourde, on acquiert le sentiment qu'il dit tout haut ce que les amoureux et nombre de professionnels de la littérature pensent tout bas. "Les livres abordés ici, écrit-il au sujet de Darrieusecq, Angot et autres Beigbeder, peuvent être l'occasion de s'apercevoir que, de plus en plus, les choix éditoriaux tendent à brouiller les pistes. Des ouvrages médiocres, simples produits d'opérations publicitaires, sont présentés par leurs éditeurs, de manière explicite ou implicite, comme de la "vraie littérature". La force de son propos vient que c'est en qualité de critique - c'est-à-dire en se livrant, selon les mots de Jean-Pierre Richard, à "une écriture au service des écritures" et en s'attachant au "style qui seul dit la vérité", qu'il effectue ce travail d'intelligibilité. Porté par une révolte froide et somme toute mesurée, Jourde entend viser "l'absence d'ambition et d'invention, portée aux nues", la démission, l'impuissance qui étouffent la littérature française. Sont aussi passés au crible de sa sagacité, la place de Sollers et d'un certain Monde des Livres, mais également toute une série d'oeuvres de poètes et de romanciers contemporains. Particulièrement celle de Valère Novarina ou encore d'Eric Chevillard en une dernière partie de facture plus universitaire. Notons que sur ces auteurs, le lecteur n'aura aucune obligation de partager les inclinations de Jourde qui se place davantage du côté scriptural que de l'idéologie et de l'imaginaire … Vu l'enjeu, il est normal que le livre de Jourde soit combattu. Quel enjeu ? Celui-ci, la littérature "consiste non pas à reproduire le réel mais à le faire advenir. Le changer en y ajoutant de la conscience". En fait, le contraire de la littérature sans estomac dont nous abreuve les marchands. (2384 s) Valère Staraselski Pierre Jourde, La Littérature sans estomac, L'Esprit des Péninsules. 334 p. 20, 5 ? |
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