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p. 496
Question
sur les lectures classiques:
Dante,
le chant X du Paradis*
Dragoº Calma,
Ecole Normale Supérieure,
Paris
Questi
onde a me ritorna il tuo riguardo,
è
’l lume d’uno spirto che ’n pensieri
gravi
a morir li perve venir tardo :
essa
è la luce etterna di Sigieri
che
, leggeno nel vico delli strami,
sillogizzò
invidiosi veri.
Paradiso, c. X, v. 133-139
Pour l’historien
de la philosophie médiévale, les vers du chant X du Paradis où Thomas d’Aquin fait
l’éloge de son adversaire Siger de Brabant, suscitent toujours
les questions[1] d’une
constante insistance: pourquoi Siger de Brabant, un hétérodoxe, condamné en 1277,
se trouve-t-il au Paradis? En outre, pourquoi est-ce Thomas d’Aquin qui fait
son éloge[2]?
Des questions en apparence très simples et qui semblent presque suivre,
naturellement, la lecture des vers.
Il s’agit d’une
manière anachronique de poser les problèmes; tout d’abord, parce
que le maître ès arts est considéré comme hétérodoxe selon les analyses
du début du XXe siècle de E. Renan[3]
et P. Mandonnet[4], qui ont eu
une influence considérable parmi les historiens modernes; mais elles sont
considérées désuètes et erronées depuis les nouvelles recherches[5].
De plus, si on considère Siger comme un hétérodoxe visé explicitement
par Tempier, selon la mention d’un seul manuscrit de condamnations, on n’a pas
ouvertement questionné s’il était perçu tel par Dante ou si le
poète, un laïc très cultivé mais qui reste un laïc, a
pu être fondamentalement influencé dans ses options philosophiques par
l’évêque de Paris. Un fait qui n’oblige pas nécessairement à
mettre en doute la connaissance des condamnations par Dante, puisqu’on y trouve
des
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références explicites chez
des auteurs connus par lui comme Taddeo Alderotto et Remigio Girolami; ce
genre de querelle suivie par des condamnations et par des interdictions est
propre à l’Université de Paris, mais ne caractérise pas toutefois
l’Université de Bologne, la plus familière au poète. On peut
supposer que Dante n’a pas ressenti le choc des enseignants de la Faculté des
Arts de Paris ou des clercs dominicains et franciscains (on pense ici à
la longue tradition du Correctorium de Guillaume de la Mare). En outre,
les récentes discussions sur l’influence des condamnations sur d’autres
Universités médiévales[6]
montrent que ni les pouvoirs juridiques de l’évêque Tempier ni les échos
doctrinaux de ses condamnations ne se sont beaucoup répandus à l’époque.
Dans les milieux universitaires italiens de la fin du XIIIe
siècle on trouve des références à la liste de Tempier, mais d’une
manière assez marginale. De plus, rien ne nous permet de dire que, pour
Dante, Siger était un hérétique; la légende qui circulait à l’époque sur
la vie de Siger, et qui sera reprise par les premiers commentateurs de la Comédie,
le présente comme un hérétique qui s’est converti à la foi à la
suite d’un rêve fantasmagorique; il est pourtant plus probable que Dante apprécie
Siger davantage pour ses textes que pour ses conversions fabuleuses.
En faisant le
point, les problèmes devenus classiques liés à la présence de
Siger dans le Paradis doivent
nécessairement être rediscutés aujourd’hui à partir des positions
de l’histoire de la philosophie et des nouvelles recherches sur les sources
philosophiques de Dante. Et s’il faut faire une telle étude, ce n’est pas pour
imposer aux vers du Paradis une
explication qui cherche la logique de la transmission d’une pensée, une explication
peut-être trop rigoureuse pour une option poétique, mais tout d’abord
pour insister sur le fait que ces vers peuvent être considérés sous un
autre aspect: comme une modalité d’indiquer de quelle manière certaines
doctrines professées par certains philosophes à Paris (et, dans notre
cas, Siger de Brabant) pouvaient être reçues en Italie dans un milieu qui
n’avait comme profession ni la philosophie ni la théologie, mais qui
s’intéressait à celles-ci, un milieu lettré laïc.
* *
*
En 1911[7]
Bruno Nardi soutient à Louvain sa thèse de doctorat traitant sur
la présence de Siger de Brabant dans la Divine Comédie, dont il fait
publier un fragment
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un an plus tard[8].
A partir de la très réduite littérature philosophique sur le maître
brabançon de la seconde moitié du XIXe siècle[9],
il veut corréler les faits historiques de la vie de Siger, bien distincts des
légendes racontées par les premiers commentateurs de la Comédie, aux
textes de celui-ci. En pensant que tout ce qu’on aurait pu connaître sur Siger
était déjà dit[10]
par P. Mandonnet[11] et E. Renan[12],
il trouve fausse l’explication selon laquelle Dante n’a pas eu accès aux
doctrines du maître ès arts[13].
Il en propose une autre, «bien plus
simple et plus naturelle»[14] qui s’appuie sur une analyse des vers dantesques.
Il serait étrange, continue Nardi, que Siger trouve sa place au Paradis simplement parce qu’il était un
personnage de légende comme le suggére l’expression invidiosi veri.
Pour montrer les
liaisons doctrinales entre Siger et Dante, Nardi insiste plusieurs fois[15]
sur le problème de la création du monde, ou selon ses propres mots, de
la dérivation du monde de Dieu, une cosmologie qui apparaît comme une fusion du
«péripatétisme» avicennien avec des idées propres à l’école
augustinienne[16]. Cependant,
sans dire mot sur la cosmologie de Siger, Nardi tire d’une manière
surprenante la conclusion que le maître brabançon n’était pas inconnu de Dante,
mais bien au contraire des idées propres au milieu averroïste parisien
sont aisément identifiables dans son œuvre. Il ajoute ensuite que Dante et
Siger, quant à leur théorie cosmologique, dépendent l’un et l’autre
d’Avicenne. De plus, comme si la doctrine de la création mediante intelligentia n’était pas quelque chose de commun à
toute la métaphysique médiévale, tributaire au Liber de causis et à Denys l’Aréopagite, Nardi trouve en
cette doctrine, une fois encore d’une manière surprenante, un lien qui
unit intimement la pensée de Dante et Siger[17].
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Quant à la
psychologie, même si le De anima
intellectiva[18] était déjà publié, où Siger renonce à
certaines théories averroïstes[19],
Nardi se réfère toujours à lui comme à un partisan de
l’unicité de l’intellect. Dante, continue le chercheur italien, qui réfute
explicitement la conception d’un intellect possible séparé du corps, n’est
pourtant pas à l’abri de certaines solutions propres à
Averroès ; les thèses qu’il défend veulent réconcilier des
positions contraires, à la fois averroïstes et thomasiennes[20].
La solution
originale[21] que Bruno
Nardi propose[22] pour expliquer
la présence de Siger au Paradis
esquisse tout d’abord une évolution doctrinale que Dante aurait subie. Il
s’agit ainsi d’une première phase où le poète accepte des
propositions qui ne sont pas toujours en concordance avec l’esprit de la
théologie chrétienne et qui étaient soutenues le plus vivement par Siger de
Brabant. Les contradictions que ces positions ont provoqué face aux dogmes de
la foi catholique, ont obligé Dante à trouver une issue dans les
considérations sur la noblesse de l’homme; et à partir de ce point on
distingue clairement la tendance à orienter ses opinions philosophiques
vers la théologie. Par conséquent, l’éloge fait par Thomas veut signifier que
les deux adversaires se sont réconciliés après la mort, quand ils ont
perçu toute la Vérité, dont chacun n’avait vu qu’une partie[23].
Quelques années
plus tard, en 1942, lorsqu’il écrit Dante
e la cultura medievale[24],
Nardi nuance cette idée et propose un chemin en trois étapes: une
première, dans le Convivio
où, bien distincte l’une de l’autre, la théologie et la philosophie se
confondent parfois. Une deuxième phase, avec la Monarchia qui marque une séparation entre le destin naturel et
surnaturel de l’homme, entre raison et foi; le destin naturel de l’homme
s’accomplissant par l’achèvement de la félicité dans ce monde, alors que
le surnaturel présuppose une félicité dans l’autre monde : on entrevoit
donc ici les doctrines des averroïstes qui proclament l’autonomie et les
droits de la philosophie face à la foi, au dogme religieux. Finalement,
une dernière période, celle de
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la Comédie où l’on voit reconsidérés tous ces rapports en
conformité avec les concepts scolastiques: la philosophie redevient ancilla theologiae[25].
Aujourd’hui, l’idée d’une conversion
intellectuelle est fortement combattue[26]
puisque les études récentes ont relevé que la Monarchie et le Paradis
sont chronologiquement très proche l’un de l’autre: le premier,
probablement écrit en 1317-1318, et le second en 1319-1320[27];
or, Nardi avait situé la Monarchie
dix ans auparavant, en 1307. Selon cette datation et selon le schéma en trois
étapes, l’intérêt que montre Dante dans la Monarchie pour les doctrines averroïstes, mais qui ne se
retrouve pas dans le Paradis, tient du fait que la matière
du troisième cantique est plutôt théologique, affichant même un
certain dégoût pour le discours philosophique; l’architecture du Paradis
veut seulement suivre le schéma de la théologie mystique et de la théologie
spéculative[28].
* *
*
Il faut donc lire
avec la même réserve l’analyse de Maria Corti qui emprunte à B.
Nardi la suggestion d’une conversion de Dante à l’averroïsme par
l’entremise de son premier ami, Guido Cavalcanti, auquel il renonce avant
même d’écrire l’Enfer. La
réponse que le poète donne au père de Cavalcanti, dans le chant X
de l’Enfer[29],
est comprise[30] par M.
Corti comme le signe par lequel Dante veut souligner l’abandon de
l’averroïsme, figuré ici par Guido. La distance entre les deux amis serait
créée par les principes que chacun défendrait: d’une part, Guido qui aurait
près de lui tous les commentaires radicaux sur le De anima d’Aristote,
les livres sur la félicité mentale et sur l’éternité du monde, et d’autre part,
Dante reconquis par la scolastique dominicaine et par la mystique franciscaine[31].
Lorsqu’il faut concilier cette tradition de la foi catholique avec la place
qu’occupe Siger dans le Paradis, Maria Corti observe, non sans excès,
que le destin de celui-ci ressemble vaguement à celui de Faust :
toujours prêt à se perdre mais sauvé à la fin[32].
p. 501
Son commentaire
doit beaucoup aux textes de F. van Steenberghen qui veulent montrer
qu’après le De anima intellectiva,
donc, dans la deuxième partie de sa vie intellectuelle, le maître
brabançon s’est converti, de la même manière que Dante, à
la vérité du dogme catholique[33];
pourtant, persécuté par mezzi filosofi et
quarti di filosofo[34],
Siger doit quitter Paris. Aux yeux de Maria Corti, le maître brabançon assume
dans le poème de Dante le rôle symbolique du représentant de l’autonomie
de la pensée philosophique laïque. Il mérite, comme Faust, de se trouver
dans le ciel; et il est juste, et en cohérence avec l’histoire tant humaine que
philosophique que ce soit à St. Thomas de le présenter: c’est lui, en
effet, qui l’a mené à l’orthodoxie et c’est avec lui toujours qu’il a
appris la distinction entre philosophie et théologie[35].
* *
*
A l’époque
où Nardi voulait mettre en place cette théorie de l’évolution
intellectuelle de Dante, Etienne Gilson[36]
commençait ses réflexions sur le symbolisme de Siger de Brabant par une analyse
des vers où celui-ci est présenté comme un professeur à la
Faculté des Arts de Paris qui démontrait d’importunes vérités[37].
Les textes sur lesquels se construit son analyse sont les Quaestiones de anima intellectiva[38], où il est manifeste que
Siger appartient à la fraction dite des “averroïstes latins”, mais
où il n’a rien d’un extrémiste ni d’un rationaliste en révolte contre la
foi[39].
De plus, il essaye d’éviter les conflits, il s’y résigne et lorsque les idées
philosophiques d’Aristote sont en contradiction avec celles du dogme
catholique, il préfère distinguer nettement entre les conclusions
philosophiques et celles de la religion, celles-ci étant les seules vraies[40].
Selon Gilson, on ne trouve chez Siger aucune tendance à considérer que
la philosophie a le dernier mot sur la nature de l’homme ou sur celle de Dieu,
mais ce sont ses adversaires qui n’ont pas compris que c’était sa propre
méthode d’exposer des thèses qui étaient à la fois nécessaires
(des conclusions philosophiques tirées d’un enchaînement logique) et fausses
(qui ne s’accordaient pas forcement avec la vérité de la foi). Or, ils
disaient, selon Gilson, que si un raisonnement est nécessaire il est vrai:
p. 502
Siger défendrait donc
implicitement la théorie d’une double vérité, doctrine imposée et inventée par
les adversaires des averroïstes.
Sans écarter
complètement la position de Mandonnet selon laquelle Dante n’aurait pas
pu connaître les écrits de Siger ou celle d’une possible rencontre entre les
deux lorsque le maître brabançon était en Italie vers 1282[41],
Gilson insiste cependant sur un autre point: comprendre pourquoi le
poète a pu mettre Siger au Paradis
ne signifie point qu’on puisse savoir pourquoi il l’y a mis. Le luxe de détails[42]
avec lequel il est évoqué, rend possible une interprétation historiciste de
quelques lignes du chant X et c’est exactement ce que fait Gilson en
disant, à la suite de Mandonnet, que la condamnation de 1277 a mis fin
à la brillante carrière professorale de Siger, chose que
Dante aurait exprimé avec extrême concision[43].
Il savait donc au moins quelques détails de la vie du maître ès arts, ce
qui permet de tenter une solution qui tienne compte du fait que Siger ne lui
était complètement inconnu.
Toujours en dialogue avec P. Mandonnet,
Gilson montre que même si Dante n’a pas connu les écrits du maître
brabançon, théorie improbable mais non impossible, il savait au moins qu’il
était le représentant de la philosophie aristotélicienne; et c’est à
cause de cela qu’il se trouve à côté de St. Thomas, symbole de la
théologie. Nous voilà face à une distinction très nette
entre philosophie et théologie, une séparation ouvertement défendue par le
maître ès arts dans ses écrits. Les personnages du quatrième
ciel, le ciel du Soleil, sont des symboles, “une foule des êtres vivants,
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porteurs
de significations spirituelles aussi concrètes et vivantes que ceux
qui les portent”[44]. Chacun d’entre
eux serait donc un signe choisi pour sa fonction spécifique, justifiée par
l’histoire ou par la légende. Il s’impose donc deux prémisses de travail: la
première, selon laquelle chaque personnage de la Comédie ne conserve “de sa réalité historique que ce qu’exige la fonction
représentative que Dante lui assigne”[45];
la deuxième, qui peut être énoncée de la façon suivante: “la réalité historique des personnages n’a
droit d’intervenir dans leur interprétation, qu’autant qu’elle est requise par
la fonction représentative que Dante même leur assigne et pour laquelle
il les a choisis”[46].
Le Siger auquel
se réfère Gilson dans son commentaire est tout d’abord l’auteur du De anima intellectiva[47]
qui admet que la raison ne s’accorde pas toujours avec la foi et que la
philosophie favorise l’unité de l’intellect possible, théories fortement
combattues par St. Thomas. Il est donc absurde[48]
de dire que le dominicain, en tant que personnage historique, aurait pu
glorifier son adversaire; il faut les réduire à leur fonction poétique,
les comprendre en tant que symboles: l’un de la théologie intellectualiste et
l’autre de la philosophie pure. Or, ce que représente Thomas d’Aquin peut
être mis à côté de ce que symbolise Siger de Brabant: une
théologie de type thomiste n’est pas seulement conciliable avec une philosophie
qui emprunte ses principes à la raison naturelle, elle l’exige
même. Dante est en pleine connaissance de cause quand il fait prononcer
par le frère dominicain l’éloge du philosophe pur, Siger de Brabant.
Ce que Gilson
propose, c’est l’image d’un Dante qui a une certaine considération pour le
maître brabançon seulement à cause du fait que celui-ci coïncide
dans sa méthode philosophique, en dépit de ses doctrines hétérodoxes, avec la
démarche de St. Thomas. Le Siger de Brabant qu’envisage Gilson est le
philosophe d’un seule œuvre, De anima intellectiva, réduit à
un nombre minime de doctrines (dont la plus importante est celle de la
distinction entre philosophie et théologie)[49]
et qui, de ce point de vue, ne se distingue en rien par exemple, de
Boèce de Dacie; il serait donc le symbole d’une unique doctrine qui peut
caractériser ce que l’on a l’habitude de nommer l’“averroïsme latin”.
Autrement dit, Dante avait gardé d’une part, de la réalité historique de Siger
ce par quoi seulement il pouvait évoquer, en tant qu’“averroïste”, la
séparation philosophie-théologie et d’autre part, de la réalité historique de
Thomas d’Aquin ce par quoi seulement il pouvait rappeler sa théologie
intellectualiste. Quant à soutenir que c’est Thomas d’Aquin qui prononce
l’éloge du maître ès arts puisque les principes de sa théologie sont
empruntés à la philosophie, cela est une pure supposition de l’historien
p. 504
moderne qui, trop attaché
à un auteur, voit partout et à tout prix un sommet de la
philosophie médiévale autour duquel se concentrent tous les autres auteurs.
* *
*
Un commentaire plus actuel a été donné par Ruedi Imbach[50]
qui, insistant toujours sur les questions classiques de l’éloge de St. Thomas
et de la “béatification” de Siger, attire l’attention sur deux passages
extrêmement intéressants de la Monarchie
qui certifient nettement une influence averroïste dans la troisième
période[51]
de l’œuvre de Dante pendant laquelle a été composé le Paradis[52].
Le premier
fragment se trouve au chapitre III du premier livre de la Monarchie où,
en abordant le problème de l’activité spécifiquement humaine, Dante veut
la définir par rapport aux actes des autres intellects: vis ultima in homine [...] esse apprehensivum per intellectum
possibilem[53] propre
uniquement à l’homme puisque les créatures qui sont au-dessus de lui
n’ont pas d’intellect possible quia
essentie tales species quedam sunt intellectuales et non aliud, et earum esse
nichil est aliud quam intelligere quid est quod sunt[54].
Dante affirme ici l’identité entre esse
et intelligere dans le cas des
substances séparées, une doctrine que St. Thomas nie explicitement; pour
lui, une telle identité est valable pour Dieu seul: dicendum quod impossibile est quod actio angeli, vel cuiuscumque
alterius creaturae, sit eius substantia. […] unde in solo Deo sua
substantia est suum esse et suum agere[55]. Or,
ce sont les “averroïstes” Siger de Brabant[56]
et Boèce de Dacie[57]
qui soutiennent cette théorie et que l’évêque Tempier condamne en 1277[58].
A ce fait il faut
ajouter encore deux considérations: la source la plus probable pour cette
théorie est le Liber de causis et
Siger n’y a renoncé pas à la fin de sa carrière[59].
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Dans le Liber de causis cette thèse est
développée à plusieurs reprises; tout d’abord dans le chapitre VI (VII),
quand on explique que l’intelligence connaît les choses qui sont au-dessus
d’elle sans qu’elle se meuve à cause du fait qu’elle accomplit une
réduction complète sur sa propre essence[60].
En effet, c’est la seule théorie qui montre que l’intelligence peut avoir une
connaissance des substances qui sont au-dessus et au-dessous d’elle. Dans le
chapitre suivant, VII (VIII), il est dit que l’intelligence est une substance
intelligible[61] et, un peu
plus loin, chapitre XII (XIII), les choses sont présentées encore plus
clairement: omnis intelligentia
intelligit essentiam suam[62].
Quant à Siger de Brabant, même si généralement on admet[63]
une étroite liaison entre son commentaire sur De causis et certains textes de Thomas d’Aquin sur ce point précis,
ils se distinguent fondamentalement.
R. Imbach
remarque dans son analyse que ce fragment de la Monarchie contient, en dépit de son caractère toujours
contraire aux condamnations de Tempier[64],
un autre dogme considéré comme source d’une possible hérésie: l’acte d’intelligere des substances séparées est sine interpolatione, aliter sempiterne
non essent[65].
L’autre passage
sur lequel il faut insister[66]
et qui montre aussi les affinités que Dante avait avec l’aristotélisme radical
se trouve vers la fin de la Monarchie
(III, xv,7-9) où il est question de la double fin de l’homme et de
l’indépendance de l’Empire par rapport à l’Eglise. Il s’agit d’une
présentation en quatre étapes: (1) la béatitude de cette vie que in operatione proprie virtutis consistit
et per terrestrem paradisum figuratur; (2) ad primam per phylosophica documenta venimus; (3) dummodo illa sequamur
secundum virtutes morales et intellectuales operando; (4) le chemin et les
moyens d’y parvenir ostensa sint nobis ab
humana ratione que per phylosophos tota nobis innouit.
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L’homme peut atteindre la
béatitude terrestre par l’entremise de la philosophie, une fin proprement
rationnelle et indépendante de celle de la théologie; l’une ne se subordonne
pas à l’autre, de même que l’Empire ne se soumet pas à la
Papauté. Dante maintient donc une séparation méthodologique entre la philosophie
et la théologie telle que les maîtres ès arts de Paris l’avait instaurée
à la suite d’Albert le Grand.
Il faut noter
ainsi un intérêt constant pour les doctrines des professeurs de la
Faculté des Arts de Paris dans toute l’œuvre de Dante. Une première
conclusion[67] de R. Imbach
consiste à dire que si St. Thomas termine la présentation des sages sur
l'apologie de Siger, c’est justement parce que celui-ci a mis les fondements de
la distinction rigoureuse entre philosophie et théologie donc entre l’ordre
temporel et spirituel. “Les profondes
convictions religieuses de Dante ne sont pas inconciliables avec l’idée d’une
philosophie qui se tient dans les limites de la pure raison”[68].
Une solution très proche, donc, de celle
proposée par E. Gilson mais qui n’insiste pas sur le statut des symboles que
les personnages de la première couronne du cercle du Soleil peuvent
avoir. En effet, les questions classiques attirent le plus souvent des réponses
classiques; et, si on veut renouveler les interprétations, il faut tout d’abord
mettre en question la nécessité et la pertinence du classicisme des questions.
Ainsi, pourquoi faut-il donner une importance extraordinaire au discours que
Thomas d’Aquin prononce sur Siger?
Comme méthode
d’un nouveau travail herméneutique, il faut soit utiliser le même
critère pour analyser tous les discours que Thomas prononce lorsqu’il
présente les sages, soit le changer pour chaque personnage. La deuxième
manière ne saurait suffire pour deux raisons: d’une part, on détruirait
l’harmonie et l’unité de cette première couronne[69],
étant ainsi impossible à saisir pourquoi un tel personnage est plutôt
dans le cercle du dominicain que dans celui de Bonaventure (Paradis, chant XII) et, d’autre part, on surchargerait de connotations
inutiles les vers, par le plaisir de l’interprétation[70]
en mutilant les recherches historiques et philosophiques pour les faire
concorder avec les vers de Dante[71].
De plus, comme on a essayé de montrer plus haut, la grande majorité des
commentaires se contentent de lire du chant X du Paradis seulement les cinq vers qui concernent Siger de Brabant.
Or, si on privilégie un code unique d’analyse, on comprend, d’une
manière très simple et primaire, que Thomas d’Aquin fait
l’apologie de son adversaire
parce que celui-ci se trouve parmi les autres onze sages que le
dominicain présente; le fait que c’est une louange par rapport au
p. 507
portrait assez pâle d’Albert
le Grand ou Denys l’Aréopagite, ne doit pas détourner l’attention vers celui
qui prononce le discours. Si on tourne la tête de celui qui est désigné
vers celui par l’entremise duquel Dante accomplit son propre hommage, l’on peut
confondre l’auteur et le personnage. Symbole ou réalité historique, le Thomas
d’Aquin de la Comédie n’est qu’un simple
véhicule qui, de la même manière que son analogon, Bonaventure, ne
se recouvre pas chaque fois d’autres attributs en fonction du personnage qu’il
décrit; il n’est pas dans le même temps un adversaire de
l’averroïsme ou une image de la théologie intellectualiste, un admirateur
ardent de Salomon, d’Isidore de Séville ou de Bède le Vénérable, mais
fort modéré dans le cas de Denys l’Aréopagite. Les difficultés doivent donc
être cherchées ailleurs, ce qui revient à demander: pourquoi
est-ce que Dante a mis Siger parmi les onze sages?
Ruedi Imbach, qui
retient une suggestion de Bruno Nardi et de Maria Corti[72],
sans qu’il leur soit complètement fidèle, s’interroge sur la nature de la transgression que
représente le voyage d’Ulysse dans le chant XXVI de l’Enfer. Dante ne condamne pas Ulysse en tant qu’incarnation du désir
naturel de connaître, mais il révèle par cet épisode que la raison ne
peut aller au-delà de son propre champ d’investigation. Ulysse, Siger et
Virgile sont tous les trois des figures de la raison humaine, mais chacun la
représente en ses différents stades. Virgile manifeste la raison humaine consciente de sa finitude, mais avant
l’incarnation, Siger désigne la même idée après l’avènement
du Christ et Ulysse symbolise la raison humaine toujours avant l’incarnation,
mais sans respecter les limites de la raison naturelle[73].
Tous les trois sont admirés par Dante qui, dans toutes ses œuvres, a
défendu la séparation de la philosophie et de la théologie et l’autonomie de la
raison humaine par rapport à la religion. Ulysse n’a pas respecté les
limites du désir de l’homme[74],
d’où sa présence dans l’Enfer,
et “il en va de même pour la
présence de Siger au Paradis. Le fait que Virgile n’ait pas pu être sauvé
reste pour Dante un mystère incompréhensible.”[75] Dans une perspective
néoplatonicienne, Ulysse est une âme qui retourne à son origine, signe
du mouvement métaphysique de l’exitus
et du reditus. Or, Dante change
complètement cette manière de lecture : pour lui, le
Laërtide qui ne désire plus le retour devient le symbole d’une connaissance qui
ne cesse de chercher et d’explorer[76].
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2004, Bucharest, Romania
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* Je remercie Najate Z. pour
le soin de corriger le français de ce texte.
[1] B. Nardi, Sigieri di Brabante nella “Divina Commedia”
e le fonti della filosofia di Dante, estratto dalla Rivista di Filosofia Neo-scolastica, 1912: 1.
[2] Maria Corti change un peu la perspective et y ajoute: “che significa
veramente la frase a morir li
parve venir tardo?” (cf. M. Corti,
Dante a un nuovo crocevia, Florence:
Sansoni, 1982: 98).
[3] E. Renan, Averroès et
l’averroïsme, Paris: Alcan, 1852.
[4] P. Mandonnet, Siger de Brabant et
l'averroïsme latin au XIIIe siècle, seconde édition,
I, Louvain, 1911: 214-251; II, Louvain, 1908.
[5] Notamment celles de Luca Bianchi,
Il vescovo e i filosofi: la condanna parigina del 1277 e l'evoluzione
dell'aristotelismo scolastico, Bergamo,
1990 et Censure et liberté intellectuelle à
l’Université de Paris (XIIIe-XIVe siècles),
Paris: Les Belles Lettres, 1999.
[6] Nach des Verurteilung
von 1277. Philosophie und Theologie an der Universität von Paris im letzen
Viertel des 13 jahrhunderts. Studien und Texte (Hrs. von Jan A. Aertsen, Kent Emery, Jr. und Andreas Speer,
für den Druck besorgt von Andreas Speer),
dans Miscellanea Mediaevalia, Berlin-New York: Walter de Gruyter, 2001.
[7] Pour une mise en perspective du problème voir Sofia Vanni Rovighi, Studi di filosofia medioevale, I.
Da sant’Agostino al XII secolo, dans Vita e pensiero, Pubblicazioni
della Università Cattolica del Sacro Cuore, Milan, 1978: 268 sqq. et
Ruedi Imbach, Dante, la philosophie et les laïcs,
Paris, 1996: 141-144; voir également l’article enthousiaste de Cesare Vasoli, Filosofia e teologia in Dante dans Otto saggi per Dante, Florence: Le Lettere, 1995: 13-40. On s’arrête
plus en détail seulement sur les livres les plus importants qui discutent ce
problème sans accorder une attention particulière aux autres
articles, sans doute nombreux, mais sans un intérêt particulier pour
l’historien de la philosophie; on pense ici notamment à toutes les Lecturae Dantis, récentes ou non, qui
analysent le chant X d’une manière plutôt littéraire, mais le plus
souvent sans même connaître qui était Siger de Brabant; et dans ce sens
on cite entre autres le commentaire de Gary Cestaro,
Dante’s Divine Comedy. Introductory Readings,
III: Paradiso (edited by Tibor Wlassics), University of Virginia,
1995: 153: “Thomas thus completes the
harmony of this philosophical
[sic!] circle by identifying
(seated at his right [sic!] hand) Siger of Brabant: he, too, master of
theology [sic!] in Paris […]”.
[8] Nardi, op.
cit.
[9] Ibidem: 5sqq.
[10] “Oggi possiamo finalmente dire con
tutta tranquillità ciò che lo Hauréau, venticinque anni sono,
aveva pur detto, (toppo presto, ahimé!): «Siger est maintenant bien connu». A noi è ora dato di leggere una discreta serie di opuscoli che
ne rivelano abbastanza la ignota e misteriosa fisionomia” (cf. Nardi, op. cit.: 9); à partir de mêmes
références,à savoir Mandonnet et Renan, E. Gilson partage aussi cette opinion dans son livre Dante et la philosophie, Vrin, 1972:
257.
[11] Mandonnet, op. cit.
[12] Renan, op. cit.
[13] Nardi, op. cit.: 9; il se
réfère ici à la solution suggérée par P. Mandonnet, op. cit.
[14] Nardi, op. cit.: 9.
[15] Ibidem: les chapitres III et IV et aussi 66.
[16] Ibidem: 31.
[17] Ibidem: 66.
[18] Publié par Mandonnet, op. cit., II; il y a
une autre édition plus récente de ce texte dans Siger de Brabant, Quaestiones
in tertium de anima. De anima intellectiva. De aeternitate mundi (édition
critique par Bernardo Bazán),
Louvain-Paris, 1972.
[19] Il s’agit notamment
d’un changement doctrinal en ce qui concerne le problème de l’unicité de
l’intellect. Cf. François-Xavier Putallaz
et Ruedi Imbach, Profession: philosophe. Siger de Brabant, Paris: Cerf, 1997: 51.
[20] Ibidem: 51
et 67.
[21] Qui sera adoptée et
forgée par Maria Corti notamment
dans op. cit.: 79-85 et dans La felicità mentale, Turin: Einaudi,
1983: 51.
[22] Nardi, op.
cit.: 69.
[23] Ibidem: 70. A. Gagliardi,
dans son livre trop attaché aux conclusions de B. Nardi et M. Corti, Ulisse e Sigieri di Brabante. Ricerche su Dante, Catanzaro: Pullano, 1992: 138, arrive à dire: “questo sguardo di Dante che Tommaso coglie
negli occhi di Sigieri vale quanto un trattato sulla concordanza tra filosofia
e teologia”.
[24] Nardi, Dante e la cultura medievale,
troisième édition, Bari: Laterza, 1983; Nardi développe davantage cette
solution du changement doctrinal chez Dante dans idem, Dal
“ Convivio”, alla “Commedia”, Rome, 1992.
[25] Nardi, Dante e la cultura medievale, 1983: 162-166.
[26] Cf. Imbach, Dante, la philosophie, 1996:
145. Voir aussi Ch. Trottmann, “A
propos des ‘duo ultima’: de la Monarchia au Banquet et retour”,
dans Pour Dante. Dante et l’apocalypse. Lectures humanistes de Dante
(sous la direction de Bruno Pinchard,
avec la collaboration de Ch. Trottmann),
Paris, 2001: 229 sq. et 233.
[27] Cf. G. Petrocchi, Vita di Dante, troisième édition,
Laterza, 2001: 197 et 201.
[28] Cf. ibidem:
197; malheureusement Petrocchi n’offre aucune solution pour la présence de
Siger au Paradis,
encore plus difficile à comprendre si on tient absolument à
une cohérence interne du dernier cantique fondé sur une démarche strictement
théologique et qui trahit même un dégoût pour la philosophie.
[29] “Da me stesso non vegno: / colui ch’attende là, per qui mi mena / forse cui Guido vostro
ebbe a disdegno” (v. 61-63).
[30] Corti, op.
cit.: 79 sqq.; voir également idem,
La felicità mentale, 1983: 51 sqq. et G. Contini, “Cavalcanti
in Dante”, dans Varianti e altra
linguistica, Turin: Einaudi, 1970: 433-450.
[31] Corti, Dante a un nuovo crocevia: 84.
[32] Ibidem: 98.
[33] Cf. F. van Steenberghen, Maître Siger de Brabant, Louvain-Paris, 1977: 161: “les Quaestiones marquent
évidemment une évolution notable de la pensée de Siger vers un aristotélisme
pleinement compatible avec le christianisme où son respect pour les
requêtes orthodoxes s’était affirmé de plus en plus nettement au cours
des années et, dans ses dernières leçons, consacrées au ‘Liber de
causis’, son enseignement était exempt de toute déviation doctrinale, il en
avait l’intime conviction.”
[34] Corti, op.
cit.: 99.
[35] Ibidem: 100.
[36] E. Gilson, Dante et la philosophie, troisième édition, Vrin, 1972: 256
sqq., mais publié pour la première fois en 1939.
[37] Cela est la
traduction que Gilson, op.
cit. propose pour l’expression “invidiosi veri”.
[38] Mandonnet, “Quaestiones de anima intellectiva”, dans op. cit., II.
[39] Cf.
Gilson, op. cit.: 258.
[40] Ibidem.
[41] S. Reinach, “L’énigme de Siger”, Revue
historique 151 (1926).
[42] Gilson, op.
cit.:
262. Les attributs par lesquels Dante décrit Siger sont, contrairement
à ce que dit Gilson, des choses assez banales et généralement connues
à l’époque comme par exemple le fait qu’il enseignait depuis longtemps
la logique ou la philosophie dans la rue du Fouarre, là où se
trouvait la Faculté des Arts de Paris. Un auteur contemporain de Dante, qui
enseignait aussi à Bologne, Rambert de’ Primadizzi de Bologna dans son Apologeticum
veritatis contra corruptiorum se réfère à Siger sous le
même aspect : patet autem sive aliqualiter potest patere
rationabilitas huius positionis ex hoc: qui quidquid sit de eius veritate,
tamen eorum, qui totam vitam suam in arte demonstrandi occupaverunt, a qua
videtur dependere solutio huius quaestionis, multi dicunt, quod demonstrative
ostendi non potest. Ensuite, les premiers commentateurs de la Comédie
se réfèrent toujours à Siger comme au professeur qui a dédié
toute sa vie à l’enseignement de la philosophie et de la logique
à la Faculté des Arts de Paris, rue Fouarre. Une telle chose indique que
Dante ne voulait pas alourdir ses vers par des caractéristiques qui
empêcheraient l’identification du personnage. En lisant le «luxe de
détails» dont il est question, Giuseppe Mazzotta a une révélation et par ses
capacités extraordinaires éclaire finalement nos connaissances sur la vie de
Siger et Dante: “Siger lived in the “vico
de li Strami” […] mingled with merchants of straw for horses […]. The precision of the topographical reference […] and
the address for Siger’s place of work also renders the famed realism of Dante’s
representation, the impression of such a familiarity with Paris to the point of
making historians posit the yet unproven theory of the poet’s sojourn there”, cf. G. Mazzotta, “Dante’s Siger of Brabant”,
in Dante: Summa Medievalis suppl.
de Forum Italicum, Filibrary (9),
1995: 46 sqq.
[43] Cf. Gilson, op. cit.:
262. Plus familiarisé avec l’herméneutique, A. Gagliardi peut lire “in un solo aggetivo tutto il conflitto che
porta alla condanna del 1277 e alla fuga di Sigieri da Parigi per andare a
morire qualche anno più tardi a Viterbo, accoltellato da un suo
servitore […]”, cf. A. Gagliardi, Ulisse
e Sigieri di Brabante, 1992: 138.
[44] Gilson, op.
cit.: 265.
[45] Ibidem: 266.
[46] Ibidem.
[47] Ibidem:
257sqq.: “les plus intéressants pour nous de ses écrits certainement
authentiques sont ses questions De Anima”.
[48] Ibidem: 268 sqq.
[49] Ibidem: 273: “Siger y
est introduit comme représentant, non le contenu de l’averroïsme, mais le
séparatisme de la philosophie et de la théologie qu’impliquait
l’averroïsme latin”.
[50] Imbach, Dante, la philosophie et les laïcs.
[51] Selon la division
faite par B. Nardi.
[52] R. Imbach
rejète ainsi l’idée de Nardi selon laquelle Dante aurait abandonné
complément l’averroïsme lorsqu’il a écrit le Paradis pour se livrer à la théologie, cf. Imbach, op. cit.: 145.
[53] Mon. I, iii, 6. On cite toujours l’édition Monarchia (a cura di Maurizio Pizzica, introduzione di Giorgio Petrocchi), B.U.R., 2001.
[54] Mon. I, iii, 7.
[55] St. Thomas –
S.T. I, Q. 54, A. 1.
[56] Siger de Brabant, De anima intellectiva, c.
9 (ed. B. Bazan), Louvain, 1972.
[57] Boèce de Dacie, Quaestiones super librum Topicorum, III,
3 (ed. N.-G. Green-Pedersen-J.
Pinborg, Opera Boetii de Dacia, VI, 1, Hauniae, 1976: 172, 38-40: Scientia et voluntas in intelligentia
separata non est accidens, sed est sua substantia. (cité par Imbach, op. cit.: 146 et R. Hissette, Enquête sur les 219 articles condamnés à Paris le 7 mars
1277, Paris-Louvain, 1977: 95).
[58] Il s’agit de la
proposition 47 selon la numérotation de Hissette,
op. cit.: 95.
[59] Contrairement
à ce que pense Hissette
dans son Enquête, 1977: 97: “dans ses Q. super «Librum de causis»,
il enseigne que l’identité entre l’Intelligence et son opération n’existe qu’en
Dieu”.
[60] Liber de causis, (ed. Pattin),
prop. 68: et significatio quidem illius est reditio sui super essentiam suam,
scilicet quia non extenditur cum re exstensa, ita ut sit una suarum
extremitatum secunda ab alia. On trouve plus largement exploitée cette
doctrine dans le chapitre XIV (XV).
[61] Liber de causis, VII (VIII), prop. 73.
[62] Liber de causis, XII (XIII) prop. 109.
[63] Imbach, “Le traité de l’eucharistie de Thomas d’Aquin et les averroïstes”,
dans Quodlibeta,
1996: 327, n. 52 et Putallaz et Imbach, op. cit.: 165; voir aussi R.-A. Gauthier, “Notes sur Siger de Brabant. Siger en 1265”, Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques 67 (1983): 214 et
A. Marlasca, “Introduction”, dans Siger de
Brabant, Quaestiones super Librum de
causis, Louvain-Paris, 1972: 22; Imbach,
“Notule sur le commentaire du Liber de causis de Siger de Brabant et ses rapports avec Thomas d’Aquin”, Freiburger Zeitschrift für Philosophie und
Theologie 43 (1996).
[64] Il s’agit de la
proposition 48 selon la numérotation de Hissette (76 dans l’édition Piché); la
source de Tempier est, selon R. Hissette et A. Marlasca, le commentaire de
Siger au Liber de causis Q. 12, 30,
31, 36, 45, 47. Cf. Hissette, op.
cit.: 97. Il est probable que ce soient toujours les Quaestiones super Librum de causis du maître brabançon la source de
Dante tant pour l’identité esse /
intelligere dans le cas de l’intelligence que pour angelus intelligit de novo, bien que cette thèse et l’autre,
soient connues notamment grâce au Liber
de causis; cf. dans ce cas Liber de
causis notamment ch. IX (X) et XIX (XX).
[65] Monarchia
I, iii,7.
[66] Imbach, Dante, la philosophie, 1996: 147.
[67] Ibidem: 148.
[68] Ibidem.
[69] Il ne faut pas
oublier qu’une de caractéristiques les plus importantes de cette guirlande est
qu’elle se montre sous la forme d’un seul
cercle dont le centre est Dante et Béatrice (Paradiso X v. 70 et 91-93) à différence de celle de
Bonaventure, qui forme deux cercles (Paradiso
XII, v. 20).
[70] Pourquoi Albert
est-il présenté seulement en trois lignes? Dante pensait-il que le maître de
Cologne était moins important pour l’œuvre de Thomas que la plus belle
flamme parmi tous, celle de Salomon? Quelle était le rapport que St. Thomas
avait, au moins dans les yeux de Dante, avec l’avocat des temps chrétiens qui a
influencé le latin d’Augustin? etc.
[71] Dans ce sens voir
au moins Mazzotta, op. cit.
[72] Nardi, “La tragedia d’Ulisse” dans Dante e la cultura medievale, cit.: 125-134; Corti, Dante a un nuovo crocevia, cit.: 85.
[73] Imbach, op.
cit.: 237.
[74] R. Imbach renvoie ici
à un passage du Convivio III,
xv, 9 où Dante s’exprime très clairement au sujet du désir humain
et de ses limites, ce qui peut éclairer le naufrage d’Ulysse; cf. ibidem:
237sqq.
[75] Ibidem: 238.
[76] Ibidem: 244:
“Le naufrage doit manifester que la
raison humaine, du moment qu’elle franchit les limites de son champ naturel,
échoue nécessairement. Siger de Brabant est le véritable paradigme du
philosophe pour Dante, et non pas Ulysse”.
[77] Conv., III,
xv, 2. Voir aussi Conv., III,
vi, 8; III, xi, 14. On cite toujours selon l’édition Convivio (a cura di
Giorgio Inglese), B.U.R., 1999.
[78] Conv., III,
xv, 4: e in questo sguardo solamente l’umana perfezione s’aquista,
cioè la perfezione de la ragione, de la quale, sìcome di
principalissima parte, tutta la nostra essenza depende. La thèse de
la dépendance de l’essence humaine de la perfection intellectuelle est soutenue
pour la première fois dans Conv., III, vi, 8: e però
che questa è veramente quella perfezione, dico che quella gente che qua
giù maggiore diletto riceve quando più hanno di pace, allora
rimane questa ne’ loro pensieri, per questa, dico, tanto essere perfetta quanto
sommamente essere puote l’umana essenzia.
[79] Les fortes
ressemblances de cette position avec les textes de Thomas d’Aquin ont été mises
en évidence par F. Cheneval dans le commentaire qui suit la traduction de Th.
Ricklin. Cf. Das Gastmahl (Übersetzt von Thomas Ricklin, Eingeleitet und Kommentiert von Francis Cheneval), Hamburg: Felix Meiner
Verlag, 1998: 410 sq. Ce qui représente le point d’originalité de Dante est la
manière d’interpréter la disposition naturelle de l’homme comme étant
mesurée par le droit désir, un désir limité à ses capacités
intellectuelles.
[80] Conv., III,
xv, 6. La thèse est déjà annoncée dans III, iv, 9.
[81] Conv., III,
xv, 8-9.
[82] Conv., III,
xv, 10.
[83] Averroès, Prooemium, Aristotelis
opera cum Averrois commentariis. Quartum volumen, De physico auditu,
Venise, 1562.
[84] Boèce de Dacie, De summo bono,
Opera, Corpus Philosophorum Danicorum Medii Aevii, voluminis VI,
pars II (ed. N. G. Green-Pedersen):
369-377.
[85] Jacques de Pistoia, Quaestio
disputata de felicitate, publiée par P. O. Kristeller, “A Philosophical Treatise from Bologna Dedicated
to Guido Cavalcanti: Magister Jacobus de Pistoria and his Questio de
felicitate”, dans Medioevo e Rinascimento. Studi in onore di Bruno Nardi,
Florence: Sansoni, 1955: 425-463.
[86] Voir aussi l’étude
de Corti, “Bilan des études
dantesques et quelques considérations sur Ulysse”, dans Pour Dante. Dante
et l’apocalypse. Lectures humanistes de Dante, cit.: 203-214.
[87] Cf. Imbach, op. cit.: 237.
[88] Conv., III,
xv, 6
[89] Boèce, De summo bono, p.
376, lin. 209 sqq.
[90] Conv., III,
xv, 9.
[91] “Drizza, disse,
ver’ me l’agute luci / de lo’ ntelletto, e fieti manifesto / l’error
de’ ciechi che si fanno duci” (Purgatorio, XVIII, v. 16-18).
[92] Sauf l’expression
encore plus mystérieuse de “che ’n pensieri / gravi a morir li perve venir tardo”.