Thierry Lévêque
PARIS (Reuters) - L'enquête pour dopage, qui a amené le retrait de l'équipe professionnelle Cofidis de la classique Paris-Roubaix dimanche, jette une ombre sur le Tour de France qui doit se dérouler en juillet prochain.
L'affaire réveille le spectre du "Tour de la honte" de 1998, rythmé par les descentes de police, et qui avait abouti au procès à Lille en 2000 de l'équipe Festina et du coureur Richard Virenque, où avait été révélée publiquement pour la première fois la généralisation du dopage.
Le choc est d'autant plus violent pour le monde cycliste qu'il survient deux mois après la mort de Marco Pantani, vainqueur de ce "Tour de la honte".
Dépressif et solitaire après des années d'enquêtes policières, il a succombé à une surdose de cocaïne le 14 février, ce qui a traumatisé l'Italie.
Pour l'instant, le directeur du Tour de France, Jean-Marie Leblanc, veut pourtant croire que tout peut continuer comme avant et il a même déclaré samedi qu'il n'envisageait pas d'exclure du prochain Tour l'équipe Cofidis.
"Soyons patients, attendons que des fils se dénouent. Si des faits étaient révélés, l'UCI (Union cycliste internationale) prendrait des mesures et nous serions amenés à suivre sa position", a dit Jean-Marie Leblanc.
Le médecin fédéral en cause
Néanmoins, le climat risque fort d'être délétère dans l'épreuve reine du cyclisme mondial, une des compétitions sportives les plus lucratives et les plus suivies du public dans le monde, après la Coupe du monde de football et les JO.
L'ex-coureur de Cofidis Philippe Gaumont, mis en examen pour un trafic de produits dopants a en effet brisé l'ultime tabou du milieu cycliste dans ses auditions publiées par l'Equipe la semaine dernière et qui ont mis le feu aux poudres.
Il affirme que même si les coureurs ont souvent leurs propres filières d'approvisionnement en produits dopants, les directions des équipes sont au courant et offrent ponctuellement leur aide.
Le coureur a même mis en cause Armand Mégret, médecin de la Fédération française de cyclisme. Ce dernier a voulu démissionner mais la FFC lui a demandé de rester.
La plupart des responsables du monde du cyclisme nient pourtant toute responsabilité collective de leur milieu, y compris dans la difficulté des épreuves.
"J'ai entendu de grandes intelligences, de grandes consciences dire (...) que si les coureurs se dopent, c'est parce que les organisateurs et en particulier ceux du Tour de France font des Tours de France de plus en plus difficiles, de plus en plus longs. Mais c'est faux !", a déclaré ainsi samedi Marc Madiot, ancien coureur et patron de l'équipe Fdjeux.
Les nouvelles règles édictées par le ministre des Sports Jean-François Lamour au début de l'affaire Cofidis semblent encore minimales.
Les équipes ont ainsi été priées de se débarrasser de leurs "soigneurs" et autres "assistants techniques" chargés en théorie du massage des coureurs, mais qui sont fortement soupçonnés d'organiser le dopage, comme le Belge Willy Voet à Festina en 1998 ou le Polonais Bogdan Madejak à Cofidis.
Après que les auditions judiciaires dans l'affaire Cofidis ont montré que les équipes étaient parfaitement informées des contrôles, le ministère et l'UCI ont aussi promis officiellement de multiplier les "descentes" inopinées.
En février dernier, le responsable médical de l'UCI, Mario Zorzoli, avait affirmé qu'il reprendrait le dossier et s'était étonné publiquement que "certains coureurs disparaissent en cours de saison et notamment avant les grandes compétitions".
La pression sur le Tour de juillet sera d'autant plus forte qu'il risque d'être sportivement historique.
L'Américain Lance Armstrong tentera en effet d'y obtenir une sixième victoire consécutive, performance qui serait unique dans l'histoire de l'épreuve.
En 2003, un juge de Paris saisi de soupçons de dopage concernant son équipe, l'US Postal, avait rendu un non-lieu faute de preuves.
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