15 février 2004

Le monde du cyclisme sous le choc
après la mort de Pantani

ROME (Reuters) - Les enquêteurs ont demandé dimanche une autopsie pour déterminer la cause du décès du cycliste italien Marco Pantani, ancien vainqueur du Tour de France et du Giro, retrouvé mort samedi soir dans un hôtel de Rimini, dans le centre de l'Italie.

Si les raisons de ce décès demeurent inconnues, la police a exclu l'hypothèse d'une mort violente.

Le magistrat Paolo Gengarelli a déclaré dimanche aux journalistes qu'aucune drogue illicite n'avait été retrouvée dans la chambre d'hôtel du coureur de 34 ans mais que des calmants se trouvaient près de son corps et dans le coin cuisine.

Il a ajouté que Pantani avait écrit "quelques pensées" sur du papier à en-tête de l'hôtel en précisant que celles-ci ne constituaient pas une lettre d'adieu.

Le cycliste, qui souffrait de dépression, s'était isolé depuis cinq jours dans cette chambre, qu'il ne quittait que pour son petit déjeuner, a expliqué Gengarelli.

Pantani, surnommé le Pirate en raison de son crâne rasé et du bandana qu'il arborait, s'était imposé la même année, en 1998, sur le Giro et la Grande boucle.

"UNE TRAGEDIE POUR TOUR LE MONDE DU CYCLISME"
L'annonce du décès de ce grimpeur d'exception a provoqué un choc dans le monde du cyclisme.

"C'est une tragédie aux proportions énormes pour tout le monde du cyclisme", a commenté le sprinter italien Mario Cipollini, champion du monde 2002. "Je ne peux pas trouver de mots."

De son côté, la Gazzetta dello Sport, quotidien sportif italien, titre en une dimanche: "Héros perdu. Nous t'adorions".

Quintuple vainqueur du Tour de France, Miguel Indurain a qualifié de "génie tragique" Marco Pantani, qui s'était justement fait connaître en 1995 en défiant l'Espagnol sur les pentes du Tour d'Italie et de la Grande boucle.

"Outre ses indéniables qualités de cycliste, il a rendu le sport très populaire", explique Indurain dans Marca, le quotidien sportif espagnol.

"Il existe probablement des coureurs qui ont un plus beau palmarès que lui, mais aucun n'a jamais réussi à attirer les spectateurs autant que lui".

"C'est quelque chose de si énorme, cela semble incroyable", a déclaré de son côté l'entraîneur de l'équipe nationale de cyclisme d'Italie, Franco Ballerini.

En une douzaine d'années de carrière, Marco Pantani, grimpeur hors pair aux mensurations de poche (1m72, 57 kg), avait fait étalage de ses talents dans les cols des Alpes, des Pyrénées ou sur les pentes du Mont-Ventoux.

En 1998, il avait remporté dans la foulée le Giro et le Tour, devenant le premier Italien à s'imposer dans la Grande boucle depuis Felice Gimondi, 33 ans plus tôt.

"Je garde l'image de son étape des Deux-Alpes dans le tour 98 où il avait pris des risques insensés dans la descente du Galibier pour distancer (l'Allemand Jan) Ullrich", a réagi sur France Info l'ancien coureur Bernard Thévenet, double vainqueur de la Grande Boucle et consultant de la télévision.

Jean-Marie Leblanc, directeur du Tour de France, a estimé pour sa part que Marco Pantani était "sans doute le dernier grand grimpeur que l'on ait connu dans le Tour de France, dans le Tour d'Italie, dans le cyclisme".

"IL N'A PLUS JAMAIS ETE LE MÊME"
Mais la suite de sa carrière avait été entachée par des rumeurs et des accusations de dopage.

L'année suivant son sacre, Marco Pantani avait été exclu du Tour d'Italie à la veille de l'arrivée, alors qu'il portait le maillot rose de leader, en raison d'un taux d'hématocrite anormalement élevé. Sans pour autant le prouver, un taux excessif d'hématocrite peut signaler le recours à des produits dopants tels que l'EPO (érythropoïétine).

"Même s'il n'a été suspendu que 15 jours, ce contrôle a compliqué sa vie entière car il n'a jamais été capable de s'en remettre. Il n'a plus jamais été le même", a analysé Indurain.

Les rumeurs et accusations de dopage n'allaient plus le lâcher.

"Il a payé un prix élevé. Depuis quatre ans, il était au centre de la tempête", a souligné Felice Gimondi, qui fut le manager de Marco Pantani.

Au printemps 2003, le Pirate avait participé à son dernier Giro, finissant à une décevante 14e place, avant d'entrer dans une clinique proche de Padoue spécialisée dans le traitement des dépressions.

"Je demande à tout le monde de respecter mon droit à l'intimité et de mettre fin à ces visites et requêtes incessantes", écrivait-il dans une lettre ouverte diffusée en juin depuis la clinique du Parco dei Tigli, à Teolo.

Blanchi en octobre par un tribunal de la province de Trente des poursuites ouvertes après le Giro 1999, Marco Pantani avait laissé entendre que sa carrière professionnelle, entamée en 1992, était terminée.

"Je fais toujours du vélo, juste pour tourner les jambes. Mais le cyclisme est la dernière chose à laquelle je pense. Je n'ai pas fréquenté de salle de sports depuis des mois, j'ai pris 15 kg et j'ai le physique d'un taurillon", avait-il déclaré à un journal italien, la Voce de Rimini.

Il se disait également "fatigué" par l'atmosphère du cyclisme et abandonné par la motivation.


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Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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