Cours THL- 15770: HISTOIRE DE LA SPIRITUALITÉ MODERNE ET CONTEMPORAINE
Hiver 2007


François de Laval (1623-1708)



Consacré le 8 décembre 1658, le nouvel évêque arrive à l'été 1659 dans ce premier vicariat d'Amérique du nord, qui sera érigé en évêché en 1674, lui apportant le titre de premier évêque. En 1685, retourné en France, il démissionne mais il obtiendra de Louis XIV, la permission de se retirer à Québec où Mgr de Saint-Vallier lui a succédé. Revenu, il se consacre à la prière, il aide le nouvel et deuxième évêque, le remplaçant durant ses absences en France. Il meurt dans son Séminaire le 8 mai 1708. A 85 ans.

  • Un modèle de pasteur par toute sa vie

    À sa mort, sa réputation est faite: "un pasteur plein de l'esprit des apôtres et tout semblable à ces saints évêques qui sont aujourd'hui l'objet de notre culte". N'avait-il pas, à l'âge de quatre-vingts ans, refait le voyage Québec-Montréal pour des confirmations? Au lendemain de son arrivée n'était-il pas allé visiter les quelque 70 familles de Québec-village? Évêque du XVlle, très lié aux milieux de la renaissance religieuse en France, autant à l'effort missionnaire dans les nouvelles contrées ouvertes au commerce et à la colonisation, Mgr de Laval présente un remarquable visage de pasteur.

    Quand, aujourd'hui, retentit l’appel à une "nouvelle évangélisation" des anciennes chrétientés, la persévérance et la confiance totale au Seigneur du premier évêque de l’Amérique française peuvent être inspiration et exemple stimulants.

    Montigny-sur-Avre l'a vu naître en 1623. Après Lettres et Philosophie chez les jésuites de La Flèche, il est à Paris en 1641, Théologie au collège de Clermont, quand à la mort de ses deux frères aînés lui échoient les droits et la responsabilité de la seigneurie familiale. Il sera toutefois ordonné en 1647.

    Ayant renoncé à ses droits, c'est à Caen de 1654 à 1658,qu'il écoute un maître spirituel laïc, Monsieur de Bernières, dont le neveu accompagnera, jeune ordonné, le jeune Vicaire apostolique, à Québec, en 1659. En effet, désigné Vicaire apostolique du Tonkin, (le nord "Vietnam" de l'ancienne Indochine française), François de Laval voit son affectation modifiée pour la Nouvelle-France.

    Sacré évêque dans la chapelle (disparue) de la Vierge, en l'abbaye de Saint-Germain-des-Près à Paris, le 8 décembre 1958, il arrive à Québec le 16 juin suivant. Il a 35 ans.

    Outre de nombreuses fondations dont les plus importantes sont le "Séminaire des Missions-Etrangères établi à Québec" le 26 mars 1663 (deviendra le Séminaire de Québec) et la confrérie de la Sainte-Famille érigée en 1665, son oeuvre pastorale est marquée par l'opposition au troc de l'alcool contre les peaux de castors des amérindiens .

    Sans contredit cependant, les visites pastorales constituent le coeur de l'activité du Premier Évêque de Québec. Dans un pays mal connu, à la population clairsemée (2,000 habitants en 1659), dispersée (Québec, Trois-Rivières, Montréal) le long d'une unique route fluviale, il va, il vient, sur ces 350 kilomètres, "mené dans un petit canot d'écorce par deux paysans, sans aucune suite que d'un ecclésiastique seulement", précisent les Relations des Jésuites, s'arrêtant pour donner le sacrement de confirmation, même là où ne se trouvent que trois ou quatre familles. D'ailleurs, dès son arrivée à Québec en 1659, il couru rencontrer les 60 à 75 familles de l'agglomération principale de la colonie. L'été disparu, il s'était lancé "sur les neiges de son premier hiver pour visiter ses ouailles, non pas à cheval ou en carrosse, mais en raquettes et sur les glaces".

    Après sa démission en 1685, alors qu'il est en France, François de Laval obtient de Louis XlV de retourner en Nouvelle-France "pour y achever de finir mes jours, en repos et avoir la consolation de mourir dans le sein de mon Église", écrit-il. Retiré au Séminaire, il meurt à 85 ans des suites d'une engelure, le 6 mai 1708.

  • Traits dominants de son idéal de vie

    Des documents trop rares, rendent difficile le tracé d'une expérience spirituelle. Sans autobiographie, à l'inverse de sa voisine, Marie de l'Incarnation décédée en 1672, quelques lettres gardent une empreinte révélatrice, telles les cinq, venues de la correspondance avec son ami, Henri-Marie Boudon, archidiacre d'Évreux.

    Désappropriation.

    La spiritualité de François de Laval repose sur le détachement. Homme d'un tempérament rigoureux, c'est auprès de M. de Bernières, à Caen, qu'il apprend à lier rigueur et détachement en un "...grand système de désappropriation...," dira son premier biographe, Bertrand de La Tour, système qui se ramène à ceci: "Nous n'avons pas de meilleur ami que Jésus-Christ. Suivons tous ses conseils, surtout ceux de l'humilité et de la désappropriation du coeur."

    Pour François de Laval, cette désappropriation évangélique intègre à égalité: détachement, pauvreté, humilité, avec pour dénominateur, la privation. Dans la réalité du pauvre et premier diocèse, désappropriation s'appelle partage et mise en commun des biens comme de soi-même. Il voulait, écrit encore de La Tour "que tout le clergé ne fit qu'une grande famille... qui laisse tout en commun entre les mains du supérieur".

    Nous avons là l'esquisse d'un idéal évangélique qui relativise la création, quelque peu à la manière de Jean de la Croix, Dieu est le "Tout" et le créé le "Rien".

    Abandon à Dieu

    Sans le partage fraternel, sans la pleine disponibilité à l'égard de l'action de Dieu, la désappropriation prend l'allure d'un rite ascétique. Au don des années que le Seigneur lui fait, François de Laval a répondu par l'acceptation de l'événement, avec une disponibilité dont les fruits se nomment constance, patience, abandon. L'intelligence des événements, c'est François de Laval; ils sont présence de Dieu : "Il y a longtemps que Dieu me fait la grâce de regarder tout ce qui m'arrive en cette vie comme un effet de sa Providence" (1687). A son ami Henri-Marie Boudon, en 1677, il disait déjà: "Tout ce que la main de Dieu fait, nous sert admirablement, quoique nous n'en voyions pas sitôt les effets".

    Ce discernement trouve son application dans l'oeuvre pastorale comme dans son propre cheminement spirituel, sa vie donc, que sa plume à condensée sans le savoir: "...la main de Notre-Seigneur est infiniment plus puissante pour édifier. Nous n'avons qu'à lui être fidèles et le laisser faire" .

  • Conclusion

    Pasteur totalement consacré à sa tâche, comme de nombreux croyants à la leur, François de Laval s'est tenu à l'écart des sentiers extraordinaires, mais dans son chemin à lui, comme eux dans le leur. Chrétien à la foi enracinée dans des valeurs spirituelles pour lesquelles il consacre, chaque jour l'attention et l'intelligence de son esprit, toute l'énergie de sa volonté, toute sa liberté d'homme, chrétien cheminant vers la sainteté qui "s'exprime différemment en chacun de ceux qui, dans la conduite de leur vie, parviennent en édifiant le prochain, à la perfection de la charité" .

    Il est, tout noble qu'il fût, de cette race de paysans rudes, au coeur généreux, travailleurs tenaces et pleins de foi, la race de nos ancêtres.

    Histoire de la spiritualité moderne et contemporaine (Hiver 2007)

    Hermann Giguère, professeur

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    Dernière mise à jour 8 février 2007

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