Steve Bauer

10 juillet 1990

"Peu importe ce qui se produira d'ici la fin..."

Steve Bauer trouve la plus grande part de son énergie émotive auprès de sa femme et de son jeune fils

Philippe Cantin

Porteur d'un casque noir, de sombres verres fumés et du maillot jaune, Steve Bauer a fait une entrée remarquée dans le village-départ du Tour de France hier matin. Sur son vélo, il s'est faufilé un passage au milieu des journalistes et invités, qui bouffaient croissants et spécialités régionales.

Quand il a aperçu un coin tranquille sous un parasol, Bauer s'est assis. Il a saisi un journal, parcouru d'un coup d'oeil les informations sur le Tour et signé quelques autographes à des jeunes filles intimidées.

Un maillot jaune au repaire des journalistes 30 minutes avant le début d'une étape, on ne voit pas ça souvent. Vaut-il mieux lui laisser un moment de répit ? Ou en profiter pour discuter un peu au risque de troubler sa concentration ?

Bauer semble si serein que le choix s'impose facilement. «J'espère gagner le Tour, dit-il. Mais peu importe ce qui se produira d'ici la fin, j'aurai le sentiment d'avoir accompli beaucoup.»

Bauer porte le maillot jaune depuis neuf jours. Hier encore, entre Besançon et Genève, il l'a défendu avec honneur en terminant au sein du peloton principal. Aucun de ses plus sérieux poursuivants n'a réussi à lui reprendre du temps.

La famille
Sur la route du Tour, Bauer reçoit des encouragements. Parfois, au hasard du parcours, il aperçoit un petit groupe de supporters agitant follement un drapeau canadien. Même s'il file à 40 km/h, Bauer ne manque rien de la scène.

«C'est l'fun d'être appuyé, dit-il. Il y a beaucoup de Canadiens qui séjournent en Europe et leur présence sur la route signifie beaucoup pour moi.»

Nos amis français l'applaudissent aussi. «Dans leur coeur, ils préféreraient sans doute que leur compatriote Ronan Pensec porte le maillot jaune, estime Bauer. Mais ils sont des connaisseurs et comprennent la signification du maillot jaune. Ils soutiennent celui qui le porte.»

La plus grande part de son énergie émotive, ce n'est cependant pas auprès du public que Bauer la trouve. Les encouragements de son épouse Elaine, et les premiers pas de leur jeune fils Kohen, valent beaucoup plus.

«Tous les soirs, j'appelle Elaine en Belgique. Elle me dit de tenir le coup jusqu'à Paris. Sa confiance ne se dément jamais. Lui parler, c'est être survolté psychologiquement !»

Quand il parle de sa famille, Bauer sourit beaucoup ces jours-ci. Cet hiver, Elaine et Kohen ont eu des ennuis de santé.

L'inquiétude qu'il a ressentie explique sans doute une partie de ses difficultés en course. Hormis une superbe deuxième place dans le Paris-Roubaix, sa saison n'a guère été brillante avant ce Tour de France.

«Kohen aura un an quelques jours après le Tour. Il commence à marcher. C'est dur de ne pas les voir, lui et Elaine. Heureusement, ils seront là vendredi, lors du jour de repos.»

Il y a aussi ses parents, qui surveillent le Tour depuis l'Ontario.

Bauer les appelés deux ou trois fois ces jours derniers. «Mes performances ne les surprennent pas tant que ça, dit-il. Mais je suis sûr qu'ils en sont très fiers. Paraît qu'à la maison, le téléphone ne cesse de sonner. Les amis veulent avoir des nouvelles.»

Les succès de Bauer depuis le début du Tour prennent place parmi les plus grands moments du sport canadien. Ce qu'il est en train d'accomplir est tout simplement sensationnel et vaut plusieurs saisons de 50 buts.


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