Vicky éprouvait de la difficulté à s'adapter aux manières allemandes; elle demeurerait anglaise pour toujours ce qui malheureusement allait nuire à sa popularité. Deux partis politiques commençaient à se développer à la Cour prussienne: les conservateurs (le roi Wilhelm, la reine Augusta, le Premier Ministre Otto von Bismarck et le prince Wilhelm) et les libéraux (Vicky et Frederick). À cause des ses idées libérales, Vicky dut subir de constantes humiliations de la part de la reine Augusta (sa belle-mère). Wilhelm et Augusta essayaient sans cesse d'attirer vers eux leur petit-fils Wilhelm et de l'éloigner de ses parents afin de l'éduquer dans le régime conservateur. Charlotte et Henry penchèrent du côté conservateur alors que Victoria, Sophie et Margaret se rallièrent à la bannière libérale de leurs parents. Vicky ne s'entendit jamais avec son fils aîné dont le caractère n'était pas des plus faciles, peut-être faut-il voir là une des conséquences de son infirmité. Parce qu'elle souhaitait qu'il surmonte son handicap, Vicky exigeait trop de lui, le jeune prince réagit en adoptant une attitude rebelle envers sa mère. Il se rapprocha de ses grands-parents chez lesquels il trouva plus de compréhension et d'encouragements. Le Premier Ministre von Bismarck réussit à unifier l'Allemagne après que plusieurs guerres aient renforcé l'Allemagne (guerres contre le Danemark, l'Autriche et la France). Le roi prit le titre de Kaiser (Empereur) Wilhelm premier et von Bismarck devint Chancelier de l'Empire. Mais, le régime de von Bismarck n'avait rien à voir avec celui qu'avait rêvé Albert et pour lequel se battaient Vicky et Frederick. Il s'agissait d'un régime autocratique dirigé théoriquement par l'Empereur mais gouverné, en réalité, par son Chancelier. Pendant les années qui suivirent, l'antagonisme entre von Bismarck et le Prince et la Princesse ne fit qu'augmenter. Il y eut même une tentative destinée à évincer Fritz de la ligne de succession pour le remplacer par son fils Wilhelm. Vicky ne pouvait que rêver du jour où le règne de son beau-père allait prendre fin et où elle et Fritz deviendraient souverains, alors, le rêve de son père pourrait se réaliser. Mais, la vie allait jouer un mauvais tour à Vicky. Peu après le Nouvel An de 1887, Fritz commença à être ennuyé par un mal de gorge. En mars, il n'avait presque plus de voix. Fritz et Vicky consultèrent le docteur Karl Gerhardt, un spécialiste de la gorge qui découvrit une étrange excroissance sur la corde vocale gauche de Fritz. Gerhardt et un autre médecin nommé Bergman suspectèrent qu'il s'agissait d'un cancer et suggérèrent une opération. En 1887, ce genre d'intervention était dangereux et présentait un risque élevé pour la vie du patient. Sur les instances de Vicky, on consulta un spécialiste britannique, Morell Mackenzie, qui diagnostiqua une tumeur bénigne. Mackenzie envoya un échantillon du tissu affecté au docteur Virchow, une éminence dans l'étude des cellules, ce dernier ne détecta aucun cancer mais avoua que l'échantillon était trop minime pour permettre un diagnostic vraiment précis. La maladie de Fritz évolua en une véritable bataille opposant les médecins britanniques à leurs collègues allemands. Mackenzie voulait que Fritz se rende en Angleterre afin de le traiter plus facilement. Vicky souhaitait aussi y aller car elle voulait assister aux cérémonie du Jubilé de sa mère. Le couple partit pour l'Angleterre en juin. Deux jours après le Jubilé, Fritz visita Mackenzie qui enleva une bonne partie de sa tumeur et envoya un autre échantillon à Virchow qui ne put encore une fois détecter un cancer. Malgré l'extraction, l'excroissance était toujours là. Pendant ce temps, à Berlin, l'Empereur Wilhelm premier, âgé de 90 ans se mourait. Von Bismarck insista pour que le Prince de la Couronne revienne au plus tôt mais Vicky ne fit pas part de cette requête à son époux; pour elle, la santé de Frtiz importait avant tout. Elle l'amena à San Remo sur la Riviera italienne espérant que le climat plus clément allait lui être bénéfique. C'est là qu'en novembre Mackenzie diagnostiqua finalement un cancer de la gorge, les cordes vocales de Fritz étaient parsemées de nodules et il était persuadé que seul un cancer pouvait en être la cause. Mackenzie proposa 2 options: la chirurgie qui offrait peu de chance de succès ou encore, laisser la maladie poursuivre son cours et, si nécessaire effectuer une trachéotomie quand le patient aurait trop de difficulté à respirer. Pendant que son père souffrait, le Prince Wilhelm, supporté par le fils de von Bismarck, Herbert, tentait de devancer son père dans la ligne de succession au trône. Les deux hommes supposaient qu'en raison de l'état de santé vacillant de Fritz, c'est sa femme qui allait tenter de gouverner le pays, pliant la politique allemande à la volonté anglaise. Vicky était plus impopulaire que jamais, on l'accusait d'avoir poussé son époux vers d'incompétents médecins britanniques plutôt que de le confier à des sommités allemandes. Au début de 1888, on dut procéder à une trachéotomie pour aider Fritz à respirer. On inséra une canule dans sa trachée provoquant une série d'hémorragies. À Berlin, Wilhelm premier s'affaiblissait, Bismarck demanda le retour immédiat du Prince de la Couronne. Cette fois, Vicky agréa, considérant qu'il s'agissait d'une obligation que son mari devait remplir. Wilhelm rendit l'âme le 9 mars 1888 et Fritz, mortellement atteint, devint l'Empereur Frederick III. Vicky était maintenant Impératrice, on l'appelait l'Impératrice Frederick. Elle allait maintenant pouvoir réaliser le vieux rêve de son père mais, elle n'en eut pas le temps. En juin 1888, 3 mois après son accession, Fritz était si faible qu'il pouvait à peine bouger les bras. Von Bismarck le visitait régulièrement, alors que lui et Vicky l'entouraient, il prit dans ses mains la main de sa femme et celle de son vieil ennemi implorant ce dernier de prendre soin de son épouse après sa mort. Le Chancelier répondit: 'Je vais prendre soin d'elle'. Vicky sut alors que von Bismarck avait gagné le combat. Frederick mourut dans l'après-midi du 15 juin 1888, il avait 56 ans et n'avait régné que 3 mois. Vicky aurait encore à subir des humiliations de la part de son fils maintenant Empereur sous le nom de Wilhelm II. Immédiatement après la mort de son père il fit encercler le palais par une troupe de hussards qui empêchaient quiconque d'entrer ou de sortir de l'édifice. Il voulait empêcher que les écrits privés de son père ne quittent le pays mais, il ne trouva rien dans le palais, ces papiers étaient déjà en sécurité en Angleterre. Vicky et Fritz les avaient apportés avec eux quand ils étaient allés assister au Jubilé. Malgré l'opposition de Vicky, Wilhelm ordonna qu'une autopsie soit effectuée sur son père. Vicky était maintenant seule, sans espoir. 'De jour en jour, je me sens plus seule et sans protection' écrivit-elle. Elle trouva refuge dans des activités de charité et dans ses fréquentes visites à ses petits-enfants, spécialement Feodora, la seule fille de Charlotte, et Waldemar, le fils hémophile d'Henry. Von Bismarck, maintenant retiré de la vie politique à cause des ses divergences d'opinion avec Wilhelm II, mourut le 30 juillet 1898. À partir du printemps de 1899, la santé de Vicky commença à se détériorer. Elle se sentait si mal qu'elle ne put se rendre en Angleterre pour assister au quatre-vingtième anniversaire de sa mère. Les médecins diagnostiquèrent un cancer du sein très avancé. Mais, ce qui la faisait le plus souffrir était un douloureux lumbago, résultat d'une chute de cheval. À partir de 1900, elle souffrait jour et nuit, En octobre 1900, elle écrivit à sa fille Sophie: 'Ces terribles nuits d'agonie sont pires que tout, pas de repos, pas de paix. Les larmes coulent sur mes joues et je crie de douleur'. La reine Victoria quitta ce monde le 22 janvier 1901. Vicky, pour des raisons évidentes, ne put assister aux funérailles. Elle écrivit à Sophie: De l'avoir perdue semble impossible. Que me sera la vie sans elle?' Lors d'une visite que son frère, maintenant roi Edward VII d'Angleterre, fit en Allemagne la même année, Vicky demanda au secrétaire de celui-ci, Frederick Ponsoby, de ramener avec lui ses lettres personnelles, celles qu'elles et Fritz avaient sorties d'Allemagne lors du Jubilé de Victoria et que Vicky avait demandé à sa mère de lui rendre afin qu'elle puisse raconter l'histoire de sa vie dans son pays d'adoption et aussi défendre Fritz et elle-même contre les calomnies. Maintenant, elle désirait que Ponsoby conserve ces écrits. Le premier mars 1901, le roi Edward VII et son secrétaire partirent pour Londres, enmenant les lettres de Vicky avec eux. L'Impératrice Frederick survécut 5 autres mois et mourut le 5 août 1901. Immédiatement après la mort de sa mère, Wilhelm II envoya ses troupes au palais de Vicky pour y prendre ses papiers personnels comme il l'avait fait à la mort de son père. Encore une fois, rien ne fut découvert. Les documents étaient en sécurité dans la demeure de Ponsoby à Windsor. En 1929, Ponsoby publia une sélection des lettres de Vicky sous le titre: 'Lettres de l'Impératrice Frederick'
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