Un testament anticipé en forme de j’accuse: les phrases griffonnées par le champion italien Marco Pantani sur les pages de son passeport pendant un voyage à Cuba
CESENATICO L'ancien champion dénonce la justice, la presse et le milieu du cyclisme pour l’avoir persécuté et humilié. «J’ai été humilié pour rien. Pendant quatre ans, j’ai été dans tous les tribunaux. J’ai seulement perdu l’envie d’être comme les autres sportifs», a-t-il écrit. Selon le quotidien La Gazzetta dello Sport, ces mots ont été rédigés en décembre, mais le journal La Repubblica les date de janvier. En fait, Marco Pantani a effectué deux voyages à Cuba.
«Sur les pages du passeport, le j’accuse du champion», titre la Repubblica, qui y voit «une accusation» contre le système, le sport-spectacle en général, mais aussi «un appel à l’aide». «Le cyclisme a payé cher et beaucoup de jeunes ont perdu espoir en la justice. Moi je me suis fait mal en écrivant ces vérités sur mon passeport, pour que le monde se rende compte que tous mes collègues ont subi des humiliations, jusque dans leurs chambres, avec des caméras cachées, pour détruire des familles», a écrit Marco Pantani dans ce texte lu mercredi par son amie et ancien agent Manuela Ronchi pendant la messe de ses obsèques.
«Ensuite, comment éviter de se faire du mal. Je sais que j’ai commis des erreurs, mais, seulement quand ma vie sportive et surtout ma vie privée ont été violées. J’ai beaucoup perdu», a ajouté le coureur. Selon la Repubblica, «ce sont les mêmes paroles que Pantani avait utilisées pour se défendre devant les tribunaux qui l’accusaient de dopage et qui sont répétées aujourd’hui pour dire qu’il avait raison lui, le Pirate, pauvre persécuté et victime d’un complot».
«Une chose demeure, tant de tristesse et de rage, pour les violences de la justice (...) Mon histoire, j’espère, servira d’exemple pour les autres sports. Des règles oui, mais égales pour tous», a-t-il affirmé.
«Il n’existe pas de métier où il faille donner son sang pour l’exercer (...) Il y a beaucoup de familles dont l’intimité a été violée. Allez donc voir ce qu’est un cycliste et combien d’hommes sombrent dans une tristesse terrible en cherchant à rattraper leurs rêves d’hommes et qui se brisent dans les drogues», a ajouté le champion. Mgr Antonio Lafranchi, évêque de Cesena, sa ville natale, avait d’ailleurs appelé le monde du sport à faire «un examen de conscience», au cours de la messe de funérailles mercredi à Cesenatico, près de Rimini, où Marco Pantani vivait et a été inhumé.
Cette lettre-testament ne préfigure pas cependant, selon le parquet de Rimini, une possible volonté de suicide.
«Plus mon enquête avance et plus je suis convaincu que Pantani ne s’est pas suicidé. Il aimait trop la vie», a déclaré mercredi le magistrat Paolo Gengarelli, en charge de l’enquête sur la mort du coureur.
«Je veux continuer à gagner, encore, beaucoup, parce que ce ne sera pas seulement pour moi, mais pour lui. Chaque fois que je gagnerai une course, ce sera en fait une partie de lui qui gagnera avec moi», a pour sa part annoncé son ami, le champion cycliste Mario Cipollini. «Pantani est la victime sacrifiée de la société du spectacle qu’est devenue le sport, ou plutôt le sport le plus difficile et massacrant qui soit, le cyclisme», a conclu le principal quotidien italien, Corriere della Sera, dans un éditorial intitulé «Orgueil et faiblesse».
Marco Pantani a été retrouvé mort samedi dans un appartement-hôtel de la station balnéaire de Rimini, proche de Cesenatico, où il s’était installé le 9 février. Il avait 34 ans, depuis quelques semaines.
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