Des premiers résultats de l'autopsie, on peut déduire que Pantani s'est éteint progressivement
RIMINI Le décès de Pantani continue de susciter pas mal de questions, dont certaines, cela ne fait aucun doute, ne trouveront jamais de réponse. Toute la journée d'hier, alors que des centaines de supporters et de curieux défilaient devant l'Hôtel des Roses, dernier domicile connu du petit Italien, on a attendu les résultats de l'autopsie pratiquée, entre 14 heures et 17 heures, par un légiste officiel, Giuseppe Fortuni, sous l'oeil attentif d'un médecin de Bologne, Giorgio Gualandri, mandaté par la famille.
Les premières conclusions apportent peu d'éclaircissements sur les circonstances de la mort du coureur: arrêt cardio-vasculaire, congestion cérébrale et oedème cérébral. Pour tenter de décrypter ce diagnostique laconique, nous avons contacté un médecin. Son analyse est claire. «Arrêt cardio-vasculaire, tout le monde aura compris, explique le Dr Durez. Mais il faut savoir qu'une défaillance cardiaque entraîne quasi toujours des oedèmes pulmonaires et cérébraux. Ce que l'on peut déduire ici, c'est que la présence de ces oedèmes signifient que le coeur ne s'est pas arrêté d'un coup, qu'il a continué à pomper mais de plus en plus faiblement, jusqu'à ce qu'il s'arrête.»
Pantani s'est donc éteint progressivement. Reste à savoir si c'est la prise de médicaments qui a provoqué ce lent désamorçage de la pompe cardiaque. Seuls des examens toxicologiques permettront de le déterminer. Si la thèse du suicide avait été réfutée, dans un premier temps, par les enquêteurs, ceux-ci ne se montrent plus aussi affirmatifs après les premiers tests. Le professeur Giuseppe Fortuni, en charge de l'autopsie, a déclaré n'exclure aucune hypothèse.
Quand la lucidité s'efface...
Il ne faut quand même pas non plus se voiler la face. Connaissant l'état de dépression avancé de Pantani, que peut-on déduire de l'attitude de quelqu'un qui pousse les meubles de sa chambre contre la porte, débranche la prise du téléphone et tire les rideaux sinon qu'il n'avait pas du tout envie que quelqu'un le sauve? Loin de nous, pourtant, l'idée de condamner le malheureux Marco pour son geste (s'il est confirmé), car la dépression peut frapper n'importe qui, n'importe où et n'importe quand. Et lorsqu'elle est bien en place, la lucidité totalement, parfois, s'efface. On n'en voit plus le bout, on se sent lâché de tous, y compris de ceux qui étaient les plus proches...
Marco Pantani se sentait persécuté. «Pourquoi moi et moi seulement? avait-il interrogé quand on l'avait exclu du Giro en 99? Personne n'est jamais tout blanc. Ni tout noir du reste. De sa chambre occultée, il est reparti vers la lumière. Au moins, il est en paix désormais. Les remords sont pour ceux qui demeurent. Eux non plus ne sont ni tout noirs ni tout blancs...
Marco Pantani n'avait manifestement plus quelqu'un sur qui compter
RIMINI «Je me retrouve tout seul, personne n'est parvenu à me comprendre, même pas dans le milieu du cyclisme. Même pas ma propre famille.»
En parcourant les quelques bouts de papier retrouvés par les enquêteurs dans la chambre d'hôtel où Marco Pantani a séjourné pour la dernière fois, chacun a pu mesurer la profonde détresse dans laquelle était désormais plongé l'ancien vainqueur du Tour d'Italie et du Tour de France. Un désarroi amplifié par les rapports sentimentaux de plus en plus tendus que le grimpeur romagnol entretenait avec Kristin, sa compagne. Est-ce d'ailleurs un hasard si Pantani a choisi un 14 février pour s'en aller ?
Il voulait aller se désintoxiquer en Bolivie
Visiblement, le Pirate était devenu accro à trop de médicaments, pour ne pas dire produits dont l'origine pouvait sembler si pas douteuse du moins dérangeante. «Je vais aller me désintoxiquer en Bolivie, et ensuite revenir en selle», pouvait- on lire sur un autre morceau de papier laissé par Marco Pantani. L'intéressé s'était rendu il y a quelques semaines à Cuba, où il côtoya du reste Diego Maradona, pour y suivre, dit-on, une première cure de désintoxication. Sans succès manifestement.
Petit à petit, les enquêteurs tentent de reconstruire les dernières heures de vie de Marco Pantani. Vendredi soir, à 20h, Pantani a commandé auprès du responsable de l'hôtel Le Rose trois jus d'abricot ainsi qu'une omelette au jambon et au fromage. «J'ai même refusé qu'il me paie», fait savoir Oliver Laghi, le patron de l'hôtel en question.
La nuit de vendredi à samedi fut sans doute des plus agitées. Au réveil, Marco Pantani demanda à la femme de chambre: «Comment me trouvez-vous ce matin?» La dame lui répondit alors: «Je ne vous connais pas, je ne peux donc pas vous répondre valablement.»
Du mobilier massé derrière la porte de sa chambre
Bref, Pantani ne fut pas plus avancé sur son état après cette petite entrevue. Que du contraire. Peu de temps après, Marco décidait de déplacer le mobilier présent dans sa chambre et de bloquer tant que faire se pouvait la porte d'entrée. Il prenait aussi le soin de débrancher le téléphone et de fermer les rideaux.
Aux alentours de 19h15-19h30, Pietro Buccellato, le réceptionniste de l'hôtel, sans nouvelle de Pantani depuis le matin, montait au 5e étage et frappait à la chambre du coureur. «J'ai dû écarter les meubles qu'il avait placés derrière la porte. Sa chambre était dans un désordre incroyable. Sur sa table de chevet, il y avait pas mal de médicaments. Trois flacons étaient d'ailleurs vides. Par terre, traînait également un sachet rempli d'autres médicaments. De la drogue? Non, je n'en ai absolument pas vu! Mais je l'ai vu lui, le corps renversé sur le flanc, la tête par terre, comme s'il était tombé du lit. Il présentait deux bosses sur la tête. Il était... noir. J'ai directement compris qu'il était mort, depuis deux heures au moins.» Quelques heures après, le légiste excluait toute intervention d'une tierce personne dans ce décès.
Philippe Van Holle
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