Société de prêtres diocésains fondée en 1663 par le Bienheureux François de Laval, premier évêque de Québec
Homélie pour la Commémoration des fidèles défunts par le supérieur général, Mgr Hermann Giguère, au Séminaire de Québec le 2 novembre 2007 Textes de l'Écriture: Job, 19, 1.23-27a; 1 Th 4, 13-14.17d-18; Jean 14,1-6. « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie »
Chers frères et sœurs,
Ce jour de la Commémoration des fidèles défunts revient chaque année nous rappeler ceux et celles qui nous ont quittés. Ici au Séminaire, nous en profitons pour prier pour les confrères disparus. Nous porterons donc dans la commémoration de ce jour, en particulier, monsieur l’abbé Armand Mathieu et tous ceux qui nous ont précédés dans cette communauté du Séminaire en y ajoutant nos parents, nos amis et tous ceux et celles qui nous restent proches. En effet, la commémoration des fidèles défunts nous permet de ressentir, d’expérimenter et vivre une dimension de la relation à l’autre qui ouvre sur une proximité au-delà des cadres habituels reçus et vécus. I- Une proximité dans une continuité de vie Nos défunts ne sont pas partis. La mort est une fin, mais pour le croyant elle est aussi un accomplissement où il entre dans la vie qu’il a entretenue depuis sa naissance à la vie nouvelle par le baptême. Saint Paul le dit avec conviction aux Thessaloniciens dans la seconde lecture: « Il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres, qui n’ont pas d’espérance. Jésus nous le croyons est mort et ressuscité; de même nous le croyons, ceux qui se sont endormis, Dieu, à cause de Jésus, les emmènera avec son Fils. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur. » Vous voyez, le terrain où nous amène saint Paul est celui d’une proximité dans une dimension nouvelle. Comment ne pas s’en inquiéter, sinon en développant au fond de nous cette espérance dont le support est Celui qui est devenu le Premier-né d’une multitude de frères et sœurs? Vivre la mort comme un passage n’est pas seulement une consolation, c’est une condition inhérente au devenir chrétien à la suite de Jésus. Ce passage sera le lot de chacun de nous un jour ou l’autre. C’est pourquoi, la proximité avec le Seigneur commence déjà dans nos gestes, dans nos prières, dans nos espoirs et dans nos attentes. En développant en nous les sentiments qui furent les siens, nous entrons déjà dans cette proximité de vie, après la mort, où « nous serons pour toujours avec le Seigneur ». On comprend ainsi que l’évangile de Jean dans cette superbe méditation du chapitre 14 que nous venons d’entendre résume en cette formule-choc la primauté et la centralité, pourrait-on dire, de Jésus, « le Chemin, la Vérité et la Vie ». À l’heure où il passait de ce monde à son Père, Jésus met en évidence l’importance de la proximité avec lui sur le plan du cheminement de chacun et de chacune : « Moi, je suis le Chemin », sur le plan de la raison qui cherche à comprendre : « Moi, je suis la Vérité » et sur le plan de l’existence, de l’expérience de vie : « Moi, je suis la Vie ». II- Une vie avec le Seigneur Jésus Christ, le point synthétique de la vie Ce résumé de la formule célèbre si souvent reprise ne l’épuise pas loin de là. Elle est d’une telle richesse que la méditation de chacun peut en tirer sans cesse des choses nouvelles. Cette parole a soutenu nos frères défunts qui ont mis eux aussi Jésus-Christ au centre de leur vie, qui en ont fait leur Chemin, leur Vérité et leur Vie. N’est-ce pas ce qui nous a inspiré nous aussi au moment de nos choix de vie ? N’est-ce pas ce dont a besoin notre Église ? N’est-ce pas ce que le jeunes générations cherchent dans le « vide spirituel » auquel faisait référence le Cardinal Ouellet dans son intervention devant la Commission Bouchard-Taylor le 30 octobre 2007 ? N’est-ce pas ce que des penseurs comme Teilhard de Chardin et Hans Uvon Balthasar nous ont légué ? Permettez-moi de vous les citer. Le premier insiste dans son ouvrage Le Milieu divin pour que le croyant prenne conscience que tout est récapitulé dans le Christ : le phénomène humain comme le monde de la matière qui tendent sans cesse vers le Christ, point Oméga, aboutissement et canal de l’accomplissement parfait de la vie avec le Seigneur pour reprendre l’expression de saint Paul citée plus haut. Le second écrit cette profession de foi percutante : « Au point de vue chrétien, le point synthétique se trouve, entre Dieu et le monde, et l'intégration concrète du monde dans le mouvement vers Dieu passe toujours par le Christ »(Hans URS von BALTHASAR, « L'Évangile comme norme et critique de toute spiritualité dans l'Église », Concilium, no 9, 1965, p. 20-21). Le « point synthétique » chrétien, pour reprendre l'expression même de Balthasar est, en définitive, « l'imitation de Jésus-Christ », le seul et unique modèle parce que tout est « par Lui, avec Lui, en Lui » (doxologie de la prière eucharistique). Les « imitateurs », comme les saints canonisés et tous ceux et celles qui choisissent la norme de l'Évangile comme la référence unique de leur existence, tracent des voies d'actualisation, d'appropriation dans leur histoire et dans le temps qui servent à rendre le Christ visible dans des figures, des réalisations, des gestes, des paroles qui lui donnent un visage pour leur temps et leurs milieux. L'évangile de Matthieu ne nous rapporte-t-il pas ces paroles étonnantes de Jésus : « Vous êtes le sel de la terre [...]. Vous êtes la lumière du monde [...]. Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5, 13?16). Conclusion Nos défunts ont cherché à suivre ce Chemin qu’est le Christ Vérité et Vie. Dans cette proximité que nous reconnaissons avec eux et avec elles, cette commémoration des fidèles défunts nous incite aujourd’hui à être nous aussi chercheurs et des chercheuses de Dieu dans notre monde et dans notre temps. Ainsi nous pouvons annoncer déjà dans cette Eucharistie à travers les signes du pain et du vin partagés que le Règne de Dieu est parmi nous et que la mémoire des disparus nous habite chaque fois que nous refaisons les mêmes gestes et que nous redisons les mêmes paroles de Jésus le soir du Jeudi-Saint... « jusqu’à ce qu’il vienne » comme dit saint Paul (I Co 11, 26). Amen ! Mgr Hermann Giguère, prêtre, p.h. Supérieur général du Séminaire de Québec le 2 novembre 2007 Pour informations et commentaires |