L'avenir en pointillé de l'équipe nordiste, au coeur d'une enquête judiciaire sur un trafic de produits dopants
Le programme de Cofidis s'accroche au calendrier. Par habitude car les rebondissements de «l'affaire» n'en finissent plus d'estomper l'avenir de l'équipe. Certains coureurs arpentent le Tour du Pays basque depuis lundi quand d'autres s'engagent sur Gand-Wevelgem (208 km), aujourd'hui, avant la reconnaissance des pavés de Paris-Roubaix, dès demain. La tête ailleurs.
Gand : de notre envoyé spécial Jean-Julien Ezvan
Nuits agitées et noires pensées, Alain Bondue, le manager de la formation Cofidis, lâche, en pesant ses mots : «Si Cofidis décrète qu'il arrête en juin, avant le départ du Tour de France, je trouverai cela normal, comme je trouverai logique si la fin est programmée à l'issue de la saison 2004. Et si le sponsor décide d'aller jusqu'en 2005 (terme du contrat), je trouverai cela louable.»
L'enquête sur le trafic de produits dopants autour de l'équipe, commencée en mars 2003, a été révélée le 13 janvier dernier. Depuis, gardes à vue, mises en examen et incarcérations se sont succédé laissant l'équipe chancelante à un carrefour de la saison. Paris-Roubaix brillait en début de la saison comme un objectif phare, pour un sponsor dont le siège est planté à Wasquehal. Leaders diminués, équipe minée par l'affaire, Cofidis avance machinalement. Ressort cassé.
Alain Deloeil, le directeur sportif, souffre : «On ne peut pas aller plus bas.» Le Tour de France et Jean-Marie Leblanc, dans une déclaration à l'AFP, n'enfoncent pas l'équipe : «Il y a deux modes d'accès au Tour. En ce qui concerne Kelme, c'est sur invitation qu'il avait été envisagé de les accueillir, ce qui s'est passé la semaine dernière nous a conduits à renoncer à cette hypothèse. Tout différent apparaît le cas de Cofidis, puisqu'elle est qualifiée par l'UCI. Si Cofidis avait été dans la liste des équipes à inviter, sans doute aurions-nous réfléchi et aurions-nous pu prendre une décision de prudence. (...) De prudence parce qu'une instruction est ouverte et qu'on ne connaît pas l'acheminement et la finalité. Au motif qu'un soigneur véreux et qu'un coureur tricheur aient fauté, faudrait-il tout condamner d'un bloc ? (...) Si des fautes graves se révélaient manifestes, nous en prendrions acte mais on n'en est pas encore là.»
Cependant le quotidien et les échéances peinent à rassembler les énergies. «Nous sommes touchés. Nous constatons que ce que nous avons fait n'a pas été suffisant. Nous cherchons à voir ce que l'on pourrait faire pour que cela ne se produise plus jamais. Plus jamais», résume Alain Bondue. Et de marteler : «La justice doit faire son oeuvre, aller au bout des choses. Je ne le redoute pas. S'il y a des fautifs, ils doivent être sanctionnés.»
La semaine dernière, la publication dans le quotidien L'Equipe d'un rapport datant de 1999 stigmatisait les comportements des coureurs. Alain Bondue le commente, effaré, amer, abusé, «cocu» : «Par rapport au Stilnox (un somnifère), je suis incompétent pour négocier les relations d'un coureur en pleine addiction. Je ne suis pas psychiatre. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avions fait appel à un psychiatre. Deux, trois coureurs avaient été convoqués dans mon bureau, puis ils ont continué. Dans notre dos. On n'a rien vu. Mais c'est un peu normal, à une heure du matin, tout l'encadrement de l'équipe dort. Si les coureurs ont envie de faire le mur et de sortir faire des conneries...»
Dans un soupir, il ose : «Notre rôle est-il de dormir devant leur porte ?», avant d'affirmer : «Si je devais aujourd'hui organiser de nouveaux stages, je les placerais en pleine campagne, avec des maîtres-chiens et des gars tout autour de l'hôtel pour que les coureurs ne sortent plus le soir.»
Le manager nordiste ajoute, atterré : «Ce qui est arrivé, la brigade des stups dans mon bureau, jamais je n'aurais pu l'imaginer. Suspicion de prises de cocaïne, cela dépasse de loin mon imagination. Dernièrement, je me demandais s'ils étaient tous dopés dans mon équipe et s'il n'y avait que chez moi qu'il y avait des dopés...» Les appels téléphoniques et les soutiens sont rares : «Nous sommes regardés comme des pestiférés.»
Plus loin, il avance, du bout des lèvres : «Il faut que cela aille vite, que le tri soit fait, que l'on règle notre crise et que l'on puisse rebondir. Chez nous, il y a aussi des mecs bien. Mais de façon plus large, je suis inquiet, j'ai l'impression que personne n'est à l'abri. Il y a eu l'affaire Festina (au cours de l'été 1998), je pensais qu'il y avait eu une prise de conscience effective mais...» Une moue dubitative s'incruste sur son visage.
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