Eric JOZSEF
Devant la morgue de l'hôpital Infermi, un peu à l'extérieur de la ville, les tifosi et les journalistes attendent, afin de connaître les premiers résultats de l'autopsie pratiquée sur le corps de Pantani. Et tenter de savoir si le grimpeur italien est mort samedi des suites du dopage, d'une overdose ou s'il a mis fin à ses jours. Selon le médecin légiste, Giuseppe Fortuni : «Marco Pantani est mort des suites d'un arrêt cardio-vasculaire consécutif à un oedème cérébral et un oedème pulmonaire qui a provoqué une congestion pulmonaire.» Et de préciser : «Il s'agit de la première étape d'une longue série d'examens. De nombreux échantillons ont été prélevés.» Ceux-ci serviront notamment à effectuer des analyses toxicologiques, dont le résultat ne sera connu que dans une quinzaine de jours.
Solitude. Dimanche, le procureur chargé du dossier, Paolo Gengarelli, qui a entendu les amis proches de Pantani et les derniers témoins à l'avoir croisé, a indiqué que, «pour l'heure, personne ne [lui] avait parlé de suicide». Concernant les notes retrouvées dans sa chambre d'hôtel, dans lesquelles Pantani parle de sa solitude («Personne n'a réussi à me comprendre, même pas le monde du cyclisme, même pas ma famille»), le magistrat a ajouté : «Il n'y a même pas une ligne qui fasse penser à un message d'adieu.» «Je veux remonter en selle», aurait même écrit Pantani quelques heures avant de mourir.
Pour l'heure, «aucune hypothèse n'est écartée», selon la formule du professeur Giuseppe Fortuni, qui s'exprimait hier au terme de trois heures d'autopsie. Réaffirmant néanmoins «qu'un événement traumatique», à savoir l'homicide, était exclu.
Le portier de l'hôtel qui a découvert le corps, torse nu, a notamment indiqué que du sang coulait du nez de Pantani. Des traces de poudre blanche retrouvées sur une table de la chambre seront également analysées. Une chose est sûre : Marco Pantani souffrait de problèmes de toxicomanie au moins depuis 1999. Il y a quelques mois, il avait séjourné dans un centre de soins pour dépressifs et drogués. Son entourage aurait récemment fait pression pour qu'il accepte de retourner dans un institut de soins. «Pantani refusait de rentrer dans une communauté. En Italie, cela aurait provoqué un grand bruit, et il ne voulait pas en entendre parler. Il craignait les rumeurs et les journaux, qui ne l'auraient pas laissé en paix, a révélé le père don Pierino Gelmini, fondateur d'une communauté pour toxicomanes. On a alors eu l'idée de lui proposer d'aller dans un endroit où personne ne pouvait le voir et le juger, loin des projecteurs, à l'étranger.» Ainsi, Marco Pantani aurait dû partir le 27 février pour un centre de désintoxication en Bolivie.
Cure. Selon la presse italienne, une dispute avec son père, survenue début février, aurait compliqué le projet. Certains indices laissent entendre que, depuis quelques mois, son père gérait les comptes du «Pirate» en détresse, lui laissant uniquement l'usage d'une carte de crédit. Le quotidien milanais Corriere della Sera révélait hier qu'après la mort en janvier, à 32 ans, de son ami le coureur espagnol José Maria Jimenez, victime d'un arrêt cardiaque alors qu'il suivait une cure de désintoxication, Pantani se serait écrié : «Non, je ne veux pas aller dans une clinique pour finir comme Jimenez.»
Marco Pantani a fini comme son ami, et l'onde de choc de sa mort n'a pas fini de se faire ressentir. On veut comprendre comment le grimpeur italien, dont les ennuis avec les stupéfiants (peut-être liés à la pratique du dopage) étaient connus depuis 1999, a été autorisé à courir ensuite. Pourquoi dès 1995 les médecins avaient connaissance de son hématocrite anormalement élevé, laissant entrevoir le recours à l'EPO, et l'ont pourtant laissé monter en selle ? Il en sera question, après les obsèques de Marco Pantani, qui auront lieu demain dans l'église de Cesenatico, son village, situé à une trentaine de kilomètres de Rimini. En attendant, l'Italie en deuil pleure son «Pirate», son héros perdu.
Vieux maillots. Hier, Rimini, la grande station balnéaire de l'Adriatique, avait presque retrouvé sa torpeur hivernale, ses plages désertes, et cette brume qui enchantait Federico Fellini. Sauf devant l'hôtel des Roses, où des vieux maillots du «Pirate» côtoyaient des mots griffonnés à la hâte, tel ce «Grazie Marco, tu nous as fait rêver», et des fleurs anonymes. De maigres groupes de tifosi et de curieux passaient en silence sous les fenêtres de la modeste chambre 5D, à 55 euros la nuit. Celle où Pantani est décédé samedi. Il s'y était installé, réfugié, le 9 février.
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