Pie XII, "pape de Hitler"
par Annie Lacroix-Riz
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Avec l'appui de Pie XII, l'Eglise s'engagea activement à
l'est de l'Europe dans l'extermination. [Bien connus, les
sonderkommandos de prêtres en soutane ornée d'une croix
gammée et armés de crucifix lance-roquettes, qui se
sont lancés à l'assaut des quartiers juifs!]
La polémique qui se développe à propos du
film de Costa-Gavras Amen s'est concentrée jusqu'à
présent sur une affiche mêlant la croix catholique
à la croix gammée. Mieux vaudrait aborder le coeur du
débat: l'attitude du Saint-Siège à
l'égard de "la destruction des juifs d'Europe" (Raul Hilberg)
pendant la seconde guerre mondiale.
On lit dans Le Monde (14 février) que le choix du
cinéaste ferait fi des acquis de la recherche depuis 1963.
Mais de nombreux travaux sont allés dans le sens de la
pièce de Rolf Hochhuth Le Vicaire et ont prouvé qu'elle
contient peu d'erreurs factuelles. [Affirmation totalement contraire
à la vérité ]
L'image de Pie XII a-t-elle été
définitivement établie par les Actes et documents du
Saint-Siège, sélection de ses archives de guerre que le
Vatican fit effectuer par une équipe de quatre jésuites
comprenant le célèbre Père américain
Graham, et dont le Père français Blet est le dernier
survivant ? Lancée pour apaiser la tempête
soulevée par Le Vicaire, cette publication de dix volumes
(1965-1980) a été remise à l'ordre du jour par
un récent résumé du Père Blet (Pie XII et
la seconde guerre mondiale d'après les archives du
Vatican,1998). Elle ne saurait convaincre, les conditions de sa
réalisation n'ayant pu être contrôlées par
des historiens. [Surtout par des "historiens" du genre de cette
Riz-Lacroix, esprit partisan borné s'il en fut ]
La dernière tentative, une "commission internationale"
paritaire de six historiens juifs et catholiques, a abouti en juillet
2001 à un échec retentissant : l'obstination du Vatican
d'aujourd'hui à lui refuser l'accès à ses
archives originales l'a conduite à la dissolution après
démission de certains de ses membres, démission suivie
d'une polémique entre ses trois membres juifs et l'Eglise.
Les "repentances" ne peuvent être opposées au bilan
de près de quarante ans de recherches fondées sur des
fonds originaux -- à défaut de ceux que le
Saint-Siège laisse obstinément fermés. Il fut
riche en France et ailleurs au milieu des années 1960,
dominé notamment par Carlo Falconi (Le Silence de Pie XII
1939-1945, essai fondé sur des documents d'archives recueillis
par l'auteur en Pologne et en Yougoslavie), Saül Friedlander
(Pie XII et le IIIe Reich), Gunther Lewy (The Catholic Church and
Nazi Germany) [Beau représentant du conservatisme juif
américain du type maccarthyste ] et, à un degré
moindre de recherche, Jacques Nobécourt, ancien correspondant
du Monde en Italie ("Le Vicaire" et l'histoire).
Le débat fut ensuite anéanti en France, au profit de
panégyriques dont le récent ouvrage du Père Blet
offre le meilleur exemple. Ce qui domine en France n'est pas
l'insulte faite aux catholiques d'aujourd'hui, mais le mauvais cas
réservé aux récentes tentatives de recherche:
l'a bien montré l'accueil réservé en 1999 par
les grands médias au livre de John Cornwell, Le Pape et
Hitler. Ce travail, certes insuffisamment approfondi et qui accable
le seul Pie XII en exonérant le reste de la Curie, en
particulier Pie XI, dont le règne couvrit les six
premières années des misères des juifs allemands
(sans parler de ceux de l'Europe orientale), a cependant
ajouté quelques pièces au dossier d'Eugenio Pacelli.
Quel meilleur symbole de la difficulté à s'exprimer
librement en France sur le nonce et secrétaire d'Etat du
Vatican devenu pape que le conflit sur le titre initial de l'ouvrage,
Le Pape de Hitler (Hitler's Pope) ? [Cette crapule stalinienne ose
parler d'une "difficulté à s'exprimer librement en
France, pendant que son camarade de parti, Gayssot, signe des lois
liberticides. C'est le monde à l'envers. ] Car Eugenio Pacelli
ne fut pas le saint torturé par un "drame intérieur
d'une très rare acuité" (Xavier de Montclos) cher
à l'historiographie catholique institutionnelle. Pas davantage
le "mouton noir" que John Cornwell oppose à son
prédécesseur Pie XI, dressé en antinazi. Mis au
service de la politique allemande du Vatican, ce germanophile
convaincu était surnommé Tedesco (l'Allemand) en Italie
et en Pologne. Nommé au printemps 1917, à la demande de
Berlin (tant il était considéré comme
sûr), nonce à Munich, il s'y entoura d'une camarilla
d'extrême droite, dans une région dont les traditions
antisémites valaient celles de l'Autriche à laquelle
elle appartint jusqu'au début du XIXe siècle.
Le Reich assura depuis lors sa carrière. Pacelli fut
lié dès le début des années 1920, comme
le clergé bavarois placé sous ses ordres de fait, aux
groupuscules d'extrême droite qui pullulaient en
Bavière: il fréquentait beaucoup Ludendorff, intime de
Hitler, dans ce havre des terroristes du Reich qui avaient
assassiné des ennemis politiques symbolisant la
République de Weimar. L'antisémitisme de l'Eglise dans
l'entre-deux-guerres est avéré, et on ne débat
que sur le fait de savoir s'il demeurait un antijudaïsme ou
devenait un antisémitisme racial (Völkisch). Celui de
Pacelli unissait les deux: sa correspondance bavaroise
révèle son obsession morbide des "juifs galiciens"
bolcheviques. Comme tout Völkisch, il voyait dans chaque juif un
bolchevique, et inversement. [ De l'imaginaire de qui parle-t-on ici
? ]
Avocat infatigable des droits du Reich contre Versailles, comme
nonce à Munich puis dans le Reich (depuis 1920), puis comme
secrétaire d'Etat du Vatican (février 1930), il
contribua largement, avec l'aval de ses supérieurs,
Benoît XV puis (depuis 1922) Pie XI, à la
réunification sans exclusive -- nazis inclus -- de la droite
allemande. Il y mit assurément son empreinte, mais ne fut
jamais désavoué pour avoir fait la carrière
spectaculaire des éléments les plus nazis de l'Eglise
autrichienne, allemande ou de toute fraction de nationalité
oeuvrant à la liquidation de l'Europe des traités de
1919-1920. [Très nombreux étaient ceux, à
l'époque, qui pensaient que les traités de Versailles
étaient catastrophiques, comme le suite l'a
démontré...]
Pacelli, comme Pie XI, connaissait le sort des juifs du Reich
depuis février 1933. Il interdit toute protestation des
Eglises nationales (la française comprise) contre la
persécution, notamment lors du boycott nazi des juifs du 1er
avril 1933. Quand Pie XI posa à Berlin, en septembre 1933, par
une note officielle, la question des juifs convertis (les autres
n'intéressant pas Rome), il battit en retraite dès que
le conseiller d'ambassade allemand Klee le pria de baisser le ton sur
cette question "raciale". Devenu pape en mars 1939, affichant son
amour pour le Reich avec des élans qui ravissaient
l'ambassadeur allemand en poste depuis 1920, von Bergen, Pie XII fut,
dans l'exceptionnel poste mondial d'observation du Vatican,
immédiatement informé des atrocités allemandes:
non pas à l'été 1942, lorsque les
Américains lancèrent une campagne de presse sur
l'extermination, alors dans sa phase la plus aiguë, mais
dès les premiers jours de l'occupation de la Pologne. [Sortir
une ânerie de cette taille, faut le faire ]
On a beaucoup traité de ses silences sur les victimes de
l'Axe, populations assaillies, bombardées, Polonais, juifs,
Serbes, malades mentaux allemands assassinés par le
régime avant la guerre, etc. Mais Pie XII parla beaucoup
depuis 1939, comme Benoît XV pendant la guerre
précédente: sur "les nécessités vitales"
du Reich, contre l'éventuel bombardement de Rome (depuis
l'été 1940) et, avec des sanglots dans la voix, contre
celui des villes allemandes, depuis 1942, contre la formule de
"capitulation sans conditions" de l'Allemagne projetée en 1943
par les Alliés, etc.
Il ne se contenta pas de se taire sur les massacres ou de faire
avec son secrétaire d'Etat, Maglione, et son collaborateur,
Montini, futur Paul VI, des bons mots lorsque les Américains
le prièrent de parler: l'extermination des juifs était
"exagérée par les Alliés" et n'était pas
avérée, il ne pouvait dénoncer les
"atrocités allemandes" sans dénoncer celles des
Soviets, etc. Avec son appui, l'Eglise s'engagea activement à
l'est de l'Europe dans l'extermination: franciscains de Croatie,
massacreurs des juifs et des Serbes, prélats ukrainiens,
slovaques, hongrois, roumains, etc., hérauts de la croisade
contre les "judéo-bolcheviques". Tous furent impliqués
dans le pillage des biens des massacrés, auquel le Vatican
donna son aval écrit (en latin).
Le cas de l'Ouest est mal connu, car les liens de guerre entre les
hiérarchies nationales et Rome n'y furent pas
disséqués après-guerre. Mais comment
interpréter le choix par Pie XII de l'Autrichien pro-nazi
Hudal pour négocier en octobre 1943 avec le commandement
militaire allemand la déportation des juifs de Rome
organisée sous ses fenêtres ? "Question délicate
[et] désagréable pour les relations germano-vaticanes",
mais heureusement "liquidée" en moins de deux semaines,
commenta le nouvel ambassadeur du Reich, von Weiszäcker.
Pie XII assuma doublement le soutien apporté aux
massacreurs. Pendant la guerre, il fêta leurs
représentants, ceux d'Ante Pavelitch en tête. Le texte
de conversion forcée des Serbes, autre génocide croate
de la guerre, ne fut d'ailleurs pas l'oeuvre du chef d'Etat bourreau,
mais un ordre d'inquisition contresigné par le
secrétaire de la Congrégation orientale (contre son
gré, la chose est avérée), le Français
Tisserant, qui le reconnut après-guerre.
Après la guerre, Pie XII organisa avec Montini et Hudal le
réseau de sauvetage des criminels de guerre, les "Rat Lines",
financés par les Etats-Unis, et logea d'illustres
"réfugiés", tels d'anciens ministres de Mgr Tiso (dont
Karel Sidor, auteur de la législation antijuive de la
Slovaquie "autonome" d'avant mars 1939).
L'ardeur mise par Pie XII à sauver les bourreaux pour les
recycler sur place ou les expédier outre-mer (via Gênes
et son archevêque Siri) constitue une nouvelle preuve à
charge contre "le pape de Hitler".
Le Monde, 26 février 2002
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Ce ramassis de ragots et de contre-vérités,
tirés de quelques livres récents, qui font partie d'une
vaste entreprise de démolition de l'Eglise catholique,
déjà bien avancée, montrent que cette
péronnelle trafique le dossier et se contente de recycler les
conneries de la droite américaine, juive et anti-catholique.
Belle alliance du sceptre américain et du goupillon
communiste.
Annie Lacroix-Riz est professeur d'histoire contemporaine
à l'université Paris-VII. Elle a déjà
distillé son venin dans un bouquin, Le Vatican, l'Europe et le
Reich de la Première Guerre mondiale à la guerre
froide, Paris, Armand Colin, 1996, 539 p. C'est surtout une militante
du Parti Communiste Français, spécialiste de l'histoire
de la CGT, et pour être à la fois "historienne" et
militante du PCF, il faut une grande dose de crétinerie. Cette
prétendue historienne avait "découvert", il y a
quelques années, que les industries chimiques
françaises avaient travaillé pour les Allemands pendant
la guerre, et avaient livré du "Zyklon B", un insecticide
connu depuis des décennies, et fabriqué en France, sous
licence allemande depuis 1932, je dis bien "trente-deux". Ces
platitudes sont particulièrement du goût d'un primaire
mal dégrossi comme Daeninckx, qui en fait ses choux gras (voir
<http://www.amnistia.net/news/enquetes/zyklon/zyklon0.htm>)
C'est donc une enfonceuse de portes ouvertes, une gonzesse pour qui
"l'histoire" n'est qu'un prétexte à vider des querelles
de basse politique. Si des gens comme ça prenaient le pouvoir,
ils feraient fonctionner la guillotine à tour de bras. En
attendant ce jour bénit, ils écrivent dans Le
Monde.