Yannick Cojan |
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8 août 1995
37,2 km
Paul Roy
Magog
Nous nous étions donné rendez-vous pour 8 h 30. Yannick Cojan est arrivé à 8 h 15. J'ai reconnu de loin son maillot des Espoirs de Laval (une équipe de coureurs cyclistes) et, pour l'avoir vu quelquefois en course, son allure sur un vélo.
C'est la compagnie Naya, un de ses commanditaires, qui lui a demandé de la représenter au Grand Tour cette année. Il est venu avec sa blonde depuis toujours, Kathleen, qui a elle aussi fait quelques années de compétition cycliste.
À 25 ans, Yannick Cojan est depuis longtemps un des très bons coureurs québécois. Champion canadien en 1992, triple vainqueur de la course Québec-Montréal, il est monté sur bien des podiums, dont quelques bonnes dizaines de fois sur celui des Mardis cyclistes de Lachine.
Tous les hivers, il s'en va courir en France en première catégorie amateur. Il rentre ensuite finir la saison au Québec et la prolonge parfois aux États-Unis.
Beau palmarès oui. Mais quand j'ai connu Yannick Cojan, au Tour cycliste de l'Abitibi, d'aucuns lui prédisaient une carrière professionnelle. Âgé d'à peine 16 ans, il avait remporté deux étapes au sprint, devançant Michael Zanoli, alors champion du monde junior, et Laurent Jalabert, quatrième au dernier Tour de France et, depuis quelques années, l'un des meilleurs coureurs professionnels au monde. Zanoli et Jalabert, âgés de 18 ans à l'époque, avaient tout de même fini premier et deuxième. Yannick, de deux ans leur cadet, avait été nommé la révélation du Tour.
«J'étais capable de rouler avec les meilleurs au monde», rappelait-il hier matin, alors que nous quittions Granby pour nous diriger vers Magog.
Que s'est-il passé ? L'année suivante, en 1987, Yannick rentre d'une compétition à Trinidad avec ce qu'il croit être un virus. «À partir de là, tout est devenu plus difficile», dit-il. Et huit ans plus tard, ça dure. «J'ai subi tous les tests et on ne sait toujours pas ce que c'est. Depuis quelque temps, je reçois des traitement d'acupuncture.» Ça ne l'empêche pas de gagner des courses, mais au Québec ...
Cela dit, tous les participants au Grand Tour qui le reconnaissent et vont lui parler tombent sous son charme. Poli, gentil, patient, bien élevé, tout le monde le tutoie et il vouvoie tout le monde, mais sans faire d'histoires. Le contraire d'une prima donna.
Pendant que nous roulions, hier, un admirateur de Rimouski s'est joint à la conversation. Acceptant modestement les félicitations de l'homme, il lui a fait remarquer : «Mais vous avez aussi un coureur très costaud, Guillaume Belzile, dans votre coin, à Rimouski. Il vient d'ailleurs de remporter la course Québec-Montréal.»
Plus tôt, en quittant l'Estriade, une piste cyclable qui va de la sortie de Granby à Waterloo, il m'avait dit combien il aurait aimé gagner cette course pour une quatrième fois, cette année.
Yannick semble ne jamais se plaindre. «La nourriture est impeccable, l'atmosphère est formidable ...» Ça pourrait paraître «têteux», mais il faut l'entendre dire ces choses pour réaliser que ça ne l'est pas.
Au Grand Tour, la compagnie Naya lui a offert, à lui et sa blonde, le forfait «sous les étoiles», c'est-à-dire en camping.
- Je croyais qu'ils t'auraient fait coucher à l'hôtel ?
- (Il sourit) C'est sûr que ç'aurait été plus confortable, mais au Village (du Grand Tour), ça me fait rencontrer beaucoup de monde et les gens sont vraiment très gentils. Il pense même à revenir l'an prochain, en tandem, avec Kathleen.
Depuis samedi, Yannick et Kathleen roulent pépère, avec le monde. Aujourd'hui, le Grand Tour fait relâche, à Magog, et Yannick en profite pour rentrer à Montréal et participer à la course des Mardis cyclistes de Lachine. Pour ceux que ça intéresse, la course des seniors débute autour de 19 h.
Demain matin, Yannick reprend le Tour et il se pourrait qu'il commence à rouler pour de vrai. Il rit : «Il y a une couple d'anciens coureurs qui font le Tour et qui veulent m'essayer.» Vers 9 h 30, je commençais à avoir de la difficulté à soutenir à la fois la conversation et le rythme. Je lui ai suggéré d'aller se délier les jambes. «L'entrevue, ça va», lui ais-je dit. Tout en roulant, il m'a tendu la main et m'a souhaité une bonne journée. Je lui ai souhaité une bonne course. Puis je l'ai vu s'éloigner. J'ai consulté mon odomètre: 37,2 kilomètres. J'ai pensé que ça ferait un bon titre.
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