1er avril 2004

Jesùs est amour

Frédéric Sugnot

Le coureur ibérique, auteur de révélations fracassantes sur le dopage en Espagne, rejoint la formation italienne Amore e vita.

Jesùs est amour. Ne voyez aucun prosélytisme dans cette affirmation. Comprenez tout simplement que le coureur espagnol Jesùs Manzano, auteur la semaine dernière de révélations fracassantes sur le dopage généralisé dans le cyclisme espagnol, va rejoindre aujourd'hui la formation italienne Amore e Vita (amour et vie, en français).

En soi, la nouvelle n'a rien d'extraordinaire, puisque la formation transalpine émarge en troisième division. Mais c'est un beau coup de pub pour cette équipe dont le patron, Ivano Fanini, est un chantre de la lutte antidopage.

Héritier d'une dynastie cycliste, Fanini n'hésite jamais à mettre les pieds dans le plat comme, en janvier 2003, lorsqu'il affirmait dans les colonnes de l'Humanité : " Ce qui intéresse (Ã) les hauts dirigeants du cyclisme international, c'est le spectacle ! C'est d'avoir des gars qui font 60 km/h au lieu de 30 pour faire tourner les milliards. Ils s'en foutent de la santé des coureurs ! Pour garder leur place au chaud et défendre leurs intérêts, ils n'hésitent pas à agresser ceux qui osent relever la tête pour se rebeller contre le système. "

Voilà donc pourquoi Fanini n'a pas hésité à s'attacher les services de Manzano, devenu un renégat du cyclisme espagnol. Il faut dire que Jesùs n'y est pas allé avec le dos de la cuillère dans une série d'articles intitulée " Ainsi se dope un cycliste " publiée la semaine dernière par le quotidien ibérique As. Licencié en 2003 par son équipe Kelme, Manzano a, entre autres, raconté son dernier Tour de France plutôt particulier : " Le matin de l'étape de Morzine, on m'a injecté 50 ml d'un produit. J'ai appelé ma petite amie et je lui dit : ÌPrépare-toi. Aujourd'hui, je vais bien marcher, d'après ce que j'ai compris.Í À mi-étape, une échappée est partie. J'ai démarré (Ã) Au bout de trois kilomètres après avoir démarré, j'ai commencé à avoir envie de vomir, j'avais très chaud avec des sueurs froides (Ã) J'avais l'impression que je m'en allais. Je me suis rendu compte que j'étais dans l'ambulance. "

Autre morceau choisi servi par l'Espagnol, l'épisode de l'autotransfusion de sang : " Au bout de 125 ml, j'ai commencé à me sentir très, très, très mal. J'avais plus froid qu'au pôle Nord, en juillet à Valence. S'ils m'avaient mis le demi-litre, je serais dans une boîte en sapin. "

Malheureusement, le sens aiguisé de la formule de Manzano n'a pas plu à tout le monde. En France, la direction du Tour de France a décidé d'exclure l'équipe Kelme du grand rendez-vous de juillet. Alors que de l'autre côté des Pyrénées, le Conseil supérieur des sports (CSD) n'a pas vraiment pris les déclarations de Jesùs pour paroles d'Évangile. Une commission a été mise en place pour enquêter sur les dénonciations du coureur. Mais, selon le directeur du CSD, Guillermo Jimenez, l'affaire Manzano devrait continuer de secouer la péninsule ibérique. Jimenez promet en effet : " L'enquête que nous allons démarrer ne sera pas circonscrite au cyclisme, elle va s'étendre à tout le sport. "

Qualifié d'affabulateur par les dirigeants de Kelme, Manzano a pourtant reçu le soutien d'un des ses ex-équipiers entre 1999 et 2000, Eligio Requejo qui, tout comme Jesùs, enfonce le clou : " Manzano a raconté la vérité. 90 % des cyclistes se dopent. "

En attendant d'en savoir plus, Jesùs Manzano est retourné à confesse hier. Sa nouvelle équipe Amore e Vita recevait en effet, comme chaque année, la bénédiction papale au Vatican. On ne sait pas encore si Jesùs a conseillé un petit remontant au pape, qui en a bien besoin ces derniers temps. Ce dont on est sûr en revanche, c'est que l'ex-coursier de Kelme courra cette fois à l'eau claire et pas au vin de messe trafiqué. " Manzano a accepté un contrat avec l'obligation de courir propre ", a en effet expliqué le patron de l'équipe, Ivano Fanini. Il n'aura pas de salaire mensuel mais des primes de résultat au vu du classement. Il ne devra pas avoir l'angoisse du résultat. Peu m'importe s'il se classe dans les dix ou vingt premiers. Cela me suffira s'il finit la course pourvu qu'il se soit bien entraîné et finisse la course. Il recevra une prime s'il a donné le maximum. " Citons donc l'Évangile de Jésus (Christ, pas Manzano) selon saint Matthieu pour finir : " Ainsi les derniers seront les premiers et les premiers seront derniers. "


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