Une banale histoire d’amour peut aussi aider à comprendre le désespoir de Marco Pantani. A Laigueglia, le peloton cycliste a marqué peu d’émotion.
Guillaume Prébois
Milan
Bonsoir, je m’appelle Marco Pantani. L’entrée en matière aurait pu être efficace si la douce jeune femme en face de lui l’avait connu. Mais Christine Johansson, une blonde Danoise qui payait ses études artistiques en dansant dans les discothèques de Rimini, ne le connaissait pas.
Elle lui avait plu. Immédiatement. Leur flirt débuta ainsi, il y a 7 ans, par une conversation maladroite dans la cacophonie de la boîte de nuit Energy de Rimini puis il devint une histoire d’amour faite de déchirures et de rabibochages, de crises de larmes et de bonheur. Elle voulait l’épouser, lui donner un fils. Il tergiversait. Christine le pardonnait toujours. Quand Pantani commença à décliner psychologiquement fin 1999, elle lui répétait : Le vélo n’est pas tout dans la vie, pense à ceux qui t’aiment vraiment.
Christine était venue aider ses parents dans le fameux kiosque à « piadine », les galettes de farine garnies, une spécialité de la Romagne. Elle était mal-aimée, incomprise. Le client t’a demandé un café et une bière, pas un sourire, la tança un jour Tonina, la mère du coureur. Christine était trop « danseuse », trop « boîte de nuit », trop « instable » pour trouver grâce aux yeux du père Paolo. Ils avaient fini par se séparer en « restant amis ». Mais Marco revenait toujours à elle, au point de départ de ses émotions. Sa dernière tentative cet hiver avait échoué : Christine ne voulait plus le revoir. Le cœur de Pantani s’est craquelé.
Cette banale histoire d’amour est fondamentale pour comprendre le désespoir des dernières heures de l’homme Pantani. Elle lui manquait terriblement. Je n’ai pas beaucoup d’expérience avec les femmes, je veux essayer d’apprendre avec Christine, avait-il un jour confié.
Ce n’est pas un hasard s’il est allé chercher la mort dans cette résidence anonyme de la côte Adriatique, si proche de chez lui, si loin de tout. De la fenêtre de la chambre D5 qu’il occupait, il voyait la mer et l’établissement « Bains 61 ». C’est là qu’il vécut ses premières émotions avec Christine. Il était revenu à la source des souvenirs du film de sa vie. Avant de mourir, il avait passé quatre brefs coups de fil. Sans réponse. Probablement à celle qu’il avait aimée.
Où est Christine aujourd’hui ? Elle ne répond pas au téléphone dans le petit appartement qu’elle partage à Ravenne. On dit qu’elle est en voyage en Suisse avec son nouveau fiancé ou au Danemark. Mensonges de circonstance. Elle est restée à Ravenne. Très affectée.
A-t-elle vu la foule qui acclamait mardi le cercueil de bois clair recouvert de fleurs jaunes et blanches à la sortie de la morgue de Rimini ? A-t-elle entendu les hurlements de détresse de la maman de Marco, Tonina, qui lançait des invectives aux journalistes : C’est vous qui avez tué mon fils, vous êtes satisfaits maintenant qu’il est mort ! S’est-elle mêlée aux centaines de gens qui rendent un dernier hommage à Marco en défilant dans la chapelle ardente dans l’église San Giacomo à Cesenatico.
Christine ne reverra plus jamais Marco. Le cercueil a été fermé sur instructions précises de la famille. Il est habillé d’un élégant costume sombre avec cravate. Une tenue qui aurait pu être celle de son mariage mais qui sera celle de son enterrement ce mercredi.
Mardi, une information contre X pour trafic de stupéfiant aurait été décidée. Ce qui permet de considérer que le décès est peut-être lié à un délit et ainsi d’enquêter sur un trafic de cocaïne. Ce type de drogue, que consommait Pantani, mélangée à ses antidépresseurs pourrait avoir provoqué le double œdème cérébral et pulmonaire.
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