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de Belgique |
Huy, Belgique, 22 avril 2004
Me voilà en Belgique pour le dernier épisode de l’UCI Points Tour en Europe, la Flèche Wallone. Ce minuscule pays de 10 millions d’habitants est partagé culturellement en deux régions de langues différentes (la Wallonie francophone au sud et la Flandre néerlandophone au nord) mais d’histoires communes. Les tensions entre ces communautés ont entraîné des amendements à la Constitution qui accordent à ces Régions et aux Communautés une reconnaissance et une plus grande autonomie (mais pas financière). Tiens, tiens…
La Belgique c’est la bande dessinée d’Hergé, la bière, son chocolat Godiva, sans oublier ses frites. Mais c’est surtout la simplicité et la gentillesse de ses habitants que je retiens.
La cinquième étape de la Coupe du Monde se déroule à Huy en Belgique. Huy est une petite ville dans la Wallonie, mais c’est aussi un redoutable mur. Une montagne, que dis-je, un pic à plus de 20% d’inclinaison par section dans le dernier kilomètre. Les premiers 96 kilomètres ne sont qu’un échauffement pour la finale.
Les jours précédents la Flèche, j’ai eu la chance de m’entraîner dans la belle région de Limoux en France. J’ai accompagné l’équipe de la Nouvelle-Zélande au départ de la Hollande. L’équipe néo-zélandaise a installé sa base d’entraînement à Limoux pour cette année Olympique. Leur entraîneur, un Québécois bien de chez nous, Jacques Landry, supervise le groupe pour leur séjour en Europe. Leurs enjeux sont importants. La Nouvelle-Zélande course sur le circuit UCI pour qualifier trois athlètes au départ lors de la course sur route aux Jeux Olympiques d’Athènes. Tout est une question de points. Chaque cycliste qui participe à une épreuve de la Coupe du Monde donne des points à son équipe professionnelle (RONA, SATS, FarmFrites, TVB, etc.) et également à son pays. Sans compter à elle-même. Les meilleures cyclistes féminines de la Nouvelle-Zélande ont donc pris la décision, à la fin de la saison 2003, de courir pour leur pays au sein de leur équipe nationale en 2004. Tout comme les Australiennes. Elles ont sacrifié des opportunités de contrats professionnels pour le programme de l’équipe nationale.
Après un séjour de dix jours à Limoux avec les Néo-Zélandaises, j’ai rejoint mes coéquipières SATS à Namur en Belgique. Plutôt que de prendre la route, comme depuis le début de mon séjour en Europe, j’ai opté pour trajet aérien. J’avais le choix entre me taper, sans aucun frais, 15 heures de camionnette ou 90 minutes à bord d’un vol de Ryanair pour la modique somme de 50 euros. La décision fut facile. L’expérience quant à elle m’a laissé un peu amère. Ryanair c’est un peu comme prendre l’autobus. Vous n’avez pas de siège assigné. Premier arrivé, premier servi. Et ça se bouscule. Pourquoi tant d’empressement ? Lorsqu’on sait que nous arriverons tous en même temps à destination. J’ai beau parler français, mais je ne comprends pas le Français ! Et dire qu’il n’y a même pas de « pretzels » pour vous aider à passer le temps.
Anyway, mes 90 minutes d’autobus Ryanair n’était rien comparer à mon épreuve de la Flèche.
Je reviens donc à mon chapitre de la Copa del Mondo. Lors de notre réunion d’avant-course, le moral des troupes était plutôt à plat. La Norvégienne, Anita, effectuait un retour à la compétition depuis son accident au Tour des Flandres. Notre championne, Susanne, quant à elle reçoit des traitements quotidiens pour traiter une blessure subie à la dernière course en Hollande. Elle a perdu sa forme de « course » et quelque peu sa confiance. Meredith, l’Américaine, débarque tout juste de l’avion en provenance de la Californie. Quant à moi, j’essaie de solutionner mon énigme. Mon défi au sein de cette nouvelle équipe n’est pas tant de jouer mon rôle de coéquipière, mais de découvrir comment créer cette synergie tellement nécessaire à la performance.
Le matin de la course, j’ai procédé à quelques réglages avec Klas, le partenaire de Susanne et adjoint au directeur sportif. Klas c’est la précision à la Suédoise. Tout est mesuré au millimètre près. Nous avons mesuré tous les angles de ma biomécanique. Et fait des changements majeurs : hauteur de la selle, distance des guidons, position des souliers sur les pédales. Quelques heures avant une Coupe du Monde c’est une folie, vous me direz. Pas quand l’épreuve n’est pas une fin en soi, mais qu’une étape, qu’une expérience dans cette merveilleuse aventure.
Cet épisode belge de la Copa del Mondo a été une occasion pour d’agréables retrouvailles avec mes anciennes coéquipières canadiennes Geneviève, Amy, Sue et Lyne. Elles aussi ont trouvé que le printemps européen est plutôt frisquet. Surtout lorsqu’on débarque de la Californie.
La course a été à l’image des précédentes, à vive allure. Cependant on a couronné une nouvelle championne, une Française, Sonia Huguet. Une étonnante surprise ! La course fut animée toutefois par mes compatriotes canadiennes. Lyne s’est retrouvée en échappée avec une Italienne, Luperini. À 30 kilomètres de l’arrivée, le coup était risqué. Mais il faut parfois sauter sur l’occasion lorsqu’elle se présente. Lorsque Luperini a placé son attaque dans l’avant-dernière montagne, Lyne était là. Elle a eu l’audace et l’instinct de la suivre. Elles se sont faites rattraper avec quelques kilomètres à faire. Le mur de Huy a décidé du scénario final. L’escalader, c’est comme conquérir l’Everest. On ne peut y aller qu’à son rythme.
La Belgique a donc consacré de nouvelles championnes. À part la Française, Sonia Huguet, deux nouvelles têtes d’affiche sur le podium. Une Allemande, Kupfernagel et une Lituanienne, Pucinskaite.
Ce que je retiens de cet épisode, c’est la prestation des Australiennes. Elles sont trois parmi le top 12. Après cinq épreuves de la Coupe du Monde, Oneone Woods conserve toujours le maillot de leader. Le succès de Woods c’est le résultat d’un travail d’équipe soutenu. Les meilleurs espoirs olympiques de 2004, appuyé par un groupe de relève, ont le privilège d’évoluer au sein de cette équipe nationale. Ces espoirs sont encadrés par une excellente équipe de soutien : entraîneur, soigneur, nutritionniste, etc. L’engagement de tous est authentique.
L’expérience que cette équipe acquiert sur le circuit UCI à quelques mois d’un rendez-vous prestigieux est enviable. Le succès de demain, c’est maintenant qu’elles le bâtissent. Demain est peut-être un peu loin, mais aujourd’hui, elles profitent de chaque instant, pour le rendre enrichissant.
À voir courser l’équipe de l’Australie, je me demande si c’est vraiment un sacrifice ou un privilège ! Représenter son pays devrait être un honneur non seulement pour des Championnats ou des Jeux.
Prochain rendez-vous important pour le peloton international, le Tour de l’Aude le 13 mai prochain.
Quant à moi, je me remets à l’entraînement dans les Pyrénées Audoises. À mon agenda des prochaines semaines : recouvrer la santé, la forme de course et solutionner mon énigme.
À bientôt,
Manon
Page mise en ligne le 29 avril 2004 par SVP