Pierre Harvey |
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22 juillet 1991
Les Jeux Olympiques 15 ans après
Pierre Harvey
«J'étais comme un enfant au milieu de ses héros»
Michel Marois
Quand on a comme Pierre Harvey pris part à quatre Jeux olympiques, le souvenir des premiers est souvent le plus beau, surtout lorsque cette initiation a eu lieu «sur ses terres». Harvey, l'un des athlètes les plus complets de l'histoire du sport canadien, découvrait la compétition olympique à Montréal, en 1976.
Sur la ligne de départ de la course cycliste sur route, le jeune Québécois de 19 ans ne se faisait pas d'illusion. «J'étais le plus jeune des quatre coureurs de l'équipe canadienne et je savais que je n'avais guère de chance face aux meilleurs coureurs seniors du monde», se souvenait d'ailleurs Harvey, il y a quelques jours.
«Je ne ressentais aucune pression et ça m'a aidé puisque j'ai réalisé la meilleure performance de l'équipe en prenant le 21e rang. J'ai été dans le coup pendant toute la course et ce n'est qu'à la toute fin que l'échappée victorieuse s'est formée sans que je puisse m'y joindre.»
Détendu pendant sa course, Pierre l'avait aussi été pendant toute la durée des Jeux. «J'étais comme un enfant au milieu de ses héros, raconte-t-il. Juste en mangeant à la cafétaria, j'étais impressionné! J'aimais ça voir les haltérophiles, les gars de l'aviron; tous des géants qui m'éblouissaient !»
Les Québécois ont gardé des Jeux l'image de Nadia, celle aussi de Kornelia Ender, de Lasse Viren, de Bruce Jenner.
Harvey, lui, n'a rien vu du spectacle. «Les athlètes qui prennent part aux Jeux n'ont pas le temps de regarder les autres, explique-t-il. Ils doivent s'entraîner, préparer leur compétition. Moi, je n'ai jamais vu les exploits de Nadia Comaneci.»
«Je n'ai jamais été un «touriste» pendant ma carrière de 15 ans au top niveau. En quatre Jeux olympiques, je n'ai pris part aux cérémonies d'ouverture et de clôture qu'à une ou deux reprises. Tout mon temps allait à la préparation.»
Harvey a beaucoup sacrifié au sport, un sacrifice dont il n'a pas toujours été récompensé. Il n'oubliera jamais qu'il aurait aussi dû prendre part aux Jeux de 1980. «Moscou, pour moi, c'est un drame, avoue-t-il avec beaucoup d'émotion. Ça faisait huit ans que je préparais ces Jeux, huit ans que je sacrifiais les études, la vie familiale, les loisirs. Tout ça pour me faire dire que je n'irais pas aux Jeux par des gens qui ne connaissaient rien au sport.»
Au comble de la déception, Pierre allait abandonner le cyclisme... jusqu'en 1984. «J'ai repris l'entraînement quelques mois avant les Jeux de Los Angeles pour essayer de me qualifier dans l'équipe canadienne. Membre de l'équipe du 100 km contre la montre, j'ai aussi été inscrit dans l'épreuve sur route à la dernière minute, en remplacement d'un autre coureur.
«Sans pression (je savais que mon entraînement ne me permettait pas d'être compétitif jusqu'au bout dans cette épreuve), je me suis contenté d'aider Steve Bauer pendant la première partie de la course. Après 150 km, nous étions parmi les dix premiers; Steve allait gagner la médaille d'argent, moi, j'avais prouvé que j'étais encore dans le coup et je m'étais beaucoup amusé.»
C'est surtout comme fondeur que Pierre a acquis une notoriété internationale. Vainqueur de trois épreuves de la coupe du Monde de ski de fond, il peut affirmer sans mentir qu'il a été l'un des meilleurs de sa génération. Les Jeux d'hiver (Sarajevo et Calgary) ne lui ont pourtant réservé que des satisfactions en demi-teintes.
«On attendait trop de moi, note Harvey. À Calgary, les journaux écrivaient que j'allais remporter une médaille d'or ! La pression était très forte et je ne me suis pas amusé du tout. Les gens ne réalisent d'ailleurs pas à quel point les compétitions olympiques sont exigeantes et stressantes pour les athlètes.»
Aujourd'hui, Pierre occupe un poste d'ingénieur dans la région de Québec. Son bagage olympique, il le garde en lui comme son héritage le plus précieux. Il n'a retiré aucun avantage matériel de ses quatres participations aux Jeux olympiques, bien au contraire, mais la fierté d'avoir été l'un des «meilleurs du monde» l'habitera toujours.
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