La presse mondiale dénonce les
erreurs du livre contre Pie XII
Interview du père Gumpel
Zenit - 29 septembre 1999
La presse européenne a publié de nombreux articles
révélant le manque de rigueur historique de John
Cornwell dans son livre "le Pape de Hitler" qui sortira dans les
librairies américaine en octobre prochain. Le "Corriere della
Sera" à Milan, le "Sunday Times", "Alfa y Omega" et "La
Razón", en Espagne, "Le Figaro", etc. ont
dénoncé le manque de professionnalisme de Cornwell.
Une déclaration de 11 pages écrite par le
jésuite Peter Gumpel, ancien professeur à
l'Université Grégorienne de Rome et relateur de la
cause de béatification de Pie XII, a été
publiée dans l'édition anglaise de ZENIT. Cette
déclaration a été republiée en
Norvège, aux États-Unis et en Australie. Aux
États-Unis, différentes organisations sont en train
d'analyser la possibilité de boycotter la maison
d'édition qui va publier le livre de Cornwell. Le mensuel
américain "Inside the Vatican" a préparé pour le
mois d'octobre un dossier spécial de vingt pages dans lequel
il démonte une par une les thèses du journaliste.
Un montage contre la papauté
"Il s'agit d'une indignation légitime", a expliqué
le Père Gumpel à ZENIT, "car Cornwell a fait un
authentique montage contre Pie XII et contre la papauté en
tant qu'institution".
Z : Mais Cornwell affirme que son livre est le fruit de mois de
travail dans les archives de la Secrétairerie d'État.
Il affirme par ailleurs qu'il a été le premier et le
seul à consulter ces archives.
Gumpel : Tout cela est faux. La Secrétairerie d'État
m'a confirmé directement que Cornwell fut autorisé en
mai 1997 à consulter l'archive de la section sur les Relations
avec les États. Il y travailla pendant environ trois semaines.
Le thème de ses recherches était les relations avec la
Bavière (1918-1921) et avec l'Autriche, la Serbie et Belgrade
(1913-1915). Il n'a pas eu accès à la période
après 1922. Cornwell a écrit qu'il a fait des
recherches pendant plusieurs mois. Il a en réalité
passé trois semaines à recueillir des informations
qu'il n'a même pas utilisées par la suite. Michel
Chappin, professeur d'Histoire de l'Église à la
Grégorienne et archiviste de la Secrétairerie
d'État, m'a expliqué par ailleurs que Cornwell n'est
pas le premier à avoir consulté les archives de ces
années-là, qui sont d'ailleurs bien antérieures
à l'époque du pontificat de Pie XII. La fiche de
Cornwell dans cet archive porte le numéro un car le format des
permis d'accès vient d'être changé et il a
reçu la première fiche de la nouvelle série !"
Z : "Vanity Fair" publie la photo d'un document de 1919 qui, selon
Cornwell constitue une preuve de l'antisémitisme de Eugenio
Pacelli, futur Pape Pie XII. Le journaliste dit qu'il s'agit d'un
document inédit.
Gumpel : J'ai entre les mains la copie de l'original de ce
document. Cornwell cite une ligne d'une lettre de six pages. Il n'y a
rien contre les juifs dans ce document. La seule chose qu'il dit est
que Levien (chef communiste de Munich) et son amie, étaient
juifs. C'est une pure constatation. Ils étaient juifs comme
ils auraient pu être chrétiens. Et tout le monde savait
qu'à cette époque, la direction communiste était
composée de juifs athées qui luttaient contre toutes
les formes de religion, y compris celle des juifs. Présenter
ce texte comme une preuve de l'antisémitisme de Pie XII me
semble une déformation due à une analyse partiale et
intéressée. Par ailleurs, le texte de cette lettre que
Cornwell présente comme un texte exclusif découvert par
lui, a déjà été publié en Italie,
en 1992, dans un ouvrage écrit par Emma Fattorini "l'Allemagne
et le Saint-Siège : la nonciature de Pacelli entre la Grande
Guerre et la République de Weimar". Cornwell n'a rien
découvert. Il a copié des documents déjà
publiés, en les déformant.
Z : La thèse fondamentale de Cornwell est que le Pape Pie
XII a soutenu le régime nazi.
Gumpel : Pie XII, comme nonce en Allemagne puis comme
Secrétaire d'État et plus tard comme Pape, a toujours
désigné Hitler et les nazis comme le plus grand danger
pour l'Allemagne et pour le monde. Cornwell omet totalement la
condamnation du nazisme que Pie XII fit à Lourdes, à
Lisieux, à Paris, à Budapest où il fut
délégué du Vatican. Lorsque Pacelli fut
élu Pape, le "Berliner Morgenpost", organe proche au mouvement
nazi, le considéra comme un ennemi de l'Allemagne. Son
aversion pour le nazisme était si connue que l'hebdomadaire de
l'Internationale communiste "La correspondance internationale" avait
écrit qu'en appelant à la succession de celui qui avait
fait preuve d'une résistance énergique contre les
conceptions totalitaires fascistes qui tendent à
éliminer l'Église catholique, le collaborateur le plus
proche de Pie XI, les cardinaux avaient fait un geste
éloquent, choisissant comme chef de l'Église un
représentant du mouvement catholique de résistance.
Sans parler de l'Encyclique qu'il écrivit contre le nazisme :
"Mit brennender Sorge". Il suffit de lire les brouillons de
l'Encyclique pour voir que Pacelli fut non seulement l'un des
rédacteurs mais que le texte original a des passages
rajoutés qu'il a écrits de sa propre main.
Cornwell ne publie pas les rapports que la Gestapo écrivait
contre l'Église catholique et contre le Pape, pas plus qu'il
ne tient compte de ce qu'écrivaient les journalistes
américains, anglais, français et hollandais sur la
résistance que Pie XII menait contre les nazis. Dans les
archives récemment ouverts à la consultation par le
Foreign Office, on voit que Pie XII était en contact avec les
généraux allemands qui voulaient faire basculer Hitler.
C'est Pie XII qui transmit à Londres la proposition des
généraux allemands qui voulaient mettre fin au
régime nazi.
Dans son analyse unilatérale, Cornwell n'a pas tenu compte
non plus du témoignage de l'américain Robert Kempner,
ancien procureur du Tribunal de Nuremberg contre les crimes de
guerre. Kempner a révélé que Pie XII et
l'Église catholique avaient envoyé une quantité
énorme de lettres de protestation, directes ou indirectes,
diplomatiques et publiques, secrètes ou explicites, auxquelles
les nazis n'ont jamais répondu.
Z : Cornwell affirme que Pie XII est antisémite...
Gumpel : Les dirigeants les plus importants de la
communauté et de l'État juif l'ont remercié
publiquement pour tout ce qu'il avait fait pour protéger les
persécutés. Je conseillerais à ceux qui ne me
croient pas de lire le neuvième et le dixième volume
des "Actes et Documents du Saint-Siège concernant la
Deuxième Guerre Mondiale", où sont recueillis les
témoignages des juifs sauvés de la persécution
grâce à l'intervention du Pape Pacelli. Je crois qu'il
n'y a pas au monde une personne ayant reçu plus de marques de
reconnaissance de la part de la communauté juive que Pie XII.
Un Pape rétrograde ?
Z : le livre de Cornwell décrit Pie XII comme l'expression
d'une Église fermée, rétrograde, autoritaire.
Gumpel : peu de gens savent que Pie XII est le vrai promoteur du
Concile Vatican II. C'est lui qui créa la Commission qui
devait préparer les sessions du Concile mais la situation
n'était pas encore favorable et Pacelli était
déjà malade. Il suffit de lire les actes du Concile
pour voir que Pie XII est l'auteur le plus cité après
les Saintes Écritures. Dans ses encycliques et ses discours il
a abordé tous les problèmes étudiés
ensuite par le Concile Vatican II.