Les résultats définitifs de l'autopsie ne seront pas connus avant deux semaines. A Rimini, la police a retrouvé, dans la chambre d'un petit hôtel à 55 euros la nuit, de la poudre et la troublante confession d'un champion déprimé: «Personne n'a réussi à me comprendre, même pas le monde du cyclisme, même pas ma famille»
Eric Jozsef, Rimini
Quelques vieux maillots du «Pirate» déposés devant l'Hôtel des Roses, des mots griffonnés à la hâte, «Grazie Marco, tu nous as fait rêver», un cortège de voitures qui, le soir, à l'heure de la sortie des bureaux, ralentissent sous les fenêtres de la modeste chambre 5D, à 55 euros la nuit, où Pantani est décédé samedi... Rimini, la grande station balnéaire de l'Adriatique, a pratiquement retrouvé sa torpeur hivernale, ses plages désertes, sa brume qui enchantait Federico Fellini. En attendant les funérailles de l'ancien vainqueur du Tour de France et du Giro qui se dérouleront, mercredi à quelques kilomètres de là, dans l'église de Cesenatico, de maigres groupes de tifosi et de curieux passent en silence.
D'autres ont préféré s'attarder hier devant la morgue de l'hôpital «Infermi», un peu à l'extérieur de la ville, pour connaître les premiers résultats de l'autopsie et tenter de comprendre si le grimpeur est mort des suites du dopage, d'une overdose ou a mis fin à ses jours. Lundi le procureur chargé du dossier Paolo Gengarelli, qui a entendu les amis proches de Pantani et les derniers témoins à l'avoir croisé, a indiqué que «pour l'heure, personne ne lui avait parlé de suicide». Concernant les billets retrouvés dans sa chambre d'hôtel, dans lesquels Pantani parle de sa solitude («Personne n'a réussi à me comprendre, même pas le monde du cyclisme, même pas ma famille»), le magistrat a ajouté: «Il n'y a même pas une ligne qui fasse penser à un message d'adieu.» «Je veux remonter en selle», aurait même écrit Pantani quelques heures avant de mourir.
«Aucune hypothèse n'est écartée», a de son côté expliqué le professeur Giuseppe Fortuni, au terme de trois heures d'autopsie, tout en réaffirmant néanmoins «qu'un événement traumatique», à savoir l'homicide, «était exclu». «Il faudra au moins deux semaines pour avoir les conclusions définitives de l'autopsie», a-t-il ajouté. Selon le médecin légiste, «Marco Pantani est mort des suites d'un arrêt cardio-vasculaire consécutif à un œdème cérébral et à un œdème pulmonaire qui a provoqué une congestion pulmonaire.» «Il s'agit de la première étape d'une longue série d'examens. De nombreux échantillons ont été prélevés», a-t-il ajouté. Ceux-ci serviront notamment à effectuer des analyses toxicologiques.
Le portier de l'hôtel qui a découvert le corps, torse nu, a notamment indiqué que du sang coulait du nez de Pantani. Des traces de poudre blanche retrouvées sur une table de la chambre seront également analysées. Une chose est sûre: Marco Pantani souffrait au moins depuis 1999 de problèmes de toxicomanie. Il y a quelques mois, il avait séjourné dans un centre de soins pour dépressifs et drogués. Son entourage aurait récemment fait pression pour qu'il accepte de retourner dans un institut de soins. «Pantani refusait de rentrer dans une communauté. En Italie, cela aurait provoqué un grand bruit et il ne voulait pas en entendre parler», a révélé le Père Don Pierino Gelmini, fondateur d'une communauté pour toxicomanes. «On a eu alors l'idée de lui proposer d'aller dans un endroit loin des projecteurs, à l'étranger.» Marco Pantani aurait dû ainsi partir le 27 février prochain pour la Bolivie.
Selon la presse italienne, une dispute avec son père, Ferdinando, survenue au début février, aurait compliqué le projet. Certains indices laissent entendre que, depuis quelques mois, son père administrait les comptes du «Pirate» en détresse, lui laissant uniquement l'usage d'une carte de crédit. Le quotidien milanais Corriere della Sera révèle également que récemment, après la mort en janvier dernier, à seulement 32 ans, de son ami et coureur espagnol José Maria Jimenez, victime d'un arrêt cardiaque alors qu'il suivait une cure de désintoxication, Pantani se serait écrié: «Non, je ne veux pas aller dans une clinique pour finir comme Jimenez...»
Reste à comprendre, dans ces conditions, comment le grimpeur italien, dont les ennuis avec les stupéfiants (peut-être liés à la pratique du dopage) étaient connus depuis 1999, a été autorisé à participer à des compétitions internationales et notamment au dernier Tour d'Italie.
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