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p. 113
Le Royaume de Hongrie et
les missions franciscaines dans les régions sous domination mongole du XIIIe
siècle au XVe siècle:
Université
de Paris I Sorbonne
Au XIIIe et au XIVe
siècles, la mer Noire prend une importance capitale dans l’histoire des
échanges internationaux grâce à l’ouverture de contacts commerciaux
directs entre l’Occident latin européen et l’Asie, ouverture rendue possible par
la domination politique mongole qui s’étend depuis la mer Noire et Bagdad
(prise en 1258) jusqu’à Pékin, dont les Mongols font leur capitale sous
le nom de Khanbaliq en 1260. Dorénavant, et jusqu’à Christophe Colomb,
qui ne voulait qu’atteindre les Indes par l’Occident, la recherche d’un contact
direct avec l’Asie restera la première motivation des explorateurs et
des marchands occidentaux. L’instauration d’un pouvoir unique leur permet de
circuler dans une sécurité relative dans tout l’empire, et sur des routes
améliorées, d’autant plus que les Mongols se montrent tolérants en
matière de religion. La Perse et l’Asie centrale, dont, sous une
domination musulmane hostile, des guerres incessantes rendaient le territoire
dangereux, sont désormais soumises à un pouvoir efficace, et les
souverains qui exercent leur autorité sur ces régions apaisées acceptent
volontiers des pourparlers avec les émissaires chrétiens.
Soulagées par le retrait des Mongolls qui, en 1241, avaient envahi la
Pologne et la Hongrie, et les avaient menacées directement, les puissances
chrétiennes d’Occident réalisent vite que la pax mongolica permet aux
voyageurs latins d’atteindre des populations inconnues et d’aller jusqu’en
Chine, et cela même après le démembrement, en 1260, de l’empire
mongol unitaire, scindé en plusieurs khanats concurrents (le nord de la
mer Noire, la Crimée et une partie de la Sibérie méridionale et occidentale
sont dominées par la Horde d’Or, la Perse par les Il-Khans, l’Asie centrale
autour de Boukhara et Samarkand constitue le khanat du Djaghataï). Il
s’agit d’une véritable révolution géographique pour l’Occident latin, qui se
rend compte soudainement que le christianisme latin n’occupe qu’une partie
très restreinte du monde connu, et que les populations païennes, dont
on supposait qu’elles n’étaient qu’une quantité négligeable aux confins de
l’univers méditerranéen, méritent, par leur nombre, l’intérêt.
La mer Noire devient une interface privilégiée pour ces échanges qui se
développent et font communiquer l’Occident latin et l’Extrême-Orient.
Grâce à sa réinsertion dans l’économie-monde, sur les routes vers
l’Extrême-Orient, la région prend une importance nouvelle pour l’Occident
latin, phénomène étudié par Georges Brãtianu et Michel Balard[1].
Tandis que se développent des colonies marchandes en Crimée, la Caffa génoise
et la Soldaïa vénitienne, des communautés de commerçants italiens
s’installent dans les villes d’importance, notamment Saraï, la capitale de
la Horde d’Or, et s’avancent jusque dans le Djagataï. Un exemple
célèbre et significatif est celui de Nicolas et Maffeo Polo qui en 1261,
à partir de la mer Noire et Soldaïa où
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ils
faisaient des affaires, décident de se lancer plus en avant sur les routes de
l’Asie et gagnent la Chine.
Le rôle de la mer Noire ne saurait se limiter à un simple
débouché du commerce asiatique, étant donnée l’importance du commerce de
produits régionaux (céréales, cire et esclaves). Cependant, ce rôle est loin
d’être négligeable, et ce d’autant plus qu’à la même époque
les derniers vestiges des Etats Latins d’Orient disparaissent définitivement:
Acre est conquise en 1291 par les Mameluks. L’espace pontique s’insère
dans une organisation géographique eurasiatique (et même mondiale, si
l’on se situe dans le cadre géographique latin de l’époque dont l’Amérique et
l’Afrique sub-saharienne sont absentes): l’Occident latin envoie des marchands
jusqu’à l’autre bout du monde, organise des routes commerciales et
essaye de nouer à partir du milieu du XIIIe siècle des
relations diplomatiques suivies avec les pouvoirs mongols, et ce jusqu’à
la désorganisation progressive de ceux-ci au cours de la seconde moitié du XIVe
siècle. La Perse à partir des années 1330 et la Horde d’Or
à partir des années 1360 s’affaiblissent et tombent en proie aux guerres
civiles, tandis que les Mongols sont chassés de Chine en 1368. Cependant,
malgré ces évènements et les ravages de la Grande Peste qui sévit en
Occident, ce n’est vraiment qu’à la fin du XIVe siècle
et au cours du siècle suivant qu’il devient impossible d’accéder en Asie
centrale et en Chine par la mer Noire, et ce sous le coup de deux
évènements: la conversion complète et irréversible de l’Asie
centrale à la foi musulmane et surtout l’avancée ottomane qui coupe une
nouvelle fois la route de l’Asie pour les Occidentaux latins.
Toutefois, un des aspects fondamenttaux de cette organisation est souvent
laissé de côté, alors qu’il témoigne par ailleurs de l’importance de la mer
Noire dans ce contexte historique. En effet, tout autant que par des marchands,
l’Asie mongole est parcourue par les frères issus des ordres mendiants
franciscains (ou Frères mineurs) et dominicains (ou Frères
prêcheurs), qui, à la même époque, sont en train de
transformer la chrétienté en Occident et de donner un poids nouveau à
l’autorité pontificale à laquelle ils sont soumis. Ce sont des
Franciscains, Jean du Plancarpin, envoyé par le Pape en 1245 pour appeler
à la conversion le souverain mongol, et Guillaume de Rubrouck, envoyé
par Saint-Louis en 1253, qui établissent les premiers contacts avec les
souverains mongols. Par la suite, des communautés de religieux latins
s’installent dans toute l’Asie, et ce jusqu’à la Chine du Grand-Khan,
qu’ils peuvent atteindre par l’Inde (via la Perse sous domination mongole)
comme par l’Asie centrale. Les Frères mendiants tentent de profiter de
la présence autour des souverains mongols de nombreux captifs déracinés issus
des chrétientés orientales non orthodoxes (et notamment nestorienne et
arménienne), ainsi que de souverains nestoriens d’Asie centrale qui se sont mis
au service des souverains mongols, et auxquels les Franciscains vont offrir une
Eglise et un encadrement religieux. Il ne faut pas oublier non plus l’existence
de chrétiens latins à cette cour, pris comme captifs au cours de la
campagne de 1241. Les missionnaires latins cherchent à gagner de
l’influence auprès des souverains mongols afin de les convertir, sans
toutefois obtenir un réel succès dans cette dernière tâche. C’est
ainsi qu’apparaissent des communautés chrétiennes jusqu’à Pékin. Face à
ce mouvement qu’elle a initié, la Papauté décide de créer de nouveaux
évêchés en Asie et étend la carte ecclésiastique occidentale jusqu’en
Chine: elle crée en 1307 un archevêché à Khanbaliq, dont la
juridiction épouse les limites du pouvoir mongol, de la mer de Chine à
la mer Noire, et comprend en théorie les chrétiens de rite latin du
Djagataï et de la Horde d’Or. A un moment où par ailleurs la
Papauté mène une politique active d’union religieuse avec les chrétiens
orthodoxes et non orthodoxes, il s’agit bien d’organiser, sous l’autorité de
Rome, une chrétienté recouvrant l’ensemble du monde
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connu
–à l’exclusion, bien entendu, de l’Islam qui, en cas de réussite de
cette politique, se retrouverait cerné.
Cependant la région où l’acttion menée obtient les meilleurs
résultats, c’est celle dominée par la Horde d’Or, où les frères
mendiants créent de nombreux établissements, organisent des communautés latines
jusqu’au cœur de l’Asie centrale et mènent une politique active
auprès des souverains. Le succès de cette politique est consacré
par la décision en 1318 d’organiser un évêché à Caffa, devenue le
centre du commerce génois autour de la mer Noire, dont la juridiction s’étend
à une bonne partie des territoires de la Horde d’Or (alors que l’organisation
de l’Eglise en territoire mongol était en théorie laissée à
l’entière discrétion de l’archevêque de Khanbaliq). Compte tenu
des distances, l’évêché de Caffa était parfaitement autonome. Cependant,
sa dépendance hiérarchique vis-à-vis de Khanbaliq ne fut jamais officiellement
levée, et ce jusqu’à ce qu’elle perde son sens avec la disparition du
siège de Khanbaliq au XVe siècle, signe que pour le
souverain pontife ce qui se passait au nord de la mer Noire et en Asie centrale
ne pouvait être complètement séparé de l’Extrême-Orient.
L’évêché de Caffa, qui dure jusqu’à la conquête de la ville
par les Ottomans en 1475, avait une juridiction qui s’étendait bien
au-delà de la colonie génoise, puisqu’elle allait de Varna en Bulgarie
jusqu’à Saraï sur la Volga. Sa création fut suivie de l’institution
provisoire de plusieurs autres évêchés en Asie centrale, dont la création
cherchait manifestement à remplir le vide de structures religieuses
latines entre l’évêché de Caffa et la Chine[2].
L’étude de l’action des frèrres mendiants, et principalement celle
des Franciscains, est intéressante parce qu’elle permet de préciser et
même, en partie, de changer les perspectives historiques: en effet, cet
essor des contacts entre l’Occident latin et l’Asie n’est pas le fruit
d’initiatives commerciales fortuites, mais procède d’une volonté
réfléchie des pouvoirs occidentaux d’étendre leurs réseaux jusqu’au bout d’un
monde qui au XIIIe et au XIVe siècles prend des
dimensions nouvelles. L’activité des marchands repose elle-même sur une
pratique géographique, celle des routes commerciales et des contacts marchands
directs et réguliers avec l’ensemble de l’Asie sous domination mongole. Mais
cette tentative ne se comprend que si l’on prend en compte la volonté
pontificale d’une organisation universelle qui lui soit soumise, ce que les
papes se mettent à espérer au moment où ils voient s’ouvrir
l’espace mongol qu’ils rêvent de gagner par la conversion des princes
mongols qui l’ont unifié et le dominent.
Cette volonté repose sur une actionn politique concrète: si la
création d’évêchés doit encore beaucoup au hasard et aux différentes
initiatives sur le terrain, la Papauté encourage les frères mendiants
à partir en mission, convertir les populations rencontrées, et elle
prépare si bien matériellement, financièrement et intellectuellement (en
exigeant une expérience du contact avec les étrangers et de bonnes
connaissances linguistiques) leur départ que ceux-ci finissent par occuper des
positions stratégiques dans les différentes cours mongoles. La Papauté, alors
en plein développement centralisateur en Occident, encourage des missions sur
lesquelles elle veut garder une autorité directe par l’intermédiaire des
Frères mendiants, lesquels n’ont à répondre de leurs actes
qu’envers le souverain pontife. L’implantation une fois réussie, la Papauté met
en place des évêchés dont la charge est toujours confiée à des
frères mendiants afin d’assurer l’indépendance
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de ces
sièges vis-à-vis de toute autre puissance latine (et notamment
génoise ou vénitienne). Cette relance de l’idéal missionnaire repose
entièrement sur les cadres canoniques définis par la Papauté (et plus
précisément par la bulle cum hora undecima, réitérée
régulièrement), et témoigne d’une politique très volontariste.
Le rôle des puissances laïquess est considérablement diminué: en
aucun cas un roi ou son entourage ecclésial ne peut prétendre organiser une
mission, ni être l’intermédiaire ou l’agent exécutant des missions au
service de la Papauté, afin d’en profiter pour étendre son autorité aux nouvelles
provinces ecclésiastiques créées. En d’autres termes, est exclue une
interaction entre Eglise et pouvoir laïque comme à l’époque
carolingienne, lorsque Charlemagne avait obtenu la conversion des Saxons
à la fois par les succès de son armée et par ceux d’une activité
missionnaire qu’il contrôlait, et que l’avancée de la foi chrétienne allait de
pair avec celle de l’autorité de l’empire carolingien. Le souverain pontife est
d’autant plus jaloux de son indépendance, que très vite il mène
une politique d’équilibre entre ses agents Franciscains et Dominicains, ce dont
témoignent ses hésitations de 1245 qui aboutissent, après l’envoi de
Plancarpin, à l’annulation du départ d’une deuxième mission
franciscaine auprès des Mongols, remplacée par celle de deux Dominicains,
Ascelin de Crémone et André de Longjumeau, de même que la création en
1318 de l’archevêché de Sultanieh (du nom de la capitale des Il-Khans
mongols de Perse), confiée au Dominicains, et qui incorpore une partie de
l’Asie franciscaine (et notamment le Djagataï)[3].
Si les souverains mongols demandentt eux aussi des missionnaires pour
donner un signe de leur volonté d’entretenir de bonnes relations avec
l’Occident latin et avec celui qu’ils peuvent croire son souverain, le Pape, le
prestige culturel des missionnaires franciscains est loin d’égaler celui de
l’empire byzantin auprès des Slaves du IXe siècle,
à même de séduire des populations attirées par le modèle
byzantin, et de rallier des souverains pour lesquels le rapport avec
Constantinople était capital. Pour les souverains bulgares, par exemple,
adopter le christianisme était un moyen de parler d’égal à égal avec le basileus.
Pour les souverains de la Horde d’Or, les relations avec l’Occident latin
n’étaient qu’un problème parmi d’autres (pour ne pas parler des Mongols
de Khanbaliq), et en tout état de cause, l’attrait culturel de l’Occident était
quasi-nul. L’accueil fait aux Franciscains aux cours mongoles était, sauf
exception, d’ordre strictement diplomatique, et les succès de ces
derniers auprès des populations, limité (surtout en comparaison des
succès remportés par l’Islam), si ce n’est auprès des chrétiens
non catholiques, ramenés au sein de l’Eglise romaine. La création d’une carte
religieuse qui s’étend jusqu’à Khanbaliq, et d’un archevêché dans
cette ville pour sa communauté chrétienne bien réelle, mais de faible ampleur[4],
relevait d’abord d’un espoir, celui d’une possible conversion des souverains
mongols, qu’il fallait aider en développant les structures ecclésiales, et
ensuite d’une volonté: affirmer l’universalité de l’Eglise latine, qui se
devait d’être à la mesure de ce nouveau monde depuis peu ouvert
aux Latins. De fait, l’action de l’Eglise, son installation auprès des
communautés marchandes
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jusqu’en
Chine, et les nombreux récits et lettres qui circulaient en Occident donnaient
le sens de cette aventure: il s’agissait d’accomplir la vocation universelle de
la chrétienté.
Cependant, pour reprendre l’exemplee de Caffa, il est illusoire de penser
que les Génois n’avaient pas leur mot à dire dans la gestion de
l’évêché, étant donné leur présence matérielle et politique sur le
terrain. De même, pour remplir leur mission, les frères mendiants
devaient s’appuyer sur des réseaux politiques existants, profitant des
recommandations de ceux susceptibles de les introduire auprès des gens
en place. Rien n’était possible sur le terrain sans l’aide de couvents qui
avaient eux-mêmes besoin d’un soutien financier et d’un approvisionnement
en hommes. De ce fait, la Papauté était toujours obligée de construire son
action en s’appuyant sur des puissances laïques, qui en retiraient une
capacité d’influence. Malgré la volonté centralisatrice de la Papauté, et
l’absence de compétence juridique d’un autre intervenant dans le cadre de ces
missions, l’équilibre des pouvoirs sur le terrain était plus complexe que ce
que les études portant sur le sujet ont envisagé, et laissait une marge de
manœuvre et aux puissances laïques et aux ordres mendiant
eux-mêmes, qui n’étaient pas en toute occasion des exécutant
fidèles (il suffit de penser à la querelle de la pauvreté et au
nombre de Franciscains qui ont fait œuvre de mission alors que
l’orthodoxie de leur foi était mise en cause par le souverain pontife).
Ainsi, la construction d’une chrétiienté latine universelle fait aussi apparaître
réseaux et luttes d’influence. Or l’activité religieuse latine dans les régions
sous domination mongole est en général décrite soit dans les limites d’une
étude locale, sans insérer cette activité dans l’environnement international,
soit en évoquant simplement l’envoi des missionnaires depuis Rome et en faisant
d’eux des agents de la Papauté, alors qu’il nous est impossible de
l’appréhender si l’on ne comprend pas qu’il existe des routes et des réseaux
religieux, similaires aux routes commerciales, qui vont de l’Occident latin
vers les régions mongoles. Cette vaste construction géopolitique à
l’échelle de l’Asie sous domination mongole est l’objet d’un travail de
recherche actuellement en cours qu’il serait impossible de résumer en quelques
pages. Ce que l’on voudrait étudier dans cet article, c’est, à titre
d’exemple, l’histoire et l’échec d’un de ces réseaux, parmi plusieurs autres,
que la Papauté par l’intermédiaire des Franciscains a mis en place, afin de
montrer concrètement comment l’Eglise d’Occident construisait son
implantation dans ces régions qui s’ouvraient aux Occidentaux. La plaque
tournante du réseau que nous étudierons ici, c’est le royaume de Hongrie,
devenu une des portes d’entrée de l’espace mongol pour les Latins. En effet,
celui-ci a pris une importance primordiale pour la construction de la présence
religieuse occidentale au Nord de la mer Noire, et jusqu’en Sibérie, dans
l’espace dominé par la Horde d’or. Grâce à l’action et à la
présence hongroise dans cette région, les marchands et les frères
mendiants italiens venus de Caffa pouvaient s’enfoncer jusqu’en Asie centrale
et en Chine. Grâce à une action combinée au nord de la mer Noire et dans
les Balkans, la Hongrie a pu s’imposer dans le jeu diplomatique de l’Occident
latin comme un Etat de première importance, jusqu’à ce que cette
fonction de plaque tournante disparaisse, entraînant au XVe
siècle la perte d’importance de la Hongrie puis sa chute finale. Ce rôle
joué par la Hongrie n’est d’ailleurs pas sans effet sur l’histoire des
populations roumaines, qui ont été un acteur de ce processus historique.
La
Hongrie et les missions comanes: première avancée au Nord de la mer
Noire et premières informations sur les Mongols.
La situation de la Hongrie dans la première moitié du
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XIIIe siècle est loin
d’être simple et apaisée, surtout sous le règne d’André II, qui
tente sans succès d’étendre ses territoires au détriment des
principautés russes (et notamment celle de Halicz), puis de se faire couronner
empereur latin de Constantinople, ce à quoi la Papauté s’oppose[5].
L’échec de cette politique est à l’origine de l’affaiblissement du
pouvoir royal, obligé de céder devant les nobles et de leur accorder en 1222 la
Bulle d’or, qui renforce leur pouvoir. Le règne d’André II se termine
même par un affrontement ouvert entre Grégoire IX et André II, qui
mène à l’excommunication de ce dernier par le fidèle
représentant du Pape, l’archevêque de Strigonien (Esztergom), un
Français, du nom de Robert. La situation s’apaise quelque peu avec l’accession
au trône de Bela IV (1235-1270), proche de Robert de Strigonien, qui se montre
nettement plus conciliant envers le souverain pontife, sans doute plus par
nécessité que par choix.
C’est dans ce contexte qu’arrivent les ordres mendiants dans le royaume,
qui y connaissent un vif succès, à commencer par les Dominicains,
qui à partir de 1221 s’introduisent au cœur de la monarchie
hongroise. On comprend que ce rapide succès des mendiants en Hongrie est
bien lié à la situation politique, et l’inclination du nouveau souverain
pour eux est aussi une manière pour lui de prouver son allégeance au
Pape, attaché à la promotion de ces ordres qui passent pour ses agents
directs, bousculant les hiérarchies religieuses traditionnelles. Les
Frères prêcheurs se chargent alors d’une première mission
cruciale pour l’avenir de la Hongrie: la prédication dans les régions sous
domination comane, qui aboutit même à la création d’un
évêché des Comans (notons l’expression d’ episcopus Cumanorum) en
1227[6].
Les Comans, c’est ce peuple d’origine turque qui domine dans la première
moitié du XIIIe siècle (avant l’invasion mongole qui va les
chasser de leurs terres) un vaste espace allant des bouches du Danube à
la plaine de Crimée, et nul doute que ces missions ne s’adressaient pas qu’aux
Comans, mais également aux populations qui leur étaient soumises même si,
comme les Valaques, elles étaient de rite byzantin: l’évêque des Comans
devait être assisté d’un vicaire de rite grec pour les populations
valaques. De fait, la Relatio Sviperti de missionibus provinciae Hungariae
nous montre un groupe de Dominicains envoyés par le fondateur des missions
dominicaines de Hongrie, Paul, partir d’abord pour la région de Severin afin de
ramener à l’union les schismatiques et ensuite passer en pays coman proprement
dit pour convertir les infidèles. Il faut ainsi noter que si c’est
l’arrivée des Mongols qui a permis aux Latins de s’avancer en Asie, la volonté
d’expansion missionnaire n’est pas créée par cet évènement, mais profite
de l’occasion. Ses causes sont à chercher dans l’histoire des mentalités
de l’Occident latin lui-même et de la mutation liée à l’apparition
des ordres mendiants, qui dès leur naissance sont orientés vers
l’activité missionnaire. Les frères mendiants associent dans un
même effort les régions danubiennes et les plaines du nord de la mer
Noire, et leur action s’avance jusque fort loin, puisque le territoire parcouru
par les Comans s’étend jusqu’à la Volga. Le rôle spécifique de la
Hongrie apparaît à l’occasion, puisqu’elle sert de base de départ et que
les missionnaires en sont originaires. Mais le mouvement est indépendant d’un
pouvoir politique contesté par la Papauté,
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qui
s’institue en protectrice de l’évêché des Comans et affirme l’absolue
indépendance de cet évêché vis-à-vis de l’Eglise comme de la
monarchie hongroises. Cependant, les Dominicains sont dans une situation plus
complexe qu’elle n’en a l’air: agents de la Papauté dans un royaume dont les
relations avec le Saint-siège sont difficiles, ils sont cependant
proches du roi, qui en fait son alibi auprès du Pape.
Les Franciscains, même s’ils ont en cette première moitié
du siècle moins d’importance dans le royaume de Hongrie que les
Dominicains, s’installent dès 1229 dans la capitale, à Esztergom,
envoyés par Jean de Plancarpin qui, avant de devenir célèbre pour son
voyage chez les Mongols, est le principal artisan de leur arrivée en Europe
centrale et orientale, qu’il supervise depuis l’Allemagne où il est
ministre général en 1228. Leur progression en Hongrie est elle aussi assez rapide.
Leur activité en Comanie, une fois arrivés dans le royaume hongrois, n’est pas
directement attestée par un document et est loin d’être assurée.
Cependant, il n’y a pas de raison pour qu’aucun d’entre eux n’ait participé
à ce mouvement majeur alors que leurs structures et leur mode de
fonctionnement les y engageaient. Certains documents peuvent nous faire penser
qu’ils étaient présents sur le terrain, comme la lettre d’un évêque
hongrois envoyée à l’évêque de Paris, que nous a gardée la
chronique de Matthieu Paris, et qui parle des invasions mongoles en évoquant la
mort de missionnaires dominicains et franciscains envoyés par le roi de Hongrie
dans les terres comanes[7]
(lettre qui met au passage en évidence un lien entre les missionnaires
mendiants en terre comane et Bela IV). Ce qui fait d’une mission qu’elle est
qualifiée de franciscaine ou de dominicaine, ce n’est pas une présence
exclusive sur le terrain, mais l’appartenance des frères qui ont en
responsabilité son encadrement et qui dominent la hiérarchie religieuse. La
majorité des missionnaires et ceux qui reçoivent la consécration ecclésiastique
en terre comane sont des Dominicains, mais cela ne signifie pas pour autant que
les Franciscains soient absents sur le terrain. A tout le moins les Franciscains
de Hongrie ont été informés de ce qui se passait. Or, c’est à partir de
cette mission que se font les premiers contacts avec les Mongols, puisque le
Dominicain Julien de Hongrie arrivant en grande Hongrie voit des habitants fuir
et le prévenir de l’arrivée des Mongols, de leurs intentions hostiles et de
leur soif de conquêtes illimitées, ce qui le fait rebrousser chemin pour
avertir en 1237 la chrétienté latine de la menace imminente qui se profilait
à l’horizon.
En effet, l’arrivée des Mongols en 1241 était loin d’être
imprévue. En fait les Latins l’attendaient sous une forme ou sous une autre
depuis la cinquième croisade et le siège de Damiette en 1219,
quand les légendes sur des souverains orientaux chrétiens (le roi David et le
prêtre Jean) qui s’étaient soulevés et allaient prendre les musulmans
à revers commencèrent à circuler[8].
La monarchie hongroise avait elle-même des informations venues de ses
propres sources: Aubri de Trois-Fontaines signale que déjà en 1223 André
II informait le Pape de la victoire des Mongols sur les Russes à la
Kalka[9].
Au-delà du voyage de Julien, les missions comanes ont dû elles
aussi apporter leur lot d’informations sur ces Mongols qui avaient atteint la
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Russie
et la Géorgie dès les années 1220 et étaient les voisins des Comans. Il
faut ajouter que le royaume latin de Constantinople lui-même était sans
doute déjà en contact avec ces derniers, même si la nature de ces
contacts est très mal connue: Jean Richard montre à travers la
chronique d’Aubri de Trois-Fontaines que la cour de l’empereur latin Baudouin
II avait noué des liens avec les Comans, que des alliances matrimoniales
avaient été négociées et qu’un personnage comme Jean de Hainault, avec lequel
Rubrouck s’entretient lors de son séjour à Constantinople, connaissait
probablement le Coman[10].
Or, les Franciscains avaient deux points d’implantation sûrs: la Hongrie,
où la famille royale ne tarde pas à leur montrer ses faveurs et
Constantinople, auprès de Jean de Brienne. Un personnage aussi important
que Jean du Plancarpin, qui supervisait le développement de l’ordre en Europe
centrale et entretenait des liens étroits avec les principaux souverains de la
région devait avoir obtenu lui aussi des informations, et fut envoyé vers les
Mongols non pas seulement comme un éclaireur en territoire inconnu, mais bien
comme quelqu’un qui avait une connaissance exceptionnelle de la région pour un
Latin.
Notons que l’itinéraire continentall emprunté par Julien de Hongrie pour
son retour vers sa patrie est exactement celui que prendra Plancarpin en sens
inverse en 1245. C’est un article de Denis Sinor qui est le premier à
nous attirer l’attention sur tout ce que doivent les premiers voyages
franciscains à ces missions hongroises[11].
Pourtant, Guillaume de Rubrouck ne dit rien d’autre quand il écrit que c’est
grâce aux informations données par les Frères prêcheurs qui
avaient voyagé dans ces régions qu’il lui avait été possible d’identifier la
Grande-Hongrie. La description qu’il donne de la région et de ses peuples est
un autre indice de cette influence des voyageurs hongrois, et en particulier la
filiation qu’il fait entre les Huns et les Hongrois, qui n’est pas certaine
mais qui correspond à une vision des Hongrois sur eux-mêmes mise
en valeur à partir de la période que nous étudions. Même dans ses
erreurs, Rubrouck manifeste cette influence, parlant de la Grande Valachie,
terme diffusé par les textes hongrois de l’époque qui avaient imaginés un foyer
valaque similaire au foyer de la Grande-Hongrie[12].
Jean de Plancarpin utilise lui aussi cette référence à la Grande-Hongrie
dans son récit. Plancarpin comme Rubrouck sont en fait fortement influencés par
les descriptions faites par les Hongrois dont ils reprennent la nomenclature,
alors qu’elle ne fait pas partie des références spontanées d’un Italien ou d’un
auteur de langue française.
Manifestement les récits hongrois oont circulé, et Denis Sinor nous donne
même le nom d’un personnage qui joue un rôle dans cette diffusion,
à savoir Berthold d’Andesch, patriarche d’Aquilée, auquel il est fait référence
dans un des manuscrits du récit de Julien, et qui était l’oncle maternel de
Bela IV et le beau-frère de Philippe Auguste. Ce personnage servait
d’intermédiaire entre Bela et les grandes puissances de l’époque. Il aurait,
d’après Richard de Saint-Germain, rencontré Frédéric II “pro facto
tartarorum”. Il est tout naturellement présent au concile de Lyon et
participe à la définition de la politique pontificale. Denis Sinor nous
montre ainsi comment
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l’information
à pu se diffuser à travers l’action d’un important personnage
passé de la cour de Hongrie à la cour pontificale, qui attire
l’attention de l’empereur comme du Pape sur le danger mongol et la position
hongroise, en utilisant probablement les informations acquises par les
missionnaires en terre comane. Avec l’invasion mongole, l’évêché de
Comanie disparaît et l’œuvre des missionnaires hongrois semble réduite
à néant. Pourtant, les premiers contacts franciscains avec les Mongols
doivent leur réussite à ces premières missions et aux
informations qu’elles avaient transmises. Par ailleurs, la cour royale jouait
un rôle dans l’envoi de frères mendiants (selon le document donné par
Matthieu Paris), collectait et diffusait les informations qu’ils apportaient,
et s’en servait pour essayer de gagner à sa cause et mobiliser les cours
européennes. Si la monarchie hongroise ne joue pas de rôle institutionnel dans
ces missions qui ne dépendent que du Pape, elle tente cependant de s’insérer
dans leur déroulement et d’utiliser les informations qu’elles apportent pour
renforcer sa position, jouer de la menace mongole et attirer la protection
pontificale ou impériale.
La Hongrie et l’installation des Frranciscains du Danube à la
Volga. Cependant, l’arrivée
des Mongols reste un choc brutal et un basculement. Les informations qui
circulaient n’ont manifestement pas servi à grande chose, et en tout cas
pas à mettre en place une mobilisation de l’ensemble de la latinité pour
repousser l’envahisseur, ce qui n’a guère lieu de nous étonner si l’on
tient compte du contexte et notamment de l’opposition brutale du Pape Innocent
IV et de l’empereur Frédéric II. Une fois le choc passé, la peur d’une nouvelle
attaque subsiste. Le roi de Hongrie ne peut que constater que le souverain
pontife lui a été de peu d’aide en 1241. Le souverain pontife, qui au concile
de Lyon de 1245 cherche à régler toutes les questions dans leur
globalité, et notamment le problème posé par Frédéric II, ne peut
laisser de côté un défi aussi grand que celui lancé par les Mongols. En
envoyant plusieurs groupes de missionnaires vers les souverains mongols, qui
cheminent sur des chemins différents, est-européen pour Plancarpin et
proche-oriental pour les Dominicains Ascelin de Crémone et André de Longjumeau,
Innocent IV ébauche une véritable tentative d’organisation géographique
destinée à établir un système d’alerte pour mobiliser la
chrétienté en cas de nouvelle attaque. La publicité donnée au problème
mongol ne dessert pas les objectifs du souverain pontife, et un Franciscain
comme Plancarpin lui est fort utile non seulement pour les informations qu’il
ramène et les contacts établis auprès de Batu et Güyük, mais
également pour la publicité faite autour de son entreprise, dont plusieurs
récits ont été rédigés. Le récit de Plancarpin lui-même comporte un
vibrant appel à l’union de toute la chrétienté latine pour résister aux
Mongols, et dans la bouche de ce Franciscain qui met en avant l’œuvre de
mission qu’il a accomplie à la demande du souverain pontife, cette union
ne peut se faire que sous la domination du Pape. La prise de conscience de
l’ensemble du monde latin au moment où apparaît la menace mongole d’une
unité commune, qui est celle de la foi, sert la Papauté.
En réponse à cette menace, IInnocent IV conçoit un système
d’alarme global, dans lequel la Hongrie joue un rôle de plaque tournante: Jean
de Plancarpin utilise ses contacts slaves et son amitié avec les souverains de
Bohême et de Pologne, acquise à l’époque où il exerçait la
direction des Franciscains dans l’espace germanique, pour mener à la
fois une mission d’union auprès des souverains russes et arriver
jusqu’au camp du souverain mongol Batu, ou il noue les premiers contacts avec
le pouvoir mongol et parachève par la même occasion son travail
d’union en convertissant le duc de Souzdal, Jaroslav, présent lui aussi au camp
mongol, peu avant que ce
p. 122
dernier
ne meure empoisonné. Le 22 janvier 1248, après le retour de Plancarpin,
Innocent IV envoie toute une série de lettres: la première est destinée
au prince Daniel de Halicz (que Plancarpin a rencontré au retour de son voyage)
et lui demande d’avertir les Chevaliers teutoniques au moindre signe de
mouvement des Mongols. Par le même envoi, le Pape adresse une lettre aux
Chevaliers Teutoniques qui leur demande de l’avertir dès
qu’eux-mêmes seraient informés d’un mouvement mongol par Daniel ou
Alexandre Nevsky, le fils de Jaroslav de Souzdal. A l’occasion de cet envoi
Innocent IV joint une lettre à Alexandre qui fait état de la conversion
par Plancarpin de son père Jaroslav, que le Saint-Père vient
d’apprendre avec le retour auprès de lui de son envoyé. La négociation
avec les Mongols n’est donc qu’un aspect de la mission de Plancarpin: la
Papauté, effrayée par les attaques mongoles a probablement conçu dès
1245 un système d’alerte géographique pour mobiliser au plus vite
l’ensemble de la chrétienté latine si la menace réapparaissait[13].
Nous voyons ici l’utilisation par le souverain pontife d’une première
route et d’un premier réseau, celui des Slaves de l’Est et des Russes. Mais en
même temps, dès 1247, Innocent IV demande à la Hongrie de
donner l’alarme en cas d’attaque mongole, tout en louant par la même
occasion sur la recommandation du provincial franciscain de Hongrie les efforts
de la reine de Hongrie pour jouer des ses liens familiaux et dynastiques et
ramener à l’Union Jean III Vatatzès, le souverain grec de Nicée,
preuve que la Hongrie était aussi valorisée pour son réseau grec et balkanique
et que le souverain pontife inscrivait la défense contre les Mongols dans une
organisation géographique globale[14].
En fait la politique pontificale met en place une couverture défensive de
l’Occident latin à trois rideaux et à trois niveaux d’alerte, le
russe, le teutonique et finalement le hongrois qui doit sonner la mobilisation
générale.
De son côté, le souverain hongrois reste soumis à la menace
mongole, et joue la carte des Frères mineurs hongrois pour montrer sa
bonne volonté et son réel besoin d’aide, sans trop d’efficacité dans un premier
temps, puisque ce système d’alerte est en réalité fait plutôt pour
protéger la France et l’Italie que la Hongrie. En effet, même si l’alarme
est donnée à temps par les principautés russes ou la Hongrie, la
mobilisation risque de toute manière de se faire trop tard pour cette
dernière, à supposer qu’elle ait lieu. La lettre de 1254 envoyée
par Bela IV à Innocent IV met en scène la situation périlleuse de
ce royaume entouré de puissants ennemis, et recevant si peu d’aide du monde
latin. La lettre sonne en fait comme une mise en accusation du système
diplomatique mis en place par Innocent IV face aux Mongols de la part d’un
souverain qui a joué la carte de l’obéissance au Pape. De plus, une lettre
d’introduction qui accompagne la lettre à Innocent IV nous apprend que
c’est le ministre provincial des Frères mineurs de Hongrie, Jacques, ou
son délégué qui achemine ce message auprès du Pape[15].
Les Franciscains de Hongrie, conscients de leur situation privilégiée à
la cour, et du rôle privilégié de la Hongrie comme plaque
p. 123
tournante
de la politique religieuse et diplomatique (vis-à-vis des Grecs comme
vis-à-vis des Mongols) décident de s’engager auprès du souverain
pontife en faveur de Bela IV.
Cette défense reste cependant peu pprofitable pour la Hongrie, et en 1247
ce n’est pas la croisade contre les Mongols que les mendiants prêchent en
Hongrie, mais la croisade contre Frédéric II. Il ne reste plus à la
politique hongroise qu’à utiliser ses propres ressources, et utiliser
des moyens qui ne sont pas forcément bien vus à la cour pontificale,
comme une alliance dynastique avec les Comans, qui, pour certains entrés en
Hongrie dès 1237, ont fui en masse devant les invasions mongoles, se
sont réfugiés en Hongrie, sous la protection du roi, et que l’on tente de
christianiser à l’occasion. Si le souverain pontife met en garde le roi
de Hongrie contre cette alliance, ce dernier n’en tient pas compte, et lorsque
des difficultés apparaissent avec les Comans à l’intérieur du royaume,
c’est un légat pontifical, Philippe de Fermo, qui vient se charger de la
réalisation effective de leur conversion en 1279. Il ne faut pas s’imaginer la
monarchie hongroise complètement soumise au Saint-Siège, surtout
que la situation devient extrêmement instable au cours de cette
deuxième moitié du siècle. Cependant le souverain pontife comme
la monarchie hongroise ont tout intérêt à encourager les missions
franciscaines dans les régions sous domination mongole, qui, quelque soit la
situation, connaissent un bel essor. Ces derniers bénéficient également d’une
faveur nouvelle à la cour hongroise, où les Dominicains sont
quelque peu tombés en disgrâce, après que la princesse Marguerite qui
s’était retirée dans un couvent dominicain ait refusé en 1260 le mariage
arrangé pour elle avec le roi de Bohême, acte interprété comme une
tentative dominicaine de s’insérer dans les affaires de la royauté[16].
Le confesseur dominicain du roi est remplacé par un confesseur franciscain,
signe de la position dominante prise à présent par les Frères
mineurs dans le royaume. Nous avons vu plus haut que les Dominicains avaient
joués le rôle majeur dans la diffusion de la latinité dans l’espace coman. Mais
dorénavant le rôle de ceux-ci auprès de la Horde d’or, la nouvelle
puissance qui apparaît au nord de la mer Noire, reste limité comparé à
celui des Franciscains.
Dans ce contexte, la Hongrie deviennt un des relais essentiels de
l’action des Franciscains auprès de la Horde d’Or. Dès 1278 la
présence des Franciscains dans les régions sous domination mongole est prouvée
par la demande que fait le provincial franciscain de Hongrie auprès du
Pape: constatant que les Frères mineurs ont opéré de nombreuses
conversions en pays tatare, que la cité de Multo (à identifier
peut-être avec Milcov[17])
à la frontière avec les régions tatares a été détruite par les
Mongols et qu’il n’y a plus depuis une quarantaine d’années d’évêque qui
puisse conférer les sacrements aux missionnaires eux-mêmes, le provincial
demande au souverain pontife de rétablir un évêque[18].
Ce document qui nous montre pour la première fois l’installation de
missionnaires franciscains parmi les Tatares (“inter tartaros”),
installés bien au-delà de Milcov, dont le caractère frontalier
est mis en évidence (“civitas de multo, posita in confinibus Tartarorum”).
Cette demande semble bien vouloir restaurer l’héritage de l’évêché des
Comans, et
p. 124
associe
encore une fois dans un même ensemble les populations de rite grec (comme
à Milcov) des régions roumaines et l’action auprès des Mongols
dans un vaste ensemble qualifié du vocable de “tartare”. Cette demande illustre
de plus le rôle joué par les Franciscains de Hongrie, puisque c’est le
provincial de Hongrie qui est tenu au courant des avancées de l’opération,
s’inquiète des blocages institutionnels et prend sur lui de réclamer au
souverain pontife la nomination d’un évêque, à un moment où
le pouvoir hongrois est en train d’imploser, et où le Saint-Siège
envoie un légat pour reprendre la situation en main. Dans ce contexte, c’est
auprès du Pape que les Franciscains de Hongrie recherchent un soutien
que d’ailleurs ils n’obtiennent pas, puisque le légat du Pape ne donne pas
suite à leur demande.
Cette demande laisse supposer que lla Hongrie a bien tenu un rôle
important de soutien aux premières missions vers le territoire de la
Horde d’Or, où les Franciscains mettent en place ce qu’ils appellent la
vicairie de “Tartarie aquilonaire” dès 1274. Nous possédons plusieurs
témoignages nous parlant expressément de missionnaires hongrois à
l’œuvre. Une étape importante dans l’avancée des ces missionnaires est
franchie en 1287: une lettre envoyée par un franciscain de Gazarie
(c’est-à-dire de Crimée) met en scène les résultats
spectaculaires obtenus par les Franciscains, qui oeuvrent auprès de
tribus païennes, qui sont soutenus dans leur action par le chef mongol
Nogaï après que des heurts les aient opposé la communauté musulmane
de Solgat, et obtiennent même de baptiser une des femmes de Nogaï,
l’impératrice Jaylak, malgré les rivalités avec les Arméniens ou les chrétiens
de rite grec. Cette lettre nous apprend en outre que les Franciscains avaient
déjà organisé leur présence dans cette région et mis en place leurs
structures d’encadrement habituelles (des couvents répartis en custodies, le
tout sous la direction d’un provincial), preuve d’une présence qui avait
déjà atteint un caractère permanent et régulier. Or cette lettre
est en fait écrite par un Hongrois, nommé Ladislas, promu à une fonction
importante, celle de custode de Gazarie, et qui a également été le frère
chargé d’administrer le baptême à Jaylak, ce qui témoigne de
l’importance prise par certains Franciscains hongrois dans cette région. Cette
lettre nous donne en outre une liste de personnes récemment décédées et ayant
participé à la mission, parmi lesquelles un traducteur hongrois, ce qui
nous permet de penser qu’un des atouts des Hongrois pouvait être une
relative proximité linguistique et culturelle avec les Comans (en comparaison
avec les autres peuples de l’Occident latin). Une lettre envoyée par les
Franciscains de Caffa en 1321 demande d’ailleurs l’envoi de missionnaires en
insistant pour que ceux-ci soient anglais, allemands ou hongrois. Elle précise
qu’il n’y a pas grande utilité à envoyer des missionnaires français ou
italiens: ceux-ci seraient incapables d’apprendre les langues étrangères
et accomplir leur mission dans des conditions acceptables[19].
En 1320 c’est toujours un Franciscain Hongrois, Johanca, qui raconte dans une
lettre envoyée au général de l’ordre, Michel de Césène, son aventure:
accompagné de trois frères, dont deux sont eux aussi hongrois, il
s’avance bien au-delà de la Gazarie, allant jusqu’au Bachkir et en
Sibérie occidentale[20].
Ainsi, l’importance prise par les Franciscains hongrois dans ces missions
à l’intérieur du territoire de la Horde d’Or n’est pas négligeable,
même si bien entendu le mouvement est européen, et que des missionnaires viennent
de tous les pays pour s’enfoncer vers
p. 125
l’Asie
centrale et Cathay à partir des positions acquises dans la Horde d’Or.
Or il est difficile de penser, étant donné le lien organique qui existait entre
les Franciscains de Hongrie et la monarchie hongroise, que cette
dernière n’était pas impliquée dans ce processus.
La faveur évidente dont disposent lles Frères mineurs en Hongrie,
gage de leur réussite dans les régions mongoles permet aussi à la
monarchie hongroise d’envoyer un message politique. Cette faveur s’explique par
le fait que la monarchie hongroise joue la carte des Frères mineurs pour
affirmer son rôle auprès de la Papauté, et culmine avec un événement qui
a frappé les esprits: en 1270 le roi Bela IV se fait enterrer à sa mort
dans le couvent franciscain d’Esztergom au lieu de se faire enterrer dans la
cathédrale, comme cela était de coutume jusque là, ce qui donne lieu
à un conflit entre l’évêque de cette ville et les Frères
mineurs. La monarchie hongroise se place de manière ostentatoire sous la
protection des Franciscains, et cherche à participer à la
sainteté de l’ordre en exaltant une figure comme sainte Elisabeth, apparentée
à Bela IV, enterrée en 1234 dans un couvent franciscain qu’elle a fait
construire à ses propres frais, et sanctifiée dès 1235. En 1267,
c’est le tour de la tante de Bela, Hedwige, morte en 1243 et proche elle aussi
des Franciscains, d’être sanctifiée. La monarchie hongroise, qui est
obligée par les circonstances de mener une politique comane en désaccord avec
les instructions du souverain pontife, a besoin que les Franciscains témoignent
de la sainteté. Ainsi l’importance prise par les missionnaires hongrois dans
les régions mongoles repose sur plusieurs atouts: celui de la proximité
géographique, celui surtout d’une longue expérience de ces régions et celui du
soutien sans faille de la monarchie qui a besoin d’eux pour donner un surcroît
de légitimité à sa propre action. Si le XIIIe siècle
voit le développement des missions entièrement dominées par le
Saint-Siège, cela ne signifie pas forcément que la monarchie hongroise
n’a aucun lien avec l’action missionnaire des mendiants venus de Hongrie. Elle
n’en a certes aucun juridiquement parlant. Mais alors que la situation de
l’après 1241 reste difficile avec la Papauté, la monarchie hongroise
joue la carte des Frères mineurs hongrois, et ceux-ci peuvent en échange
des avantages obtenus tenter d’influencer le souverain pontife en faveur de la
Hongrie, et obtenir même une reconnaissance du caractère positif
joué par celui-ci dans l’extension du christianisme romain, comme le montrent
les lettres de 1246 et 1254. Les avantages gagnés par les franciscains de
Hongrie leur permettent d’envoyer des hommes en terre mongole, de soutenir les
missions, et de se retrouver dans une position d’intermédiaire, à
l’image du provincial de Hongrie en 1278.Quant au souverain pontife, selon les
circonstances, il valorise l’action du souverain hongrois sur la foi des
Franciscains ou la remet en cause et peut poser des limites au souhaits des franciscains
de Hongrie (comme le montre l’échec de la demande de 1278). Nous sommes
confrontés à un jeu politique à trois très subtil, mais
dont le rapport de force évolue considérablement avec l’arrivée au pouvoir de
la dynastie angevine.
Les monarchie angevine en Hongrie: avancée dans les Balkans et menace
ottomane. Cette union des
Franciscains et de la monarchie est loin d’être remise en cause lorsque
la dynastie angevine est littéralement installée sur le trône hongrois par le
souverain pontife. La présence franciscaine hongroise dans les régions dominées
par la Horde d’Or continue au cours de ces années-là, comme en témoigne
la lettre de Johanca de1320. De manière assez classique, les Angevins,
justement parce qu’ils sont des souverains étrangers, récupèrent les
traditions de la monarchie hongroise, et prennent garde de ne pas les bousculer
pour ne pas créer de mécontentement, même s’ils cherchent en même
temps à renforcer la royauté au détriment des
p. 126
barons,
toujours susceptibles de s’opposer à tout renforcement du pouvoir royal.
Dans cette situation délicate, il est nécessaire pour eux de s’inscrire dans
cette stratégie de sainteté aux côtés des Franciscains hongrois, essentielle de
toute manière pour un pouvoir qui tire sa légitimité de sa soumission au
Pape, et qui possède une illustre tradition de sainteté franciscaine qui
lui est propre: une des grandes figures de la famille angevine, Saint Louis de
Toulouse, fils de Charles II de Naples, qui a préféré la pauvreté franciscaine
aux responsabilités politiques qui l’attendaient, est devenu un modèle
aristocratique de renoncement, et a été canonisé en 1317, très peu de
temps après sa mort. Il incarne à la fois la famille angevine et
la tradition franciscaine de dévotion, de pauvreté et de renoncement.
Cette image pieuse de la monarchie hongroise se retrouve dans de
nombreux ouvrages du XIVe siècle. De nombreux textes
franciscains qui glorifient l’action missionnaire de l’ordre y associent tout
naturellement la monarchie hongroise, présentée comme missionnaire par excellence,
et dont les relations parfois difficiles avec la Papauté sont oubliées. En
témoigne une des plus célèbres histoires de l’ordre, la Chronique des
vingt-quatre généraux de l’ordre, écrite vers 1380. Cette exaltation de la
monarchie hongroise se retrouve même chez un auteur franciscain du sud de
la France entaché du soupçon d’hérésie mais très prisé en son temps,
Jean de Roquetaillade. Ce dernier se fait dans ses écrits le défenseur
inflexible de la famille angevine face à sa grande rivale européenne, la
dynastie aragonaise. Dans son Liber ostentor de 1356, il présente la
vocation sainte de la famille d’Anjou: combattre l’Antéchrist sur le point de
se révéler au monde sous deux figures, d’abord celle d’un envahisseur mongol
venu de Chine, puis celle du souverain d’Aragon. Le rôle dévolu dans cette
vision à la monarchie hongroise est clair: elle ne se justifie que par
la lutte contre les Mongols. Une fois encore, ce qui légitime la place de la
monarchie hongroise dans l’équilibre de l’Occident latin de l’époque, c’est sa
fonction de contact et de rempart face aux Mongols[21].
Mais son rôle réel est bien entenduu plus complexe : Louis I
d’Anjou, qui mène au cours de son long règne (1342-1382) une
véritable politique d’expansion et de renforcement de la monarchie hongroise,
joue aussi bien du registre militaire que du registre missionnaire, l’un
servant à justifier l’autre. Cette expansion militaire se fait
essentiellement vers les Balkans, avec le plein appui du souverain pontife, ce
qui ne va pas sans provoquer également des heurts avec les souverains mongols.
C’est à l’occasion d’un de ces incidents que nous entendons parler d’un
personnage fort intéressant, qui montre comment l’action des Franciscains
auprès des souverains mongols allait bien au delà de la simple
mission.
Le personnage en question est le frrère franciscain Elie de
Hongrie. Nous le connaissons grâce à deux ambassades qu’il a menées
à Avignon en 1340 et 1342, envoyé par le khan de la Horde d’Or, Özbäg[22].
En fait, il apparaît qu’Elie joue un rôle de premier plan à la cour de
Özbäg, souverain musulman, qui mène toutefois une politique relativement
favorable aux chrétiens latins, et que son rôle est encore plus considérable
auprès du fils de celui-ci, Tanibeg, très favorable aux
Franciscains. Mais si nous prenons la lettre pontificale envoyée par le Pape
à Özbäg en 1340,
p. 127
même
si la plus grande partie est consacrée aux remerciements d’usage pour la
générosité du souverain envers les chrétiens, l’essentiel nous semble
être d’ordre politique et faire d’Elie un véritable diplomate, ce qui est
tout à fait conforme aux pratiques mongoles. C’est la fin de la lettre
qui nous semble constituer le point central de l’ambassade d’Elie: elle
mentionne un litige frontalier entre le prince mongol et les rois de Pologne et
de Hongrie, pour lequel Benoît XII propose sa médiation[23].
Nous voyons à l’occasion comment un Franciscain hongrois, frère
Elie, sert d’intermédiaire entre le souverain mongol et la Papauté pour que en
dernière instance la Papauté elle même serve d’intermédiaire avec
la Pologne et la Hongrie et leur conseille ardemment de donner satisfaction au
Khan pour éviter une nouvelle guerre. Ainsi, grâce à ce Franciscain de
la cour du Khan, Benoît XII peut tenter de prévenir une nouvelle guerre, alors
que le rapport de force semble encore balancer du côté de la Horde d’Or.
Elie apparaît ici plus comme un ambbassadeur et un intermédiaire
politique que comme un simple missionnaire, et l’importance qu’il a prise
à la cour du Khan est particulièrement significative à cette
date là, où les choses bougent à la cour des souverains de
la Horde d’Or, même si comme souvent il est difficile d’y voir clair
faute de documents. La lettre du Pape nous parle d’un complot qui aurait essayé
de faire périr Özbäg en mettant le feu à son palais, et de musulmans qui
auraient voulu en attribuer la responsabilité aux chrétiens pour déclencher une
action contre eux. Lorsqu’ Özbäg meurt en 1340, c’est son fils Tanibeg qui
monte sur le trône, dont le christianisme semble pour une fois certain, et dont
Elie apparaît comme un mentor. Cependant il meurt assassiné pendant qu’Elie est
absent, envoyé à Avignon pour la seconde fois. Avec l’arrivée au pouvoir
du nouveau souverain Djanibeg, qui se montre un musulman beaucoup plus
défavorable aux chrétiens que son père, les espoirs de basculement du
royaume qui semblaient réels sous Tanibeg et qui ont probablement suscité cette
réaction musulmane, sont réduits à néant. C’est ce même souverain
qui est responsable de l’attaque contre Caffa en 1343, puis d’une nouvelle
guerre en 1345 contre la Hongrie et la Pologne qui s’achève par la
défaite des Mongols en Transylvanie[24],
et permet à la fois au royaume de Hongrie d’étendre son influence vers
l’Est et aux principautés roumaines de s’affirmer à l’occasion de l’affaiblissement
mongol. La Hongrie est encore une fois la terre d’origine d’un missionnaires,
sauf qu’ici il s’agit d’un personnage politique central pris dans une époque de
bouleversement des rapports de force, à un moment où les jeux ne sont
pas encore faits, où les évènements auraient pu prendre une toute
autre tournure, dans laquelle son action aurait pu être déterminante.
Pour arriver à une telle position à la cour d’Özbeg, il est
raisonnable de penser qu’Elie avait d’emblée des relations politiques et
diplomatiques, notamment avec son pays d’origine, qui ont pu le rendre apprécié
par les souverains mongols. De fait son ambassade concerne les relations entre
la Hongrie et la Horde d’Or bien plus que la simple situation des chrétiens
latins à la cour du Khan. Mais en même temps son action se fait
bien au service de la Papauté, à laquelle seule il rend des comptes, et
qui
p. 128
s’impose
grâce à lui comme le véritable médiateur entre les monarchies hongroises
et polonaises d’un côté et la Horde d’Or de l’autre.
L’affaiblissement de la Horde d’or,, confirmé par la période d’anarchie
dans laquelle entre cette région après 1359, permet à la
monarchie hongroise d’étendre son action au-delà de ses
frontières de manière beaucoup plus directe, tandis que les
souverains moldaves et valaques prennent leur autonomie dans une région
où le pouvoir mongol avait du mal se maintenir. A l’action de la
Hongrie, qui comme la Pologne cherche à imposer sa domination à
ces principautés, s’ajoute l’action des missionnaires franciscains, qui
renforcent leur présence sur ce terrain avec une nouvelle vigueur, et qui
mènent une politique de grande envergue dans toutes les directions,
soutenue par la monarchie hongroise, avec l’appui du souverain pontife. La
Papauté l’inscrit dans le même cadre juridique que le reste des missions
avec la bulle du 28 juillet 1369, destinée aux missionnaires franciscains qui
partent en Valachie, Bosnie et Serbie, auxquels elle attribue de nouveau des
privilèges comparables à ceux des missionnaires partant pour les
pays mongols ou musulmans. Urbain inscrit très explicitement cette
action dans la continuité des politiques menées par les souverains pontifes, et
notamment par Jean XXII au début du XIVe siècle[25].
Au même moment, Louis I étend son pouvoir en Serbie et Bosnie, où
les Franciscains ont installé une vicairie qui reste matériellement très
dépendante de la Hongrie[26].
Le soutien des barons hongrois et des compagnons de guerre de Louis se voit
d’ailleurs directement par ce privilège accordé à un baron
hongrois qui se bat aux côtés de Louis pour qu’il puisse fonder un couvent
franciscain aux frontières du royaume de Hongrie avec les régions
schismatiques de Serbie[27].
Il semble bien qu’en fait, la vicairie de Bosnie ait aussi pour objectif de
servir de base à l’action franciscaine dans la principauté valaque[28].
C’est à cette occasion qu’un missionnaire
venu de Split, Antoine de Spoleto, fait oeuvre de mission en Valachie, apprend
la langue locale, et par ses prêches obtient de si nombreuses conversions
qu’il demande la création d’une province ecclésiastique. Mais face à
cette initiative non contrôlée, c’est à l’évêque d’Esztergom et
à Louis I que le Pape Grégoire IX demande d’assurer le contrôle de cette
initiative. L’action missionnaire du roi de Hongrie est louée par le souverain
pontife à plusieurs reprises, et l’extension militaire de ce dernier
dans les Balkans se fait doublée et justifiée par l’action des missionnaires
franciscains dont il est le principal soutien. L’activité des Franciscains
hongrois profite de l’affaiblissement mongol pour s’asseoir de manière
beaucoup plus forte grâce au soutien armé de la monarchie hongroise. Le rapport
de force a évolué en l’espace d’un siècle. L’intervention directe de la
monarchie hongroise dans les missions franciscaines et son influence sur les
régions gagnées par ces missions se voit nettement mieux: Grégoire IX donne
même à Louis I et à son Eglise la capacité de se poser en
arbitres et influer directement sur les nouvelles structures religieuses.
p. 129
Toutefois la Hongrie n’est pas la seule monarchie
à aider les Franciscains dans la région. Dans le dernier quart du XIVe
siècle, l’espace moldave prend de plus en plus d’importance pour les
échanges commerciaux, et la Pologne cherche également à le dominer.
C’est donc sans surprise que nous voyons se déployer en Moldavie une activité
franciscaine qui part de Pologne. Les Franciscains obtiennent ainsi la
constitution d’un évêché à Siret, dont le premier évêque en
titre est André de Cracovie, qui continue probablement à exercer ses fonctions
depuis la Pologne. L’action de la mission franciscaine dans la région utilise
donc deux réseaux et deux royaumes, le réseau hongrois qui s’appuie sur une
organisation avancée en Bosnie pour gagner la Valachie, et le royaume de
Pologne, qui soutient la vicairie franciscaine de Russie, mentionnée dès
1343[29],
qui comprend Siret, la Moldavie et les couvents des bouches du Danube, passés
de la vicairie de Tartarie aquilonaire à celle de Russie: la Pologne a
ainsi réussi à s’immiscer dans la route vers la Crimée. En outre la
Papauté prend elle aussi part aux événements, à la fois en confirmant
les résultats obtenus, en confiant des responsabilités et en limitant parfois
le champ d’action des missionnaires. La Papauté veut toujours éviter une mainmise
hongroise sur cette région et, tout en encourageant la Hongrie, mène une
politique de contrepoids. La constitution de l’évêché de Siret, détaché
de l’évêché de Halicz, est aussi due à une volonté de
rééquilibrage: c’est Louis d’Anjou qui domine alors Halicz et veut rattacher
cette province au royaume hongrois, projet évidement contrarié par la création
d’un évêché distinct lié à la Pologne. On comprend mieux aussi les
motivations qui ont poussé Lacko à passer sous la protection du Saint-Siège:
c’était un moyen de se choisir un protecteur pour tempérer les ambitions
hongroises[30].
De son côté, Louis I ne s’est pas fait prier pour ne pas donner de suite
à l’action d’Antoine de Spalato mentionnée plus haut, et dont le
résultat logique en cas de succès aurait été la nomination d’un
évêque pour les Valaques, qui risquait à terme de devenir
indépendant des Hongrois.
Cependant, la Papauté garde une vission globale de sa politique, et
n’abandonne pas l’Eglise latine de Chine. Malgré l’instabilité croissante de la
Horde d’Or et de l’Asie centrale, le souverain pontife lance de nouvelles
missions vers Khanbaliq, à l’image de celle de 1370, qui prennent de
nouveau la route continentale, et ses finances en prélevant sur leur route les
aumônes des églises et couvents qu’elles rencontrent sur leur chemin depuis
Constantinople jusqu’en Asie centrale, en passant par Caffa, Soldaïa et
Saraï[31]. Grâce
à la bulle pontificale qui l’y autorise, il est possible de voir
concrètement comment se finance une mission, comment les Franciscains
obtiennent les subsides nécessaires à leurs dépenses et de constater que
ce n’est pas en obtenant une somme directement déboursée à Rome ou
Avignon que les missions sont financées, mais que c’est le réseau
ecclésiastique de l’Eglise latine hors des régions latines qui est mis à
disposition. Nous voyons ici un cas d’utilisation financière d’un réseau
ecclésial autour de la mer Noire, qui n’est pas sans analogie avec le réseau
marchand et les lettres de change, et dont le but est de favoriser la pénétration
en Chine, alors même que les liens ont été rompus.
p. 130
C’est dans ce contexte de relance ddes mission qu’en 1369 le Pape ordonne
à la comtesse de Serbie de racheter son vœu de croisade pour
financer une mission franciscaine partant pour les régions “tartares”, et de livrer
une somme d’argent à un Franciscain de passage ou de la faire transiter
jusqu’à Venise pour qu’elle soit disponible au plus vite pour les
Franciscains qui se préparent à partir[32].
Par cette lettre, la Papauté met à contribution un espace frontalier de
la latinité, où son action ne cesse de progresser grâce à
l’action de la monarchie hongroise de concert avec les missions franciscaines,
et fait rebondir les missions vers la mer Noire et l’Asie. Les espaces
frontaliers où l’implantation franciscaine est plus forte, les Balkans,
Constantinople, la Crimée doivent servir de soutien financier et matériel pour
relancer les expéditions vers l’étranger lointain et renouer les liens entre
l’Occident latin et l’Extrême-Orient. Ainsi l’activité franciscaine dans
les Balkans n’est pas seulement locale, mais, combinée à la politique
d’expansion régionale de Louis I, elle renforce les positions chrétiennes
latines dans les Balkans, permet de soutenir les missions en “Tartarie” et de
construire de nouveaux réseaux vers l’Extrême-Orient. Si la grande peste
et le conflit de 1343 ont sérieusement perturbé les liens entre l’Occident
latin et l’Asie et remis en cause le rôle de carrefour de la mer Noire, cela ne
signifie pas que toutes les relations se soient interrompues, et que l’histoire
de cet espace redevienne immédiatement une simple question régionale: l’élan
missionnaire n’est pas refroidi par la crise du milieu du XIVe
siècle. Nous retrouvons en fait de nouveau nos trois acteurs, la
Papauté, la monarchie hongroise et les Franciscains. L’avancée hongroise dans
les Balkans et auprès des principautés roumaines est justifiée
auprès du Pape par l’action des Franciscains, qui en ressortent
très renforcés. La densification de la présence franciscaine dans cet
espace est un point d’affrontement entre les monarchies polonaises et
hongroises pour contrôler la nouvelle route de la mer Noire. De plus, la
Papauté voit encore plus loin et continue de penser à la construction
d’un réseau de financement pour des missions plus lointaines, vers
l’Extrême-Orient, qui utilise les nouveaux points acquis grâce à
l’expansion hongroise dans les Balkans et aux marges occidentales de la Horde
d’Or.
A la fin du XIVe si&egraave;cle et plus encore au XVe
siècle, ce bel édifice se rompt et les missions vers l’Asie mongole
deviennent très difficiles à cause de l’avancée ottomane qui
coupe la route vers l’Asie et finit par avoir raison de la Hongrie
elle-même. Dès lors, la mobilisation contre les Ottomans ne doit
pas être vue simplement dans une perspective proche-orientale, comme une
mobilisation face à la puissance musulmane émergente du moment. Il
s’agit aussi d’une défense pour les Balkans, dont le monde latin cherche
à garder le contrôle tout comme il cherche à maintenir la route
de la mer Noire. Cependant, la Papauté ne perd pas tout espoir de sauver
l’organisation missionnaire. Le 14 janvier 1433, une bulle qui rappelle la
faveur dont disposait auprès de Jean XXII l’action missionnaire des Frères
mineurs dans les Balkans confie aux Frères mineurs de la vicairie de
Bosnie le soin de s’occuper des Eglise de Serbie, Bulgarie et de Valachie[33].
Ce privilège est par la suite étendu: en 1439, l’évêque de
Zewerien (Schwerin, en Allemagne) et les Frères mineurs de Bosnie se
voient confier le soin de la Moldavie, puis les régions confiées aux soins de
la province de Bosnie finissent par comprendre en 1445 la
p. 131
Transylvanie
et les régions scythes, c’est-à-dire le nord de la mer Noire
jusqu’à Caffa[34].
Entre temps, une nouvelle mission destinée à la Moldavie et aux “partes
Scythiae” est organisée en 1442, conduite par le Franciscain Denis de
Wylak, accompagné de nombreux frères[35].
La lecture de ces bulles est double: elle montre à la fois une
désorganisation du réseau ecclésiastique de ces régions et un souci constant
pour elles de la part de la Papauté, avec la mise en place ad hoc d’une
nouvelle structure franciscaine qui repose sur des points géographiques
sûrs, à partir desquels on conçoit une politique de soutien aux
régions en difficulté.
L’époque voit également une relancee de l’idée de croisade pour faire
face à l’avancée ottomane. Cependant, de manière significative,
la mobilisation des Latins ne se fait pas à temps pour sauver
Constantinople, mais pour sauver Belgrade en 1248, et à travers elle la
route vers la Hongrie. Cette fois-ci il ne s’agit plus d’attendre que la
Hongrie soit attaquée pour défendre le reste de la latinité comme en 1241, mais
de prendre les devants pour sauver les Balkans eux-mêmes et à
travers eux ces routes vers la mer Noire et cette Asie que les Latins ont
découvertes à l’occasion de l’arrivée des Mongols. C’est là
l’occasion de la dernière grande association entre la Hongrie et les
Franciscains, qui ne cessent de plaider à Rome la cause de la croisade:
ainsi, c’est grâce aux capacités militaires de Jean Hunyadi et à la
capacité de prêche et de mobilisation de l’un des saints issu des rangs
de l’ordre, Jean de Capistran, au centre de tout un réseau de mobilisation
à la cour du souverain pontife[36]
que Belgrade est sauvée en 1456, offrant un répit à la monarchie
hongroise. Cependant, déjà à cette époque, les Franciscains de la
péninsule Ibérique se nourrissent de l’exemple fourni par leurs prédécesseurs
et des connaissances acquises par les missionnaires franciscains des XIIIe
et XIVe siècles et contribuent à accroître
l’engouement pour les explorations, auxquelles ils participent, et notamment
celles d’un Christophe Colomb. Avec le succès de ces explorations,
l’intérêt de l’Occident latin se détourne de la mer Noire et de l’Asie
centrale, pour se tourner vers l’Amérique et une Asie gagnée par la mer. De
plus, dès 1475 la ville de Caffa ne peut être sauvée, malgré la
mobilisation des Franciscains qui prêchent la croisade: elle tombe aux
mains des Ottomans. Après cinquante ans d’anarchie, la Horde d’Or se
scinde définitivement en 1502 en plusieurs khanats rivaux pris entre l’empire
ottoman et la puissance russe émergente. Le rôle stratégique de la Hongrie dès
lors n’existe plus, et il n’y aura plus en 1526 de nouvelle mobilisation pour
sauver la monarchie hongroise, à l’image de celle organisée
naguère par Jean de Capistran. Lorsque l’intérêt pour la Hongrie,
les Balkans et la plaine danubienne devient purement régional, qu’il n’est plus
relié à l’Asie et aux routes de la Chine, cette région ne tarde pas
à cesser de compter pour les Occidentaux et à tomber aux mains
des Ottomans. La monarchie hongroise ne survit pas longtemps à la Horde
d’Or et à cette Asie mongole qui avait permis à l’Occident latin
et à la Chine de communiquer. Les Franciscains jouent en revanche un
rôle crucial dans la conversion au christianisme romain des Philippines ou de
l’Amérique, associés cette fois aux empires espagnols et portugais, grâce
auxquels ils peuvent retrouver l’Extrême-Orient.
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e ricerca umanistica 5 (2003), edited by ªerban Marin, Rudolf Dinu, Ion
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[1]
Georges I. Brãtianu, La Mer
Noire. Des origines à la conquête ottomane, Munich, 1969;
Michel Balard, La Romanie
Génoise (XIIe-début du XVe), 2 vol.,
Paris-Gênes, 1978.
[2]
Pour la création de l’évêché de Caffa et les évêchés d’Asie
centrale au début du XIVe siècle, voir Giorgio Fedalto, La Chiesa latina in Oriente,
vol. 1, Vérone, 1973-1978; Jean Richard,
La Papauté et les missions d’Orient (XIIIe-XVe
siècles) (2e édition), Rome, 1998: 156-166.
[3]
Ibidem: 169-180.
[4]
Lodovico Pellegrini nous rappelle qu’en Chine “si trattava di una presenza
di carattere certamente ‘missionario’, ma che di fatto finiva col risolversi in
un’opera di assistenza ai gruppi di cattolici, che, provenendo dall’Occidente
per ragioni di commercio, si erano stanziati più o meno temporaneamente
nei centri di snodo del traffico mercantile verso l’Oriente”, Cfr. Lodovico
Pellegrini, “I quadri e i tempi
dell’espansione dell’Ordine”, Francesco d’Assisi e il primo secolo de storia
francescana, Turin: 165-201, 196.
[5]
Denis Sinor, History of
Hungary, Londres, 1959: 58.
[6]
Par la décision de l’archevêque d’Esztergom, confirmée en 1228 par
Grégoire IX. Sur ces missions dominicaines en terre comane, voir Richard, op. cit.: 21-26. Sur ce
sujet des missions comanes et les rapports entre Dominicains et monarchie
hongroise au XIIIe siècle, on consultera également ªerban Turcuº, Sfântul Scaun ºi românii în
secolul al XIII-lea, Bucarest, 2001: 158-170, 284-302, et sur le
problème des liens entre la monarchie hongroise et le Saint-Siège
voir Ibidem: 83-132.
[7]
Matthieu Paris, Chronica majora (édition rédigée par Henry
Richard Luard), vol. VI: 75.
[8]
Richard, “L’Extrême Orient
légendaire au Moyen-Âge: Roi David et Prêtre Jean”, Annales d’Ethiopie
II (1957): 225-242, réimprimé dans Orient et Occident au Moyen-Âge: contacts
et relations (XIIe-XVe siècles), Londres,
1976: 225-242. Gian Andri Bezzola,
Die Mongolen in Abendländischer Sicht (1220-1270). Ein Beitrag zur Frage der
Völkerbegegnungen, Berne-Munich, 1974: chapitre 1 et 13-18.
[9]
Sinor, “Les relations entre les
Mongols et l’Europe jusqu’à la mort d’Arghoun et de Bela IV”, Cahiers
d’histoire mondiale 3 (1956): 39-62, 40.
[10]
Richard, “A propos de la mission de
Baudoin de Hainaut: l’empire latin de Constantinople et les Mongols”, Journal
des Savants 1992: 115-123.
[11]
Sinor, “Un voyageur du XIIIe
siècle: le Dominicain Julien de Hongrie”, Bulletin of the School of
Oriental and Asiatic Studies 14 (1952): 589-602.
[12]
Sur Rubrouck et les Valaques, voir Paul Pelliot,
Œuvres posthumes, II: Notes sur l’histoire de la Horde d’Or
(édition rédigé par Louis Hambis),
Paris, 1949: 144-159. Le passage sur les Valaques se trouve dans Guillaume de Rubrouck,
“Itinerarium”, Sinica franciscana, vol. I, Itinera et relationes
fratrum Minorum saeculi XIII et XIV, Quaracchi-Florence, 1929: chapitre
XXI, 219-220.
[13]
Pour l’ensemble de ces lettres, voir Pontificia commissio ad redigendum
codicem juris canonici orientalis, series III, vol. IV/1, Acta
Innocentii IV (1ère partie) (édition rédigée par T. Halušèynsckyi et M. M. Wojnar), Rome, 1960-1966: doc. 57-59
(28 janvier 1248), 108-110.
[14]
Registres et Lettres des Papes du XIIIe siècle
(Bibliothèques des écoles françaises d’Athènes et de Rome, series
2), Innocent IV (édition rédigée par Elie Berger), vol. I, Paris: doc. 2954 (30 janvier 1247), doc.
2957 (4 février 1247).
[15]
Pontificia commissio, cit., series III, vol. IV/1: doc. 112, 191, pour
la lettre à Innocent IV, et Augustin Theiner,
Vetera monumenta historica Hungariam sacram illustrantiam, vol. I, Rome,
1859-1860: doc. 340, 230-232, qui contient les deux lettres.
[16]
Erik Fügedi, “La formation des
villes et les ordres mendiants en Hongrie”, Annales: Economies, Sociétés,
Civilisations 25 (1970): 971.
[17]
Turcuº, op. cit.: 166-167.
[18]
Nous connaissons cette demande par la réponse donnée par Nicolas III, qui
charge Philippe de Fermo d’examiner cette question, lettre du 7 octobre 1278,
voir Pontificia commissio, cit., series III, vol. V: doc. 27, 59-60. La
lettre reproduite dans la note 28, de la même date, est destinée au
provincial de Hongrie et renouvelle des privilèges pour les
missionnaires.
[19]
M. Bihl, A. C. Moule, “De duabus epistolis Fratrum Minorum
Tartariae Aquilonaris” (édition rédigée par Arthur Christopher), Archivum franciscanum historicum 16
(1923): 89-112, 109.
[20]
Bihl, Moule, “Tria nova documenta de missionibus Fratrum Minorum
Tartariae Aquilonaris”, Archivum franciscanum historicum 17 (1924):
55-71.
[21]
Felicitas Schmieder, Europa
und dir Fremden. Die Mongolen im Urteil des Abendlandes vom 13. bis in das 15.
Jhdt., Sigmaringen, 1994: 278.
[22]
Girolamo Golubovich, Biblioteca
bio-bibliographica della Terra Santa e dell’Oriente francescano, vol. IV,
Quaracchi, 1913: 226-236; le texte de la lettre que nous donnons se trouve aux
pages 227 et 228.
[23]
“Et insuper, cum, sicut intelleximus, inter tuos et carissimorum in Christo
filiorum nostrorum Hungariae et Poloniae regum officiales et subditos in confiniis
imperi tui et regnorum regum praedictorum quandoque suscitari contigat
dissensiones et guerras, ex quibus strages hominum, lapsus rerum et animarum
amarius deploranda pericula subsequntur si reges praedicti inferrent tibi vel
iniurias indebitas vel offensas et id nobis duxeris intimandum, haec per reges
ipsos precabimur facere, quantum cum Deo poterimus, tibi et tuis rationabiliter
emendari”.
[24]
Balard, op. cit.: 154 et
Bertold Spuler, Die Goldene
Horde. Die Mongolen in Russland 1223-1502, Wiesbaden, 1955: 103-105; sur le
rôle d’Elie à la cour mongole, Ibidem: 239.
[25]
Pontificia commissio, cit., series III, vol. VII/2, Acta Urbani V
(édition rédigée par Aloysius Tãutu),
Rome, 1952: doc. 159 (28 juillet 1369), 262.
[26]
Une bulle donnée par Theiner, op.
cit., vol. 1: 13 décembre 1369, donne aux Frères mineurs de Bosnie
l’autorisation “ut extram provinciam suam possint mendicare” étant
données leurs grandes difficultés matérielles, et mentionne la Hongrie.
[27]
Pontificia commissio, cit., series III, vol. XII, Acta Gregorii XI
(édition rédigée par Tãutu),
Rome, 1966: doc. 45 (11 septembre 1372), 89-90.
[28]
Viorel Achim, “Ordinul franciscan
în Þãrile Române în secolele XIV-XV. Aspecte teritoriale”, Revista istoricã
7 (1996), 5-6: 401.
[29]
Mentionnée dans le catalogue des couvents franciscains qui accompagne l’Historiae
satyricae de Paulin de Venise, et publiée par Conrad Eubel, Provinciale Ordinis Fratrum
Minorum Vestustissumum secundum Codicem Vaticanum, Quaracchi-Florence,
1892.
[30]
Achim, op. cit.: 408.
[31]
Conrad Eubel, Bullarium
franciscanum, vol. VI, Rome: doc. 1083 et Golubovich,
op. cit., vol. V: 147.
[32]
Lettre du 14 décembre 1369 dans Pontificia commissio, cit., series III,
vol. XI, Acta Urbani V (édition rédigée par Tãutu), Rome, 1964: doc. 175, 298-299.
[33]
Ulrich Hünteman, Bullarium
franciscanum, nouvelle série, vol. I, (1431-1455),
Quaracchi-Florence, 1929: doc. 109 (30 septembre 1433), 56-59.
[34]
Ibidem: doc. 1814 (15 septembre 1439), 597 et doc. 868 (29 janvier
1445), 416.
[35]
Ibidem: doc. 1818 (1 juillet 1442), 899-900.
[36]
Keneth M. Setton, The Papacy and the Levant (1204-1517),
vol. II, Philadelphie, 1976: 164.