Vendredi 2 avril 2004 - MADRID (AFP) - Auteur de révélations sur le dopage dans le peloton cycliste, Jesus Manzano, modeste coureur issu d'un milieu rural, fait face à une tempête médiatique et se heurte à la loi du silence observée par ses pairs.
Ne cherchez pas la blanche colombe, Jesus Manzano, 25 ans, avoue ouvertement s'être "beaucoup dopé" et avoir dénoncé le dopage généralisé au sein de l'équipe espagnole Kelme "par rancoeur" parce que celle-ci lui devait de l'argent et l'avait licencié abusivement, selon lui. Il reconnaît également avoir fait ses révélations au quotidien AS contre espèces sonnantes et trébuchantes: "Je n'avais pas été payé depuis le mois de décembre", dit-il pour se justifier.
Pourtant, Jesus Manzano, qui raconte que les médecins de la Kelme l'ont souvent appelé "le peureux" parce qu'il avait refusé plusieurs fois de s'injecter des substances inconnues, affronte aujourd'hui les critiques, l'opprobre de ses anciens collègues et l'hostilité d'une bonne part de la presse espagnole.
Cette dernière se montre sceptique devant ces révélations, soit par opposition vis-à-vis du groupe Prisa (auquel appartiennent AS et El Pais) qui a obtenu le "scoop", soit simplement parce qu'en Espagne, un pays où l'on a tendance à fermer les yeux sur les pratiques de dopage, les révélations de Manzano dérangent plus qu'elles n'intéressent.
Méfiance
Manzano, lui-même, affirme qu'il a effectué ses révélations par voie de presse "pour éviter qu'elles ne soient enterrées". Selon la radio Cadena Ser (également du groupe Prisa), le coureur a quelques raisons de se méfier: le ministre des sports Juan Antonio Gomez Angulo (Parti populaire, au pouvoir pour encore quelques semaines) "tenterait d'écarter" Guillermo Jimenez, le fonctionnaire qui a proposé l'aide du Conseil supérieur des sports à Manzano, dont l'ancienne équipe est soutenue par la région de Valence, contrôlée par le Parti populaire.
Depuis la publication de ses révélations, la rumeur tente de salir l'image du coureur à l'éducation sommaire et qui s'exprime dans un espagnol peu châtié. On raconte qu'il a découvert la brosse à dents en même temps que les courses juniors et surtout qu'il vendait des produits dopants et de la "poudre blanche".
Manzano ne se démonte pas quand un journaliste valencien tente de le déstabiliser avec des questions sur le sujet: "Vous avez des preuves de ce que vous dites? Moi, je peux ajouter que vous en vendiez avec moi. Cela fait de vous un dealer? Tout est faux. Moi, ce que j'ai révélé, j'en ai les preuves et elles seront chez le procureur".
Pas de regret
Malgré toutes ces attaques, Manzano, toujours accompagné en public de sa petite amie originaire de l'Europe de l'est, ne regrette pas ses révélations. "Je regrette de m'être dopé, d'avoir pris des substances dangereuses pour ma santé mais je ne regrette pas d'avoir tout dit. Je sais que l'avenir va être difficile mais je me sens mieux, je me suis enlevé un poids de 100 kg des épaules", explique Manzano, qui affirme avoir reçu des menaces de mort.
"Si tout cela peut servir le cyclisme tant mieux. Le problème c'est l'argent. Le coureur veut gagner de l'argent, les équipes veulent des résultats pour avoir des sponsors. Il y a une mafia. Quand il y a un contrôle positif, qui est suspendu? Le coureur. Si on suspendait le médecin et le directeur cela se passerait autrement. Des coureurs gagnent 2,7 millions de pesetas (16.000 euros), alors que dans l'encadrement il y en a qui ont des maisons de 700 'kilos' (environ 4 millions d'euros)", estime Manzano.
Malgré cela, Manzano, qui a signé dans l'équipe italienne Amore e Vita (mais il court le risque d'une suspension de sa fédération), affirme: "Depuis que je suis petit, j'aime le vélo. Quoiqu'il se passe, je continuerai de monter sur une bicyclette."
page mise en archives par SVP