Frédéric Sugnot
La pilule de l’antidopage est amère pour Florent Brard. Il monte au créneau pour défendre sa profession : " Les cyclistes ne sont pas des bandits. "
Sur le port de Gênes, Florent Brard attend son tour comme les autres engagés du Tour d’Italie avant de monter sur le podium de présentation des équipes. Passe Mario Cipollini, le sprinter aux 42 victoires sur le Giro. Brard ouvre des yeux écarquillés : " Cipo, on a beau le connaître, ça reste un personnage. Heureusement qu’il y a des gars comme lui qui rendent le vélo un peu fun ", glisse admiratif le coursier de l’équipe belge Chocolat Jacques. Pourtant, Brard, vingt-huit ans, n’a rien d’un cadet. Professionnel depuis 1999, il a longtemps été présenté comme un grand espoir du cyclisme français. Avant que tout ne dérape subitement : un contrôle positif aux corticoïdes en 2002, un licenciement de son équipe Crédit agricole, six mois de suspension et puis un grand vide.
Mais reprenons l’histoire au début, c’est Brard qui raconte : " En 2002, après une chute en course, on m’a relevé avec une fracture du rocher, une autre d’une vertèbre dorsale je me suis aussi "fait" la clavicule. Saison finie. Je n’avais plus qu’à enchaîner les soins de kiné et de balnéothérapie pour avoir moins mal. Et puis un jour je me suis fait faire une infiltration. Je ne devais pas recourir de l’année. Seulement en août mon équipe m’appelle parce qu’il leur manque quelqu’un pour le Tour de l’Ain. Là-bas, je finis à 35 minutes du premier. Le tirage au sort me désigne pour le contrôle antidopage. Positif aux corticoïdes ! Manque de chance, je n’avais pas fait inscrire sur mon carnet médical la prescription de l’infiltration. "
Fin de l’histoire. Brard conclut d’une phrase : " J’ai bien tenté de m’expliquer. En vain. "
La pilule de l’antidopage est amère pour Florent Brard. Elle l’étrangle même un peu, mais il dit avec force : " Nous, les cyclistes, nous ne sommes pas des bandits ou des marginaux. C’est tellement facile de s’attaquer à nous parce qu’on a personne derrière nous. C’est tellement plus facile de taper sur nous parce qu’on représente une marque et pas un pays, un département ou une région comme les clubs de foot. On n’a aucun soutien politique. Pourquoi tant d’acharnement sur une seule profession ? On est des boucs émissaires. La France s’achète une belle vitrine bien propre sur notre dos pour avoir les Jeux à Paris en 2012. "
Une vitrine bien propre, peut-être, mais Brard n’ignore pas que l’arrière-cour de la boutique cycliste est encombrée d’affaires pas très nettes. Il courait en Espagne, par exemple, lorsque Jesus Manzano a expliqué en long et en large pendant une semaine dans le quotidien As les combines du dopage au sein de son ex-équipe Kelme. Il dit ne pas en être revenu : " J’ai d’abord compris pourquoi je me prenais parfois de sacrées " branlées " sur un vélo, pourquoi j’avais l’impression de ne pas avancer par rapport aux autres sur certaines courses. Son témoignage va très loin. Je me suis vraiment pris une claque. Chaque jour je lisais la presse et j’attendais la suite un peu comme pour Santa Barbara. Au début lorsque tu lis ça, tu te dis : " Merde, c’est encore le vélo qui trinque ! " Ensuite, tu raisonnes et tu te dis que son témoignage peut faire avancer les choses. "
Lui pense déjà en faire beaucoup pour prouver qu’il est un coureur propre. " Aujourd’hui, celui qui veut tricher prend des risques incroyables. Personnellement, je ne compte plus le nombre de fois où j’ai été contrôlé depuis le début de l’année entre les tests sur les courses, les contrôles inopinés et les fouilles par les douanes. " Voilà pourquoi il n’adhère pas au projet proposé par les coureurs français d’ouvrir leurs domiciles pour des contrôles inopinés. " Je ne suis pas pour cette mesure. En France, on a voté la loi des 35 heures et pour nous on voterait celle des 365 jours par an ? Quand je rentre chez moi, le vélo est au garage. "
Enfin, pour le moment, Brard est sur les routes du Giro. Avec l’envie de " retrouver son regard d’enfant sur le vélo ". Il dit : " Courir en Italie, pour un amoureux de ce sport, c’est toujours quelque chose de particulier, j’espère d’ailleurs que je serai toujours en course dans deux semaines pour escalader le Mortirolo et le Gavia, deux cols mythiques de l’histoire du cyclisme. "
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