« Il semble que, si les Anciens ont
représenté Némésis
comme fille de la Nuit, ce n’est pas
tant pour l’épouvante
qu’elle inspirait qu’à cause de son
origine mystérieuse. »
« Le concept
philosophique de Némésis était vénéré à Rhamnonte où le commandant en chef des
Perses qui avait l’intention d’édifier un trophée en marbre blanc pour célébrer
sa conquête de l’Attique avait été obligé de se retirer à la suite de la
nouvelle d’une défaite navale à Salamine ; le marbre fut employé pour une
statue de la déesse-Nymphe Némésis. On suppose que c’est à cause de cet
incident que Némésis en vint à personnifier la “vengeance divine” et non plus
le “juste décret” du drame annuel de la mort ; pour Homère, en tout cas,
némésis était simplement un sentiment humain d’honnêteté qui poussait à régler
une dette loyalement ou à accomplir son devoir comme il convenait. »
« Il faut en toute chose considérer la
fin, car à bien des hommes le ciel a montré le bonheur, pour ensuite les
anéantir tout entiers. »
« L’idée de justice vengeresse, qui avait
trouvé une formulation sans équivoque avec le célèbre propos d’Anaximandre
selon lequel “les êtres sont châtiés et expient, au temps fixé d’avance, leur
réciproque injustice”, se fondait sur l’idée que l’excès doit pour finir
s’effondrer, et que l’existence serait elle-même excès si elle ne comportait ce
juste retournement. Mais parmi tout ce qui peuple le monde sublunaire, il
n’existe assurément aucun excès aussi évident et aussi repoussant que
l’existence du Pouvoir. »
Le site Internet des Amis de Némésis se consacre à la critique de
la domination de la vie par l’économie capitaliste-marchande, et à l’examen des
formes politiques opposées à cette domination ; il sera constitué de 3
rubriques alimentées au fur et à mesure de leur progression:
1. des essais assez courts, ne dépassant pas quelques pages,
intégralement publiés sur le site,
2. de brefs comptes-rendus de parutions faites par des tiers, jugées
d’un intérêt exceptionnel, en guise de recommandations de lecture,
3. d’une tribune constituée d’extraits de correspondances échangées
par courrier ou par e-mail relativement à l’ensemble de ce site, à son utilité,
aux points de vue qui s’y trouvent soutenus, mais aussi à d’autres publications
actuelles, ou à des événements jugés majeurs.
Le lecteur constatera que certains textes, parmi ceux qui suivent,
accordent une place importante à des époques et à des pratiques révolues, et,
en particulier, à l’Antiquité grecque ; comme le fait déjà notre
dénomination même. Ce lecteur pourrait en tirer le sentiment que de tels sujets
et de telles références manquent de fraîcheur. Mais nous lui abandonnons bien
volontiers une conception aussi hâtive de cette qualité.
En effet, si la pensée officielle de notre époque ne souffrait que
d’un seul travers (on voudra bien nous pardonner cette hypothèse absurde), ce
serait bien de se montrer à ce point incapable de s’extraire, ne fût-ce que
quelques instants, et sur quelque sujet que ce soit, du monologue redondant,
stérile et intéressé de la modernité se ressassant elle-même, dans ses propres
termes ; et tout le monde sait que cette incapacité s’avère parfaitement
intentionnelle, au point même d’exiger l’adaptation à la rapide succession
d’aggiornamentos de la novlangue en vigueur. L’organisation présente de la
servitude ne pourrait se passer même brièvement du soutien que lui apportent
son propre idiome, et l’illusion de son « actualité ».
Voilà donc ce qu’il faut à tout prix éviter soi-même, si l’on veut
donner à la vérité la plus petite chance de frapper à notre porte ; et si,
précisément, l’on veut apporter quelque fraîcheur à la perspective adoptée.
Ces détours historiques seraient néanmoins faciles à éviter, s’il
existait déjà un mouvement social de remise en cause de l’ordre établi, ayant
trouvé son propre langage ; mais rien de tel ne se présente, et le
mouvement de contestation de la fameuse « globalisation » en reste
très éloigné, sans cesse menacé d’être corps et biens privatisé par la canaille
universitaire et réformiste qui foisonne au sein des « O.N.G. » du
genre « Attac », et que nos redoutables critiques de l’ordre établi
tolèrent, quand ils ne l’acclament pas carrément comme leurs meneurs.
Faute donc de pouvoir nous référer à un mouvement pratique qui
jetterait sa propre lumière sur les misères accumulées par notre époque, il
nous paraît inévitable de recourir parfois au passé, pour y trouver cette
altérité dont nous pensons qu’elle est absolument indispensable à un regard
dégrisé sur le monde. Il nous appartient également, pour autant, de ne pas
succomber à une quelconque idéalisation du passé, et de ne jamais voir en lui
une recette reproductible.
Enfin, nous savons fort bien que les
« révolutionnaires » trouveront ce site trop « culturel »,
et que les « culturels » le trouveront trop
« révolutionnaire ». On ne peut pas plaire à tout le monde. Mais, et
c’est une consolation, on peut quand même déplaire à beaucoup.
1er mai 2001
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