CESENATICO (AFP) - Une foule "amère" a accompagné Marco Pantani pour son ultime étape "vers les sommets du paradis", marchant en procession de l'église au cimetière de Cesenatico, où le champion cycliste a été inhumé mercredi dans sa ville d'adoption après une messe solennelle.
En tête, une douzaine de couronnes de fleurs barrées des sigles sportifs les plus variés, Milan AC, Gazzetta dello Sport, Union cycliste internationale..., témoignant du rayonnement international du coureur avant sa mort samedi, seul dans une chambre d'hôtel, consumé par la dépression et la drogue.
Derrière, les jeunes recrues du club où le cycliste avait débuté, le GS Fausto Coppi, portant couettes, casquettes, survêtements blanc et bleu et des brassées de bouquets.
A l'apparition du cercueil devant l'église, couvert de roses blanches, posé sur les épaules d'une dizaine d'amis du coureur aux visages attristés, plusieurs milliers de personnes, environ dix mille, applaudissent. "Marco, Marco", scandent des supporteurs, qui viennent grossir peu à peu les rangs de la procession, guidée par un prêtre tenant un crucifix.
Religieuses, marins, commerçants ayant fermé boutique, mères de famille avec leur poussette, jeunes gens aux cheveux gominés, bronzés, engoncés dans d'épaisses doudounes et chaussures de marque aux pieds, d'autres portant le bouc et la boucle d'oreille emblématiques du "pirate" déchu: c'est toute une ville qui suit le catafalque, derrière le père et la mère éplorés du coureur, Paolo et Tonina Pantani.
Marco Pantani avait 34 ans. "C'est pas normal", murmure une amie du coureur, confiant son "amertume". Des passionnés de cyclisme sont là, qui ont renoncé au noir pour venir en combinaisons moulantes multicolores. "J'ai pleuré à la maison", dit l'un d'eux avant d'égréner la liste des célébrités aperçues, cyclistes, journalistes vedettes, parraineurs (Charlie Gaul, Vittorio Adorni, Gianni Motta, Davide Cassani, Michele Bartoli, Azelio Vicini, Alberto Tomba, Davide Dezan, Marino Bartoletti, Francesco Moser, Ivan Quaranta, Giacobassi).
La Fédération italienne de cyclisme (FCI) indique qu'elle a délégué son président Giancarlo Ceruti et son directeur technique national Franco Ballerini, entrés par une porte latérale dans l'église.
Pendant la messe, des jeunes s'évertuent à accrocher une banderole interpellant leur idole dans l'au-delà, "Marco, maintenant tu veux escalader les sommets du paradis. Tu étais et tu resteras un grand, pour toujours".
Le ciel est bas, le froid humide dans la petite cité balnéaire qui se souvient, non sans polémique, des heures de gloires partagées avec Pantani, enfant chéri du pays depuis son doublé au Giro et au Tour de France en 1998.
"Nous avons vécu des moments inoubliables, nous avons joui de ses victoires", rappelle au micro le maire Damiano Zoffoli. "Quelque chose s'est irrémédiablement cassé (...) le 5 juin 1999" (quand ses analyses ont révélé un hématocrite trop élevé au Giro, ndlr) accuse-t-il, en rappelant que le coureur était "un garçon sensible". "Timide", glisse quelqu'un en écho. L'assistance l'applaudit, comme elle approuve ensuite de ses applaudissements l'ex-manageur Manuela Ronchi.
"Des règles oui, mais égales pour tous", dit-elle en lisant un texte griffonné et raturé par le coureur sur neuf pages de son passeport pour crier "sa vérité". "Allez voir ce que c'est qu'un cycliste et combien d'hommes sombrent dans une tristesse torride en cherchant à rattraper leurs rêves d'hommes, et qui se brisent dans les drogues, mais après ma vie de sportif", a-t-elle lu en citant le champion.
Dans son homélie, l'évêque Antonio Lafranchi, fraîchement nommé dans le diocèse, a appelé à un "examen de conscience" et fait un rappel aux valeurs de l'amitié et du sport. "Il faut réhabiliter le sport, non pas comme compétition mais comme éducation au service des jeunes", dit-il.
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