Pierre Harvey


4 janvier 2000

Pierre Harvey rêvait de grands espaces

Anne-Marie Voisard

Rêver, c'est vivre. Depuis l'enfance, tout le long de nos existences, les rêves nous accompagnent. Ils nous poursuivent comme dans "Le blues du businessman", la chanson de Starmania, immortalisée par Claude Dubois. J'aurais voulu être un artiste. LE SOLEIL est curieux. Il a interrogé des gens connus qui marquent l'actualité, chacun dans son domaine. Sport, politique, religion, justice, affaires... À tous, il a posé la même question. À quoi rêviez-vous au temps de votre prime jeunesse? Qu'est-ce qui vous inspire aujourd'hui? Pour compliquer le jeu et vous mystifier un peu, chers lecteurs, on demandait aux personnes de nous fournir une photo rétro. Les réponses ont dépassé nos espérances.

Marcher pendant des jours dans le bois, en compagnie des lièvres et des perdrix. Pierre Harvey a beau chercher. Il ne peut souhaiter mieux. "C'est un travail de rêve que je fais."

Au bout du fil, la voix grésille. Façon de parler. Il n'y a pas de fil du tout. L'athlète roule sur l'autoroute de la Beauce et parle depuis son cellulaire.

Planifier une interview avec Pierre Harvey est déjà une expédition. Il bouge tout le temps cet homme-là. Non pas toujours, corrige-t-il, Comme à d'autres, il lui arrive de passer un jour entier devant l'ordinateur.

Mais c'est l'air pur qu'il préfère. Et à la rigueur l'auto. "J'aime conduire". Par chance. Trois fois la semaine, il se tape l'aller-retour entre Saint-Ferréol où il habite, et Saint-Georges. Une heure et demie de route, matin et soir.

Pierre Harvey est consultant chez Procycle, le manufacturier de vélos, et plus spécialement pour sa filiale Bodyguard Fitness, qui produit des appareils de conditionnement physique. Son travail: concevoir, mettre au point de nouvelles machines d'entraînement. Mais ce n'est là qu'une de ses fonctions. Il peut tout aussi bien se lever à 5h pour se rendre à Montréal ou encore chausser les raquettes et se promener en forêt jusqu'à la noirceur.

C'est ce qu'il fait de ce temps-ci autour du lac Saint-François, près de Thetford. Une piste cyclable va être aménagée dans le parc Frontenac. La Société des établissements de plein air du Québec (SÉPAQ) lui a donné le mandat de tracer le sentier où elle sera aménagée. "On est en train, dit-il, de finaliser les plans et devis".

Une vie tranquille
Les rêves. Tel est bien le sujet de cet entretien. "Les vrais rêves?", demande celui qu'on a surnommé l'athlète des neiges avant d'ajouter: "Il y a plusieurs choses dont j'avais envie et je me compte chanceux d'en avoir réalisé plusieurs".

Surprise! Pierre Harvey nomme en premier la mécanique. "Je m'attendais à une vie tranquille, par exemple dans une compagnie de pâtes et papiers". S'il est devenu ingénieur comme il le voulait, c'est d'abord dans le sport qu'il s'est distingué. Et pas de n'importe quelle façon. Champion dans deux disciplines olympiques. "Par hasard", à l'en croire. Si vous mettez sa parole en doute, il insiste pour dire que "du talent, il y en a partout". Un pianiste sans piano ne jouera pas. Pareil pour le coureur cycliste ou le skieur. "J'ai pu, dit-il, développer mon talent".

À 12 ans, Pierre Harvey s'entraîne dans le club de natation de Rimouski. Une heure le matin, une heure le soir. C'est là qu'il rencontre sa femme et la mère de leurs trois enfants, Mireille Belzile. La docteure qui pratique en médecine sportive, oui, c'est bien elle. Mais autant prévenir, si vous cherchez à obtenir un rendez-vous, l'attente est longue. C'est pour ça, pour qu'on l'oublie, qu'elle préfère s'effacer. Mentionnons tout de même, qu'elle a pris part à des courses internationales de vélos et qu'elle se classait parmi "les trois ou quatre meilleures". C'est Pierre Harvey qui le dit. Elle reste aussi une adepte du ski de fond.

Pas de casque
La chance pour le gagnant s'est présentée aux Jeux du Québec. À vrai dire lors de la sélection. Pierre Harvey veut participer. Un de ses frères lui prête sa bicyclette. Il n'a pas de casque. Or le règlement l'exige. C'est le parent d'un copain qui lui en trouve un, in extremis. Il se lance dans la course, arrive troisième. Et c'est parti.

Aux Olympiques de 1976, il a 18 ans et prend la tête de l'équipe canadienne, bien qu'il soit le plus jeune. Il est le 24e meilleur au monde. Pour fin de comparaison, tournons-nous vers le sport professionnel, par exemple le hockey. Le 2e meilleur joueur de l'équipe, qui gagne 5 millions $ par année, sera peut-être, lui, le 70e à l'échelle de la planète.

"Le salaire de l'athlète, c'est la compétition". On peut comprendre qu'elle fut la déception de Pierre Harvey lorsque le Canada a décidé, en 1980, de boycotter les Jeux de Moscou. Normalement, il aurait remporté là tous les honneurs. Pendant quatre ans, il s'était entraîné de quatre à cinq heures par jour, tout en continuant ses études à l'Université Laval. On venait de tuer le rêve.

Un talent, la discipline
D'autres se seraient découragés. Il a changé de sport. Et par deux fois, 1984 à Los Angeles, ensuite à Calgary, il participé aux Olympiques en ski de fond. "On apprend de nos échecs". Ne faut-il pas une discipline à toute épreuve? Il dit que ça fait partie du talent. Il dit aussi que "lorsqu'on travaille fort, il y a de bonnes chances que ça réussisse". Mais la persévérance compte. À 30 ans, il a gagné sa première Coupe du monde à Falun en Suède.

Autres points à considérer, "la qualité de l'environnement, l'entraîneur". Pas question cependant d'en devenir un lui-même. C'est "un travail de moine, un métier ingrat", juge Pierre Harvey pour qui le prof d'éducation physique n'a plus envie, une fois sa journée de travail terminée, de s'adonner au sport. Alors que, lui, il continue d'en rêver. Levé à aurore pour courir tous les matins, il a hâte à la semaine. C'est l'occasion de faire du vélo ou du ski en famille.


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Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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