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d'Okinawa |
Mardi 4 novembre 2003
J’ai vécu une année exceptionnelle en 2003. Tout à commencé au sein de l’équipe cycliste SATURN en janvier dernier. J’ai apprécié chaque moment au sein de cette organisation. J’y ai vécu mon rêve d’athlète professionnelle.
Puis il y a eu mon voyage en Europe (France, Allemagne, Pays-Bas), en tant que membre de l’équipe nationale du Canada. Au cours de l’année, les situations et les gens que j’ai côtoyés m’ont enrichi en me permettant de découvrir la personne que je suis.
N’est-ce pas là le vrai succès? Voir et Accepter qui nous sommes aujourd’hui.
Ce ne sont pas les médailles ou les résultats obtenus en compétition qui font de nous un champion. Je crois que c’est la façon dont on fait face aux défis. Le champion est celui qui accepte l’échec plus que quelqu’un qui célèbre la victoire! Il s’agit de voir les possibilités et non les difficultés. L’échec. Je n’aime pas vraiment ce mot. Je devrais plutôt dire l’apprentissage. Je disais donc que l’apprentissage nous donne l’occasion d’avancer, de grandir. À nous de saisir l’opportunité.
Le Tour de Okinawa, disais-je donc! Une classique cycliste pour les Asiatiques. La course en est à sa 15e édition. Le défi pour les hommes, plus de 200km. Quant à nous, les femmes, nous n’aurons qu’à faire face à 50 km. Une balade du dimanche ordinaire. Un échauffement lorsqu’en pleine saison de compétition. Mais voilà que nous sommes au début novembre. Novembre, le mois des morts. Les Championnats du Monde ont eu lieu il y a à peine un mois. Suite à cette course, j’avais commencé mon “hibernation”: accumulation de tissus adipeux et diminution de l’activité physique! Je ne pouvais passer à côté de pareille invitation d’aller au pays du Soleil Levant. Une occasion unique de voyager, à travers le temps et l’imagination! N’est-ce pas là l’essence même des voyages ? Et le défi sportif connaît son paroxysme lorsque jumelé à un choc culturel certain. À moi d’en saisir l’opportunité.
Jeudi 6 novembre 2003
Notre premier contact avec la culture japonaise commence par le petit déjeuner. Au menu, poisson et riz. Disons que le goût du poisson est beaucoup plus salé que mon habituel beurre de “peanut” et que le riz est définitivement moins “sweet” que mes granola biologiques! Bon ok. Il faudra que les papilles gustatives s’adaptent elles aussi à une gastronomie inhabituelle.
Après ces intéressantes expériences, j’ai vite retrouvé le sourire. Dès les premiers coups de pédales de ma première randonnée cycliste sur l’île d’Okinawa. Mon entraînement de vélo avec les autres membres de l’équipe canadienne m’a permis de voir du pays rapidement. Notre évasion matinale s’est faite le long de la côte ouest de l’île. FASCINATION! C’est là le sentiment que j’ai éprouvé en prenant contact avec le quotidien du Japonais ayant pour décor le charme et la beauté d’une dame nature tropicale. Car ma référence mentale des tropiques a toujours été associée au tourisme. Ici il y a très peu de signes d’une quelconque industrie touristique. C’est donc avec un oeil différent que j’ai observé la vie, la vie, de côté-ci de la planète. Et que j’ai tenté d’en saisir toute la différence avec ma caméra.
Je comprends maintenant un peu mieux le comportement du Japonais avec un gros “KODAK” suspendu à son cou, un spécimen qui débarque chez nous, en Amérique. En fait, je me comporte exactement comme lui présentement. Je veux à tout instant “saisir” le moment présent parce que je suis fascinée par ce que je vois. Parce que ce que je vois déclenche chez moi un sentiment de fascination. Et je veux en saisir l’émotion! J’ai l’impression que la photo ainsi prise saura transmettre l’émotion à mon auditoire de récits d’aventure. Quel paradoxe!
Autant de découvertes ouvrent l’appétit. Au menu pour le lunch, vous l’aurez deviné, riz et poisson. Avec un petit extra : dimsum. Car la proximité de Taiwan et de la Chine exerce son influence. À l’hôtel où nous sommes, il y a une importante clientèle de gens d’affaires. Heureusement pour moi, il y a de la salade. Enfin une sorte d’herbe. Et différents légumes verts. Je ne sais pas exactement à quels végétaux j’ai affaire. Mais ma devise est que si c’est coloré, ça doit être plein de bonnes vitamines. Vous aurez compris pourquoi je mange très peu de riz. C’est blanc!
Vendredi 7 novembre 2003
Je décide donc d’aller prendre une marche de “santé” sur la promenade au bord de l’eau, à 2 deux minutes de l’hôtel. À ma grande surprise, j’y rencontre quelques sages japonais. Marcheurs et joggeurs côtoient certains adeptes du yoga. Il est à peine 6 heures du matin mais la promenade bourdonne déjà d’énergie. Je suis bien loin des embouteillages de la Métropolitaine!
Sur mon chemin du retour, les sages du yoga sont venus m’accueillir pour m’offrir une tasse de thé. Je me suis donc jointe à leur groupe pour échanger quelques mots de Japonais. Un des sages a même tenu une bonne conversation en anglais avec moi, se montrant très fasciné par mon statut d’athlète internationale. Fascination partagée de ma part. Sa maîtrise de l’anglais m’a grandement impressionnée. C’est donc avec une certaine obligation que je les ai remerciés et souhaité une belle journée: Domo Arigato, Ohayo gozai-mass (une petite note pour mon ami François B.: Je parle maintenant beaucoup mieux le japonais que le lituanien!)
En plus de cette énergie humaine, dame nature donne un spectacle quotidien unique. Le relief montagneux des îles avoisinantes et l’eau turquoise de la mer de Chine offre une arrière scène exceptionnelle au lever du soleil.
Me revoilà à écrire mes réflexions sur mon portable alors que je suis en plein vol (Vancouver-Osaka). Il semble que cette phrase me soit familière. Le Tour de Okinawa sera vraiment la conclusion de 2003.
En quelques heures mon corps a dû traverser quelques fuseaux horaires. Mon horloge biologique ne s’adapte généralement pas aussi rapidement que je le voudrais. Généralement je m’adapte à un rythme d’une heure de décalage par jour. À ce rythme, rattraper 17 heures me prendra plus de deux semaines. Le problème c’est que je serai de retour au Canada dans 7 jours! Bon ok. Je suis au pays du Soleil Levant. Mon horloge biologique devra prendre les bouchées doubles cette fois-ci. Après avoir bataillé avec celle-ci pendant toute une nuit, c’est à 6h am, heure locale, que ma coéquipière Amy et moi décidons d’entreprendre la journée.
Une autre nuit à batailler avec mon horloge biologique plus qu’avec l’oreiller japonais, plutôt ferme, je dois l’avouer. À 5 heures du matin, j’en conclue que ne gagnerai pas cette bataille quotidienne au cours de ce séjour. Mieux vaut accepter la situation. De toute façon, nous, les femmes, sommes habituées aux caprices de notre corps. Il nous le rappelle à chaque mois que nous n’en sommes pas maître, seulement locataire!
Ma randonnée cycliste matinale m’a fait découvrir une musique que mes oreilles n’avaient pas l’habitude d’entendre. La caresse du vent est une mélodie douce à mon oreille. C’est pourquoi je n’utilise jamais de baladeur en vélo. Ce matin je me suis aventurée vers la côte est de l’île, en direction de la baie Oura (océan Pacifique). Pour ce faire, il faut traverser une forêt très dense. Je ne sais pas s’il s’agit d’une forêt tropicale mais le bruit qui en surgit est impressionnant. Une vraie hallucination auditive! C’est comme se retrouver dans la section des oiseaux tropicaux d’un “petshop”! Mais ça n’arrête pas. À moins de sortir de la forêt. Et le plus étrange dans tout cela, c’est que les oiseaux ne sont pas visibles, la forêt étant trop dense. Quoi de mieux que ce genre de symphonie pour accompagner mes entraînements quotidiens ! La nature offre souvent des richesses insoupçonnées.
En après-midi nous avions comme mandat de visiter les étudiants d’une école primaire dans le cadre d’un programme d’échange culturel. Puisque c’est le gouvernement qui prend en charge l’organisation de la course, il y a plusieurs activités qui entourent l’événement. Le volet sportif est utilisé pour permettre aux jeunes de rencontrer des étrangers et ainsi faire connaître leur culture aux visiteurs. À notre arrivée à l’école, nous avons été accueillis en super vedettes. Rien de moins qu’une haie d’honneur pour faire notre entrée dans le gymnase de l’école. Après une brève présentation de chaque athlète, nous avons eu droit à un spectacle de la part des étudiants. Tout d’abord un numéro d’uni cycle suivi de chants et de danses de leur folklore. Les jeunes nous ont offert tout un spectacle qui laissait présager une minutieuse préparation. Par la suite, la récréation. Et oui! Nous avons été appelés à jouer avec eux. Tout d’abord, une version roche-papier-ciseaux serpentine, puis la tag. C’est là qu’on se rend compte que le rire d’un enfant est universel. Mais pas le chocolat! Je vous explique. En fin de rencontre, nous avons offert de petits chocolats aux enfants pour les remercier. À notre sortie du gymnase ils voulaient nous les remettre. Pas étonnant, quand on sait qu’au petit déjeuner ils commencent la journée avec du riz et du poisson! On est bien loin des Rice Crispies et du Nutella!
Samedi 8 novembre 2003
Bon, il faut que je commence à penser à ma course de dimanche. Il faut que je commence à me reposer. Je planifie donc ma journée. Je ne ferai qu’une petite sortie de vélo de 60km en avant-midi. Puis en après-midi, je me promets une marche dans les rues du centre-ville de Nago. Et surtout, je dois m’assurer de bien m’hydrater. La température depuis notre arrivée tourne autour de 25-28C. À cela, s’ajoute l’humidité. Ça fait longtemps que mon corps n’a pas subi ce genre de stress. Rien pour aider mon horloge biologique!
Que ce soit à vélo ou lors de mes sorties à pied, tant au centre-ville qu’en pleines rues de campagne, le symbole du Japonais est partout. Si la baguette de pain représente le Français de France, et bien la machine distributrice de boissons (boissons gazeuses, café froid, eau de source, etc.) symbolise le Japonais. Il en y a partout! Mais que de petits formats, 300 ml tout au plus. À l’image du Japonais!
Dimanche 9 novembre 2003
4h am. Bon ok! La bataille nocturne n’aura pas été aussi longue cette fois. Je m’en vais prendre mon petit déjeuner. Fidèle à mon habitude, je m’assure de manger trois heures avant ma course. Toutefois ce matin, le plaisir du petit déjeuner est moins grand. Avouer que de se lever à 4 heures du matin pour manger du riz et du poisson n’est pas vraiment excitant. Heureusement qu’il me reste des granolas dans mes bagages. On ne change pas une recette gagnante! Autre surprise ce matin, il pleut. Une pluie tropicale peut-être mais de la pluie quand même.
Le départ est prévu pour 7h03. Trois minutes après le départ des hommes. Il y a plus de 140 participants chez les hommes. Pour la Course Internationale de 50km des femmes nous sommes 30 inscrites. La majorité étant des Asiatiques (Chine, Taiwan, Hong Kong, Japon). Nous sommes que trois de l’Amérique (deux Canadiennes et une Américaine).
Depuis notre arrivée, Amy et moi avons échangé nos idées sur la stratégie de course. Lors de notre souper d’équipe, la veille, nous avons partagé nos points de vue avec notre manager pour l’occasion, Bruce, mais également avec d’autres membres de l’équipe canadienne. Dont Mark Walters. Mark a gagné la course en 1999. Échanger avec les hommes nous permet d’avoir une perspective différente de la course. C’est d’ailleurs ce partage d’expérience au sein de l’équipe SATURN qui m’a beaucoup enrichie cette année.
Quelques minutes avant le départ, Amy et moi échangeons nos dernières consignes de course. L’enjeux, une première victoire canadienne. Le Canada participe à cette course depuis plusieurs années et a toujours obtenu de bons résultats, souvent 2e. Nous sommes très conscientes que nous ne sommes que deux soldats contre une armée de Japonaises. Il s’agit donc de frapper au bon moment.
Le départ se fait sous une pluie battante. Dès le signal donné, je m’installe en position de commande, en avant. J’accélère progressivement le rythme. À peine 5 kilomètres plus tard, Amy lance son attaque. Elle prend tout le monde par surprise. Le groupe ne réagit pas. Lorsque la chasse s’organise, il est déjà trop tard. Amy est hors de notre champ de vision. Cela en décourage plusieurs. La pluie s’intensifie à mesure que les kilomètres défilent au compteur. À mi-course, j’essaie à mon tour de m’échapper du groupe. Mais les Japonaises n’allaient pas se laisser faire le même coup une deuxième fois. D’autant plus que la chaussée est rendue glissante par l’accumulation d’eau. Même en pleine ligne droite, mes pneus glissent. Je continue mon entraînement, comme un canon programmé. Je lance mes attaques à intervalles réguliers. À défaut de pouvoir m’échapper, j’aurai la satisfaction d’avoir animé la balade du dimanche!
Amy a gagné la course en solitaire. L'Américaine a obtenu une victoire morale en gagnant le sprint de peloton. À mon arrivée, je suis allé féliciter Amy. Amy a été une excellente coéquipière au sein de la formation SATURN. Travaillant toujours pour les autres. Cette victoire est une récompense bien méritée. Une course de vélo, c’est un peu comme une partie d’échec. Chacun doit jouer sa position. Et les possibilités sont innombrables. Et aujourd’hui nous avons frappé dans le mille! Une première victoire canadienne.
Après une brève célébration, je suis remontée en selle, toujours à la pluie battante, pour aller encourager les gars. Leur course, une épreuve de 200km. Sous la pluie, c’est long longtemps 5 heures. J’ai donc fait un détour pour aller les encourager au sommet de la dernière montée. Par la même occasion, j’ai ajouté 80 kilomètres à ma randonnée du dimanche. Ce n’est pas tous les jours que j’ai la chance de faire un entraînement dominical sur une île dans le Pacifique. Quoique l’île de Vancouver est dans le Pacifique. Aussi bien en profiter pendant que j’y suis, pluie ou pas.
La course des hommes a été marquée par plusieurs accidents. Les plus spectaculaires impliquant les voitures des équipes. Derrière le peloton cycliste, une escorte de voitures (une voiture pour chaque équipe) suit le groupe. Lorsque les premiers coureurs cyclistes ont chuté, les voitures ont dû freiner subitement sur une chaussée glissante. Vous devinez la suite. Une série de tamponnages a suivi.
Cinq heures après le départ des hommes, un Japonais franchissait la ligne d’arrivée en solitaire au grand plaisir du public rassemblé à la ligne départ/arrivée. Malgré la pluie, plusieurs spectateurs s’étaient massés aux abords du centre civique de Nago.
De retour à ma chambre d’hôtel, j’ai pris ma deuxième douche de la journée. Avec plusieurs cycles de rinçage. C’est fou comme on accumule du sable à la pluie! À ma retraite cycliste, je ne ferai que de la natation. Ainsi, quel que soit l’entraînement, je serai toujours aussi propre avant qu’après.
En fin d’après-midi, nous avons eu droit à toute une célébration. Nous avons fêté au rythme de la musique et des danses folkloriques. Tout ça, arrosé de SAKÉ et d’une variété de mets de la cuisine locale. Celle-ci ressemble définitivement plus à celle de la Chine et de Taiwan qu’à celle du Japon. Nous avons d’ailleurs eu droit à un méchoui. Sans oublier le riz! Finalement j’aurai mangé plus de riz cette semaine qu’au cours des cinq dernières années.
Tout au cours de mon séjour, je n’ai jamais eu l’impression d’être une touriste ou un visiteur étranger. Pas même un client. Dans toutes mes interactions avec le peuple d’Okinawa, à l’hôtel, au restaurant, à l’aéroport, etc., j’ai été traitée comme une “invitée”. Et ce dans toutes les banalités du quotidien. Mais le quotidien n’est jamais banal lorsqu’on vit pour le moment présent.
Mon premier contact avec le Japon aura été une expérience exceptionnelle. Une fois de plus, la compétition, mais aussi la rencontre avec une autre culture m’a permis de découvrir la personne que je suis. Et également, de voir les possibilités de la personne que je veux devenir.
Le Tour d’Okinawa 2003, le dernier chapitre de 2003. Vraiment!
(Manon)
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Au sujet des photos :
Symbole Japonais... la machine distributrice... partout... même au beau milieu de nul part !
Manon, en compagnie des interprètes de l'équipe canadienne, lors de la célébration de remise des médailles.
Page mise en ligne le 14 novembre 2003 par SVP