15 février 2004

Le "pirate" était populaire

Avec la disparition de Marco Pantani, l'Italie a perdu son coureur cycliste le plus populaire. Le vainqueur du Tour d'Italie et du Tour de France 1998 avait 34 ans. Frappé par des accusations de dopage ces dernières années, il a été retrouvé mort samedi soir dans une chambre d'une résidence hôtelière de la cité balnéaire de Rimini, où il s'était installé depuis quelques jours.

Surnommé «le pirate» à cause du bandana qui recouvrait son crâne chauve et de la boucle d'oreille qu'il portait, Pantani rivalisait de popularité en Italie avec les plus grandes vedettes du football, et sa mort a choqué le monde du sport.

A son apogée, Pantani rendait fous ses compatriotes, qui interrompaient leur journée de travail pour trouver une télévision et admirer le champion de poche grimper plus vite que n'importe lequel de ses adversaires. Et des milliers de tifosi s'installaient le long des routes de montagne où Pantani s'illustrait, dans son pays natal ou dans les Alpes françaises. En 1997, il avait dominé les 21 lacets de la montée vers l'Alpe d'Huez en 37 minutes, 35 secondes, l'un de records les plus respectés du sport. En 1998, Pantani avait remporté le Tour de France et le Giro. Aucun coureur depuis n'a réussi à s'imposer dans les deux grandes courses à étapes la même année. Peu après ses victoires, tous les membres de l'équipe Mercatone Uno - coureurs, entraîneurs et même la masseuse - s'étaient rasés le crâne pour imiter Pantani.

A ce moment-là, Pantani ne se doutait probablement pas qu'il avait atteint son apogée, et que l'année suivante marquerait le début de sa chute. En 1999, des résultats anormaux lors d'un contrôle sanguin inopiné avaient en effet conduit à son exclusion du Giro, à la veille de l'avant-dernière étape d'une course qu'il dominait. Et deux ans plus tard, une seringue contenant des traces d'insuline était découverte dans sa chambre d'hôtel après une descente des carabiniers sur le Giro. Pantani avait alors soutenu que la seringue avait été placée dans sa chambre et qu'il n'y avait pas dormi cette nuit-là. Le coureur avait disputé sa dernière course, le Tour d'Italie, en juin dernier et avait fini 14e. Il avait ensuite été hospitalisé brièvement dans une clinique italienne spécialisée dans le traitement des dépressions et des dépendances. Il n'avait pas annoncé de projets pour cette saison et les rumeurs annonçant sa retraite s'étaient multipliées ces dernières semaines.

Stefano Garzelli, un de ses anciens coéquipiers vainqueur du Giro 2000 grâce à son aide, a été abasourdi par l'annonce de la mort de son camarade. «C'est toujours difficile à croire», a-t-il dit à l'agence ANSA. «Je pense qu'il devait vivre avec de nombreuses pressions qui ne venaient pas toutes du monde du cyclisme. Ces pressions auraient été difficiles à supporter pour n'importe qui». «Ces derniers temps, je savais qu'il était assez isolé. Plus personne n'avait vraiment de nouvelles de lui», a-t-il ajouté, avant de comparer Pantani à une autre légende du vélo, Fausto Coppi, mort à l'âge de 40 ans en 1960, probablement après avoir contracté le paludisme en Afrique. «Il a eu une vie à la Coppi, avec de grands succès et une fin tragique. Marco était le plus populaire, même si ça faisait déjà un bon moment qu'il n'avait plus gagné. Depuis 40 ans, on se souvient de Coppi et dans 40 ans, on parlera encore de Marco». Coppi, en 1949 et 1952, était le dernier Italien avant Pantani à avoir remporté le Giro et le Tour de France la même saison. «Ce n'est pas vrai que personne n'a essayé de l'aider. En fait, de nombreux parmi nous ont voulu le faire», a assuré Candido Cannavo, un ancien journaliste de la «Gazzetta dello Sport» et proche de Pantani. «Peut-être sans succès, car il avait aussi la faculté de ne pas se laisser aider. Désormais, il faut résoudre ce mystère et essayer de comprendre. Nous vivons dans une société où seuls les vainqueurs ont de l'importance».

Après ses débuts professionnels en 1992, Marco Pantani a remporté huit étapes du Tour de France et huit étapes du Giro. Il a porté le maillot jaune de leader du Tour de France lors de six étapes et a revêtu le maillot rose du Giro à 14 reprises. Réputé pour ses talents de grimpeur, Pantani savait aussi profiter des descentes pour accroître son avance. En 1998 sur le Tour de France, il avait ainsi dominé l'Allemand Jan Ullrich lors d'une descente épique effectuée sous la pluie. Cette année-là, il avait même réussi à rivaliser avec ses adversaires dans les contre-la-montre disputés sur du plat. En 1999, le Giro lui avait rendu hommage en passant par son village natal, Cesenatico. Tout au long de sa carrière, Pantani a enregistré 36 victoires, la première en 1994 sur le Giro et la dernière en 2000 sur le Tour de France, après un beau duel avec l'Américain Lance Armstrong. Né le 13 janvier 1970, Pantani laisse derrière lui ses parents et sa soeur.

par Andrew Dampf, AP

Réactions

Eddy Merckx: " La justice ne l'a pas lâché"
L'ancien champion cycliste belge Eddy Merckx a estimé dimanche sur la télévision belge RTBF que la «justice italienne n'avait pas lâché» Marco Pantani.

«Après son succès au Tour d'Italie et au Tour de France la même année (1998), il a certainement commis des erreurs, mais il était la proie de la justice italienne qui ne l'a pas lâché et je pense que ça l'a détruit complètement», a déclaré Merckx.

Le Belge, quintuple vainqueur du Tour de France, a aussi mis en évidence la solitude du coureur cycliste après son retrait de la compétition. «Une fois la carrière terminée, il est certain qu'on est abandonné. C'est du chacun pour soi et Dieu pour tous», a-t-il dit.

Pantani, 34 ans, a été trouvé mort samedi soir dans un hôtel-résidence de Rimini (Italie). Des anxiolytiques ont été retrouvés dans sa chambre et l'hypothèse d'un suicide ou d'une surdose du champion, en dépression depuis plusieurs mois, a été évoquée dans l'attente de l'autopsie. Poursuivi par des suspicions de dopage après son abandon forcé dans le Tour d'Italie 1999, il avait progressivement été en proie à la déprime au point d'être hospitalisé en juin 2003 dans une clinique spécialisée.

Jan Ullrich, sous le choc
Le champion cycliste allemand Jan Ullrich s'est dit «profondément choqué» de la mort de son ancien rival, l'Italien Marco Pantani, qu'il a appris en Italie, en Toscane où il s'entraîne actuellement. «Je l'ai appris tôt ce matin (dimanche) aux informations. On est toujours profondément choqué quand on apprend la mort d'un camarade sportif», a-t-il déclaré par téléphone à l'agence sportive SID.

Le vainqueur allemand du Tour de France 1997 n'a pas voulu commenter les circonstances de la mort du «Pirate» arguant que les seules informations dont il disposait provenaient des médias. «Je n'avais plus de contacts avec Pantani depuis trois ans.

J'espère que les circonstances qui ont conduit à sa mort seront clarifiées rapidement et consciencieusement», a-t-il néanmoins ajouté.

Richard Virenque: "Les médias l'ont malmené"
Le cyclicte français Richard Virenque (Quick Step) s'est déclaré «révolté» par la mort de Marco Pantani, invoquant la responsabilité des médias qui ont, selon lui, «attaqué un homme dépressif, ce qui peut mener à tout». Le coureur cycliste toujours en activité a implicitement émis l'hypothèse d'un suicide par surdose médicamenteuse en déclarant: «Je suis révolté. Je savais Marco dépressif.

Virenque a rapproché le cas de Pantani de l'épisode douloureux qu'il a subi après l'affaire Festina. Il avait avoué s'être dopé lors du procès de Lille. «C'est dramatique. Il s'est fait taper dessus en Italie comme moi en France», s'est indigné Virenque.

«Si vous avez une famille autour de vous pour vous aider, vous surmontez la situation, sinon, vous pouvez faire des choses incompréhensibles, définitives. Marco est parti en dépression. Et il est mort. Il n'y a rien à rajouter», a conclu Virenque.

Jean-Marie Leblanc: "Quel gâchis!"
«Je suis surpris parce qu'un champion est terrassé à 34 ans. Et pas n'importe quel champion: Marco a laissé une trace extrêmement forte parce qu'il était un grimpeur, un grimpeur à panache. Tout le monde se souvient de ses attaques dans le Galibier ou à Luz Ardiden.

«Pas surpris parce que nous savions tous qu'il n'avait pas bien négocié le passage entre le temps du succès, de la gloire et de l'argent et le retour à la vie civile. Sans doute était-il trop seul, pas bien ou pas du tout entouré, trop faible face aux tentations. C'est un gâchis».

Jean-Marie Leblanc a rendu un hommage au vainqueur du Tour 1998, marqué par le scandale Festina. «Il avait d'une certaine manière sauvé le Tour 98 en lui donnant une touche de panache et de sport qui, sans lui, aurait fait défaut».


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Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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