Rome : Richard Heuzé
L'Italie a appris avec une profonde émotion la mort de Marco Pantani. A peine connu le décès, une foule s'est rassemblée sur le littoral de Rimini, devant la résidence où séjournait le «Pirate» dont les fenêtres donnent sur la mer, non loin des lieux pris comme décors par le cinéaste Federico Fellini pour ses films. Hier tout au long de la journée, des fidèles sont venus déposer des gerbes devant la résidence. «Tes envolées resteront à jamais dans notre cœur», proclame un panonceau. «Tu continueras à nous faire rêver», affirme un autre.
Marco Pantani avait 34 ans. Populaire du nord au sud, il a été l'une des vedettes sportives les plus aimées des Italiens, dans la lignée d'autres campionissimi tels Fausto Coppi ou Gino Bartali. Pantani a suscité les mêmes passions que le jeune champion du monde de moto Valentino Rossi, 25 ans, natif comme lui de Romagne, et sa renommée est aussi grande que celle du tennisman Adriano Panatta, 54 ans, vainqueur du tournoi de Roland-Garros et de la Coupe Davis en 1976, et du skieur Alberto Tomba, 39 ans, champion du monde et champion olympique en slalom et en géant.
Sa disparition faisait, hier, la «une» des éditions dominicales de tous les quotidiens italiens, et un certain malaise était perceptible dans les commentaires et les éditoriaux. «Pantani est mort», titrait le Corriere dello Sport, et la nouvelle était complétée d'un éditorial intitulé «un homme trahi».
«Avec la mort de Pantani, outre la peine, il y a le sentiment d'un grand remord collectif», affirmait, plus explicite, la Gazzetta dello Sport, dans un éditorial titré «Héros perdu, nous t'adorions».
«Un grand homme, mais seul», a souligné La Stampa dans un éditorial. «Tu nous manqueras, Pirate, avec ta boucle d'oreille et ton bandana. Mais quelqu'un devra nous dire maintenant pourquoi tu as été laissé si seul, avec tant d'argent, mais sans la volonté de vivre», a conclu le quotidien.
«Trahi dans l'ultime ascension», relève le Corriere della Sera. Pour la Repubblica, «Marco Pantani a commencé de mourir ce matin de 1999, à Madonna di Campiglio», quand il a été exclu du Giro dans l'avant-dernière étape: «Il n'a pas accepté d'être reconnu positif. Il n'a rien accepté de ce qui lui arrivait. Alors que tant d'autres, convaincus de dopage, se sont arrêtés avant de repartir, le roi des ascensions s'est lancé dans la descente sans fin vers les enfers et les paradis artificiels. Toujours plus seul. Toujours plus isolé.»
Ses derniers amis témoignent de son calvaire. «Marco avait pris depuis longtemps une route à sens unique avec trop de virages. Personne n'a cherché à lui venir en aide», accuse Vittorio Savini, président du club cycliste Magico Pantani de Cesenatico, la ville natale du «Pirate».
Felice Gimondi, l'un des rares qui lui soient restés proche, a appris sa mort avec consternation: «Nous ne sommes pas parvenus à lui être utile, à le soutenir. C'est vrai qu'il avait un caractère tellement compliqué. Il était toujours sur la défensive. Il semblait si fort, mais il était trop sensible.»
Le footballeur Alberto Zaccheroni, qui lui était proche, est abasourdi: «Nous savions tous qu'il avait des problèmes, mais nous ne nous les imaginions pas à ce point. Il était si difficile à contacter.»
La première accourue à son chevet a été sa sœur Manola, samedi vers minuit. Visage fermé, visiblement bouleversée, pas un seul commentaire. Les parents ont été avertis du décès alors qu'ils étaient en voyage en Grèce. Depuis longtemps, ils craignaient un accident de ce genre. A ses derniers amis, Pantani avait l'habitude de dire: «J'ai tout gagné et je me sens si seul.»
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