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De
l'Animus et de l'Anima |
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par
Thérèse-Isabelle
Saulnier
Jung est surtout connu pour deux de ses principales découvertes:
les notions d'animus et d'anima, et l'existence d'un inconscient
collectif ayant ses propres symboles, que Jung a appelé des
archétypes; ces symboles collectifs sont communs à
différentes cultures, universels, pour mieux dire, et viennent
de l'expérience archaïque que nos lointains ancêtres
préhistoriques ont faite de certaines réalités
fondamentales.
Parmi ces archétypes se trouvent celui de l'Animus et celui de
l'Anima en tant que symboles universels de l'homme et de la femme.
Toutefois, ne nous compliquons pas trop la vie avec les
archétypes et traitons autrement de ces notions, de façon
plus simple, en les considérant d'abord et avant tout pour ce
qu'elles sont, c'est-à-dire comme des réalités
psychologiques, car en fait, c'est bien cela que Jung a
découvert et nommé "animus" et "anima": des
réalités psychologiques qui sont, la plupart du temps,
tout à fait inconscientes chez la majorité des gens.
Pour désigner ces réalités psychologiques
inconscientes encore inconnues jusqu'alors, Jung s'est servi du mot
latin "anima", qui signifie âme. Pour les besoins de la cause, il
lui a trouvé un complément masculin, "animus", mot qui
n'existe pas dans la langue latine, mais où tous les mots
féminins se terminent par "-a" et tous les mots masculins par
"-us". Le mot "animus" était donc facilement trouvé pour
désigner le pôle masculin.
Pour rendre conscientes ces réalités psychologiques, il
faut y réfléchir et j'expliquerai, plus loin, comment y
parvenir. Cependant, avant d'en arriver là, voyons ce que Jung
entendait par ces termes. Ils ont chacun deux sens, que voici.
Premier
sens de l'Animus et de l'Anima
L'Anima désigne l'image inconsciente de la femme et des femmes
en général que tout homme porte en lui; l'Animus
désigne l'image inconsciente de l'homme et des hommes en
général que toute femme porte en elle.
Cette image inconsciente de l'autre sexe et de son propre sexe est
fondamentale. Nous avons en effet une certaine manière de
percevoir ce qu'est un homme ou une femme - donc, aussi, de nous
percevoir en tant qu'homme ou en tant que femme -, mais cette
perception est inconsciente, donc à mettre à jour
à un moment ou à un autre, d'autant plus qu'elle peut
jouer dans notre dos, être projetée sur quelqu'un, nous
faire tomber dans le piège du coup de foudre sans lendemain,
avec toutes les conséquences qui en découlent; elle a
aussi des conséquences sur l'acceptation de nous-même, car
"l'idéal féminin" ou "l'idéal masculin", tel que
défini à une époque donnée, ne peut faire
autrement que d'influencer la manière dont nous nous percevons
et le degré d'acceptation et d'aisance personnelle que nous
éprouvons face aux stéréotypes homme-femme
véhiculés dans notre société.
Si nous réfléchissons le moindrement sur le type d'hommes
et de femmes que nous aimons, admirons, qui nous attirent
énormément, qui nous séduisent
irrésistiblement ou que nous trouvons tout bonnement fort
sympathiques, nous ne serons alors pas loin de cerner la nature de
cette image inconsciente qui est en nous. (L'Animus-a au sens 1). Pour
ce faire, il suffit tout simplement de se demander: "Quel type d'homme
m'attire? Quel type de femme m'attire?" Visionnez ces hommes et femmes,
autour de vous ou dans le milieu artistique, littéraire et
cinématographique, repérez ceux et celles que vous aimez
le plus et vous cernerez, du coup, la composition de votre Animus ou de
votre Anima. Le type "Tina Turner" n'a rien à voir avec le type
"Gréta Garbo", cela coule de source! Le type "James Bond"
(surtout incarné par Sean Connery) n'a aucun lien
d'affinité avec un "Forrest Gump"! Et ainsi de suite.
Pour mieux cerner encore la nature de votre Animus ou de votre Anima
(au sens 1, toujours), vous pouvez aussi faire l'effort d'identifier
les types d'hommes ou de femmes qui vous déplaisent, que vous
n'aimez vraiment pas, voire que vous détestez; il est
assuré, alors, que ces types ne font pas partie de la
composition de votre Animus ou de votre Anima! Une autre manière
d'y parvenir, c'est, si votre "tableau de chasse" amoureux (j'entends
tous vos amours jusqu'à l'homme ou la femme de votre vie
actuelle) est suffisamment étendu, d'examiner chacun d'eux et
d'identifier le type psychologique - et même physique - de chaque
personne aimée et vous verrez alors assez vite qui, quel type,
vous attire, et vous saurez, du même coup, encore une fois, la
composition de votre Animus ou de votre Anima. (Toujours en ce premier
sens de représentation inconsciente de l'homme ou de la femme.)
Deuxième
sens de l'Animus et de l'Anima
Dans un deuxième sens, assez différent celui-là,
l'Anima désigne aussi, à un autre niveau ou sous un autre
aspect, le pôle sexuel féminin, chez l'homme, pôle
qui a été bien souvent refoulé par
l'éducation. ("Un homme, ça ne pleure pas", etc.). Tout
homme porte en lui une certaine "féminité", entendez des
caractéristiques traditionnellement et culturellement
attribuées aux femmes. Son Anima est composée de ces
caractéristiques et Jung les a souvent limitées aux deux
suivantes: la sensibilité et l'émotivité. (Les
femmes sont effectivement essentiellement sensibles et émotives,
c'est bien connu!)
;-)
L'Animus, quant à lui, désigne, en son deuxième
sens, le pôle sexuel masculin, chez la femme, pôle qui a
été bien souvent refoulé par l'éducation.
("Tom boy! Garçon manqué! Si tu continues, il n'y a pas
un garçon qui va vouloir de toi!", etc.) Toute femme porte en
elle une certaine "masculinité", entendez des
caractéristiques traditionnellement et culturellement
attribuées aux hommes. Son Animus est composé de ces
caractéristiques et Jung y voyait essentiellement la
rationalité, l'intellectualité, la
créativité, l'indépendance et l'autonomie. (Les
hommes sont effectivement essentiellement rationnels, intellectuels,
créateurs et indépendants, cela aussi est bien connu!)
;-)
Les
conséquences d'une anima ou d'un animus (au sens 2) mal
intégré ou mal contrôlé
Un homme dominé par son Anima, c'est-à-dire
contrôlant mal sa sensibilité/émotivité,
peut manifester les signes suivants:
- d'humeur instable et changeante, capriciieuse;
- se montre du genre "soupe au lait", se vvexant facilement;
- réagit par une attitude de d&eacuute;pit ("Pfff!", et rien de
plus);
- cache sa grande sensibilité sous des airs durs, hyper-virils;
- irritable, brutal, vindicatif, mais pleuure pour un rien;
- volontiers tyrannique envers sa femme ett ses enfants;
- est très méfiant;
- recherche les femmes "faciles";
- roule facilement les autres de peur de sse faire rouler.
Une femme dominée par son Animus, c'est-à-dire
contrôlant mal sa rationalité/intellectualité et/ou
sa créativité et son autonomie, peut manifester les
signes suivants:
a) lorsque c'est son intellectualité qui fait problème:
- femme apparemment froide, dure, agressivve;
- têtue, obstinée, autoritairre, dogmatique, elle
émet des avis tranchés, sans nuances, qu'elle a lus ou
entendus quelque part, sans pouvoir argumenter;
- impitoyable, hargneuse, agitée.
b) lorsque c'est sa créativité et son autonomie qui fait
problème:
- femme qui ne réussit pas à; réaliser ses projets,
qui stagne;
- créativité qui n'arrive paas à se manifester.
Note: Dans ma page sur Jung, je me suis
étendue assez longuement sur un rêve
interprété par Étienne Perrot. Or, si ce
rêve est un "rêve d'Animus", eh! bien, c'est au sens b!
L'animus
et l'anima dans les rêves
(Source: Pierre Daco, "L'interprétation des rêves", ch 7
et 8)
Les jungiens nous disent que l'Animus non intégré, chez
la femme (donc négatif), se présente dans les rêves
sous la forme de groupes d'hommes menaçants: bandits qui
attaquent en groupe, bande de hors-la-loi, hommes qui poursuivent,
gitans, groupes de voyageurs menaçants, vampires, tueurs,
agresseurs, pirates, corsaires, dictateurs. L'Animus bien
intégré (donc positif) se manifeste à travers un
personnage masculin comme un aristocrate, un gentleman, un chevalier,
un cosmonaute, un chef d'État, un acteur de cinéma
intelligent et bon.
Chez l'homme, l'Anima négative se présente oniriquement
sous la forme d'une femme inconnue du rêveur: une
prostituée, une ivrognesse, une femme échevelée,
une sorcière, une gitane, une femme à cape noire, aux
cheveux noirs, une chanteuse de cabaret, une strip-teaseuse, une statue
(= anima figée)... L'Anima positive, quant à elle, se
présente généralement sous la forme d'une belle
jeune femme qui semble avoir des qualités morales remarquables,
qui sert souvent de guide ou invite le rêveur à une
réaction quelconque.
(Là-dessus, voir ce que j'en ai dit dans ma page sur Jung.)
L'Animus/Anima, pris au sens 1 ou 2, nous joue souvent des tours en ce
qui concerne les personnes qui nous séduisent, et en ce qui
concerne le contrôle ou non-contrôle de la
rationalité-émotivité. Ces réalités
psychiques doivent donc être connues et intégrées
pour atteindre la maîtrise de soi-même.
L'Animus,
propre à la femme et l'Anima, propre à l'homme?
Sur les notions d'Animus et d'Anima, il n'y a pour ainsi dire que ce
point épineux qui m'embarrasse. L'existence de ces
réalités psychologiques n'est mise en doute par personne,
aujourd'hui, et tous les psychologues, de quelque tendance ou
école qu'ils soient, en reconnaissent l'existence et
l'importance. (À noter que Pierre Daco est davantage freudien
que jungien, mais il a bien su reconnaître l'importance de ces
réalités découvertes par Jung.) Moi-même,
j'en ai découvert l'existence réelle, en moi, et j'ai
même réussi à cerner assez clairement leur
composition respective.
Or, en analysant mes rêves, j'ai découvert que j'avais
aussi une Anima et non pas seulement un Animus. Anima étant,
dans un premier sens, la représentation inconsciente que nous
avons des femmes et de la femme en général, et Animus la
représentation inconsciente que nous avons de l'homme et des
hommes en général, il est tout à fait normal, me
suis-je dit, que chaque être humain, homme ou femme, ait les
deux. C'est mon cas et c'est sans doute, voire certainement, le cas de
tout le monde. L'Anima (au sens 1, entendons-nous) se forme et se forge
graduellement à travers des femmes avec lesquelles l'enfant est
en contact: la mère, d'abord, puis les soeurs, les tantes, la
grand-mère et d'autres femmes rencontrées. L'Animus
(toujours au sens 1) se forme et se forge graduellement à
travers des hommes avec lesquels l'enfant est en contact: le
père, d'abord, puis les frères, les oncles, le
grand-père et d'autres hommes rencontrés. Comment tous
ces êtres, tant masculins que féminins, ne peuvent-ils pas
construire notre image de ce qu'est un homme et une femme, de ce qu'est
un "vrai homme" et une "vraie femme"? Combinez à ces êtres
réels ce qu'on nous apprend, par l'éducation et les
médias, des soi-disant caractéristiques "naturelles"
propres à chacun des deux sexes (les stéréotypes
homme-femme), et vous avez entre les mains la double source de
l'Anima/Animus!
Or, l'école jungienne, semble-t-il, en est toujours à
l'affimation originelle de Jung: seule la femme a un Animus et seul
l'homme a une Anima. C'est ce que j'ai conclu lorsque j'ai
écrit, à cette époque (1985), à Mme
Marie-Louise von Franz, successeure de Jung à la tête de
l'Institut Carl-Gustav Jung de Zurich, qui m'a répondu de
façon extrêmement vague et embarrassée: "On peut
parler d'un animus de l'anima ou de l'anima de l'animus, mais cela
complique les choses; je m'abstiens en général d'employer
ces termes techniques." - Je comprends! Mais cela ne résout pas
du tout le problème, au contraire, ça l'embrouille
considérablement! Alors, s'il y en a, parmi vous, qui sont au
courant des derniers développements sur ce point,
n'hésitez pas à me le faire savoir!
Ce
que Jung a dit des hommes et des femmes à propos de leur Animus
et de leur Anima
Un deuxième point qui m'embarrasse, chez Jung, concerne ce qu'il
a dit de la composition même de l'Animus chez la femme et de
l'Anima chez l'homme. De par son expérience de
psychologue/psychanalyste ayant des clients aussi bien féminins
que masculins, Jung a conclu que les hommes arrivaient très
facilement à comprendre ce qu'il voulait dire par Anima, alors
que les femmes, elles, ne semblaient rien comprendre à la notion
d'Animus ou, alors, avec grande difficulté. D'après lui,
cela s'expliquait par le fait que l'Anima était unique alors que
l'Animus était multiple; autrement dit, chez un homme, sa
représentation de la femme et des femmes en
général est composée d'un seul type de femme alors
que, chez la femme, son Animus est composé de plusieurs types
d'homme. C'est cette multiplicité qui expliquerait, chez elle,
la difficulté de saisir cette notion d'Animus.
Or, ma propre expérience de professeure expliquant depuis des
années ces notions à de jeunes élèves de
niveau collégial (autour de 17-18 ans) m'amène à
voir là un brin de misogynie chez Jung, malgré tout le
respect que je lui dois... En effet, mes élèves,
garçons ou filles, garçons et filles, comprennent
très bien ce que signifient ces deux notions, telles que je les
leur présente dans leurs deux sens indiqués ci-haut.
Alors?
De plus, lorsque j'ai lu cela chez Jung, "piquée au vif", c'est
le cas de le dire (crise d'Animus!!), je me suis dit que j'allais en
vérifier ma propre compréhension. D'abord, au niveau de
son sens même, double, pas de problème! Or, si j'y suis
parvenue, ce n'est toujours bien pas parce que je suis plus
intelligente que les autres! Puis, en cours d'analyse de rêves
(j'ai commencé en décembre 1983), j'ai tenté de
cerner mon Animus en procédant de la façon que j'ai
expliquée plus haut. En effet, mon Animus était multiple,
composé de plusieurs types d'homme, mais l'affaire, c'est qu'en
découvrant que j'avais aussi une Anima (au sens 1), j'ai
constaté que celle-ci était aussi composée de
plusieurs types de femme! Je ne suis donc pas loin de penser que
l'Anima des hommes - ou chez les hommes - peut être multiple,
elle aussi, et que le nombre de types composant un Animus ou une Anima
dépend, en fait, de la personne à qui on a affaire.
Thérèse-Isabelle
Saulnier
décembre 1999
Référence sur l'Animus et
l'Anima au sens 2
Référence sur le polymorphisme
de l'Animus et l'unicité de l'Anima
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