3 mars 2004

La frontière entre suivi médical et dopage

Anthony PROST

Le dopage est-il la suite logique d'un suivi médical ? La démarche vient-elle toujours de l'athlète, peut-il y avoir dopage sans intention de tricher ? A travers ce dossier, nous essayerons de répondre à ces questions brûlantes.

Ledopage, on en parle tous, on le condamne presque tous, mais sait-on vraiment ce qui se cache derrière ce terme, les réalités qu'il recouvre ? D'ailleurs d'où vient-il ? La réponse est déjà un premier élément de trouble.

Le terme de dopage trouve son origine en Afrique. Il est tiré du mot « dop » qui, dans le dialecte employé par les Cafres, une peuplade noire d'Afrique australe, désignait une eau-de-vie consommée pour entrer en transe lors de fêtes religieuses. Il a ensuite été repris par les colons boers, puis anglais, et utilisé comme terme générique désignant des boissons stimulantes.

Aujourd'hui, le CIO entend par dopage tout usage volontaire ou involontaire de substances appartenant aux classes interdites. Mais sa définition originelle traduit surtout une volonté de stimuler ses facultés habituelles pour atteindre un niveau supérieur. Le passage à une conduite dopante, acte qui va être impulsé par le sportif ou son entourage, va donc le faire basculer dans l'illégalité.

Pourtant, en fixant un cadre au dopage, par des limites à ne pas dépasser, les institutions sportives ont fait certes un pas dans le sens d'une lutte claire contre ce fléau. Mais dans cette volonté de répression, elles ont aussi donné une latitude à ceux qui ont les moyens matériels et financiers pour s'approcher le plus près possible de la limite, voire même la dépasser s'ils ont la possibilité de prévoir les contrôles. La frontière entre suivi médical et dopage est devenue celle du pas vu, pas pris et, à l'image de Richard Virenque qui disait « ne jamais avoir été contrôlé positif, tout en avouant avoir pris des substances interdites », le dopé est aujourd'hui celui qui se fait pincer. Pas forcément le plus fautif, mais peut-être le « moins bien entouré ».

Le débat peut même rebondir en reprenant les aveux étonnants du Néerlandais Peter Winnen (après sa carrière) en 2000 : « Je n'ai pas hésité à prendre des stéroïdes anabolisants, une hormone de récupération, avec le risque d'être pris dans les trois mois suivants. Cela avait été décidé en concertation avec le soigneur et le directeur de l'équipe Peter Post. Mais je trouve qu'en tant que cycliste professionnel, je devais avoir le droit d'utiliser cela. Il ne s'agit pas de dopage, mais de médicaments. Il faut autoriser plus de produits. Car pour l'instant, la liste des produits interdits est inapplicable ».

Tout est dit, le cycliste professionnel doit être « préparé » et suivi médicalement pour aborder dans les « meilleures conditions » la pratique de son sport. Une façon de voir le cyclisme que l'équipe Festina a longtemps suivie et qui l'a amenée à utiliser l'EPO, l'hormone de croissance et autres amphétamines comme un accompagnement logique de l'effort. L'équipe PDM, qui avait quitté le Tour quelques années avant dans d'étranges circonstances, semblait avoir une vision assez similaire de la pratique d'un sport aussi éprouvant. Et le cataclysme de 1998 a semblé faire prendre conscience à certains que la frontière entre suivi médical et dopage existait.

Pour définir une frontière plus affirmée entre préparation physique en liaison avec des médecins et dopage, il suffit de comparer les effets d'une préparation naturelle et d'un recours à un dopage qui va artificiellement augmenter les performances. Cette comparaison va nous permettre de mieux appréhender les différences, même si certaines pratiques peuvent continuer à entretenir le flou. Ainsi le recours au masque à oxygène lors des rencontres de football américain est-il une pratique dopante ? Qu'en est-il de l'électrostimulation ? Ou encore des chambres hypoxiques qui recréent les conditions d'altitude sans les inconvénients et qui sont vendues sur internet ? Dans tous les sports, et notamment les sports d'endurance, les athlètes font parfois des stages en altitude pour augmenter naturellement la production de globules rouges et l'oxygénation sanguine. Ces stages qui entrent dans une optique de préparation offrent selon les études un gain de 1 à 2 % de performance. Certaines astuces comme l'ingestion de gélules de bicarbonate avant une course peuvent améliorer les performances de 5 à 7 % en demi-fond (800 ou 1 500 mètres). De l'autre côté, l'érythropoïétine, sorte de substance « phare » du dopage, ne fait pas de détails quand à ses résultats. « Après une cure d'EPO, j'avais l'impression d'avoir des réacteurs greffés sur les mollets. La fatigue n'était pas éliminée, mais je roulais 5 km/h plus vite qu'avant » (Jérôme Chiotti, 2000) ; « avant l'EPO, je faisais du vélo. Après, j'ai eu l'impression de rouler à mobylette » (Erwann Menthéour, 1998) ; ou encore : « C'est un produit fantastique mais mortel. Celui qui utilise l'EPO peut considérer que ses performances seront de 12 à 15 % supérieures » (Eddy Plankaert, 1998).

Si le cyclisme est clairement touché par le dopage, d'autres sports d'endurance et de puissance ne sont pas épargnés par la volonté de toujours s'entraîner plus avec toujours plus d'intensité et pour des résultats toujours plus spectaculaires. L'entraînement apparaît d'ailleurs comme le nouveau foyer d'un dopage qui a pris le pas sur la préparation physique.

Combien d'athlètes sont aujourd'hui pris dans les mailles du filet lors des périodes d'entraînement. Car c'est à ce moment-là que se jouent désormais les médailles ou les trophées.

Récemment, Justine Hénin a été montrée du doigt par le clan de Kim Clijsters pour son développement physique étonnant, comme l'avaient été auparavant les sœurs Williams. Quand on sait que la nandrolone est aujourd'hui le plus sûr moyen de diminuer la fatigue et d'augmenter la quantité d'efforts, on comprend mieux pourquoi bon nombre de joueurs se retrouvent avec des quantités de nandrolone troublantes dans leurs urines.

L'athlétisme est pourtant le sport le plus touché en ce début d'année 2004 avec la sombre affaire de la THG, un stéroïde anabolisant indécelable fabriqué par les laboratoires BALCO.

Pour répondre à des déficiences en vitamines et minéraux de certains athlètes, le laboratoire de Victor Conte donnait des compléments alimentaires censés améliorer les performances sans risque de contrôle positif. Les résultats étaient là et les athlètes en étaient les premiers satisfaits. Mais sous l'apparente légalité se cachait un stéroïde indétectable qui réduisait la fatigue et améliorait la résistance à l'effort. Une autre forme du dopage puisque là, l'athlète laissait à son « médecin » le champ libre pour flirter avec la frontière. Une frontière qui allait être franchie grâce à un envoi anonyme d'une seringue contenant du THG.

L'athlète était-il devenu le cobaye de la science ? Après avoir longtemps géré sa conduite dopante, le sportif ne va-t-il pas devenir à terme un sujet d'expérimentation ?

La classification Classe A : les stimulants (cocaïne, éphédrine, amphétamines, caféine) Classe B : les narcotiques (cannabis, haschisch, morphine) Classe C : les anabolisants (nandrolone, clenbutérol, hormone de croissance, testostérone, THG, salbutamol) Classe D : les diurétiques (probenecide) Classe E : les hormones peptidiques (EPO, Nesp, insuline, PFC) Outre ces cinq catégories, le dopage sanguin (par transfusion) et la prise de corticoïdes sans certificat médical sont également interdits


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Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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