26 mars 2004

Dopage. Un cycliste espagnol détaille le procédé d'autotransfusion sanguine.

EPO : comment en prendre
sans se faire prendre

Blandine HENNION

Les implacables confessions de Jesus Manzano, ex-coureur de la Kelme, s'étalaient hier, pour la deuxième fois, en une du quotidien espagnol AS. Dans ce nouvel article, le coureur castillan, âgé de 25 ans, explique qu'il est devenu, à grands coups de braquet, un expert en pharmacologie. Et les pratiques dopantes auxquelles il s'est livré sont si diverses qu'il en garde sous le pied. A venir, donc, un cours sur le bon usage de la testostérone, la prise de nandrolone en hiver ou celle d'Actovegin (hémoglobine synthétique). «Il reste beaucoup de choses à expliquer. Nous le ferons dans les prochains jours», conclut l'article d'hier, intitulé : «Comment se dope un cycliste, chapitre II.»

Après avoir raconté, la veille, comment son évanouissement dans l'étape de Morzine du Tour de France 2003 n'était pas dû à la chaleur caniculaire mais à la prise d'une substance nouvelle, le coureur confirme le grand retour des autotransfusions comme pratique dopante (Libération du 23 janvier).

Danger. Depuis que l'EPO est décelable dans l'urine, les coureurs font des cures hors saison et se prélèvent du sang qu'ils se réinjectent pendant les grandes courses. Ils améliorent ainsi leur hématocrite tout en restant négatifs.

Manzano est précis : ces cures d'EPO ont porté son hématocrite jusqu'à 56 %, 6 points au-dessus du seuil de mise au repos obligatoire décidé par l'UCI (Union cycliste internationale). La santé du coureur était alors mise en danger. «Je faisais sonner l'alarme du téléphone toutes les deux heures et prenais des tonnes d'aspirine pour diluer le sang», raconte le coureur qui aurait pu mourir, tant son sang était épais. Montant d'une de ces cures : 590 euros les 60 000 unités d'EPO. L'Eprex, la marque d'EPO la plus courante, est dosée à 4 000 unités.

L'efficacité était imparable. «C'est très facile de se jouer des vampires de l'UCI», poursuit le cycliste. Les contrôleurs préviennent l'équipe : «Il suffit d'envoyer d'abord les coureurs dont l'hématocrite est bas. Cela laisse une demi-heure aux autres.» Pendant ce laps de temps, il faut s'injecter de «l'albumine humaine, un produit cher, 120 euros la dose, ou du sérum au glucose pour diluer le sang», et, en une demi-heure, le coureur peut faire baisser le taux de 4 points. Encore faut-il la complicité de tiers, car l'opération nécessite un cathéter dans chaque bras.

Certaines marques sont particulièrement prisées, tel le sérum Hemoce du laboratoire Aventis, car, selon Manzano : «Tu ne gonfles pas.» Le coureur raconte qu'à défaut d'être positif il endurait tout de même un véritable enfer les jours de contrôle : il lui fallait se traîner ce litre de liquide qui clarifie le sang : «Si l'UCI faisait ses contrôles le soir, avec cinq minutes de délai au lieu d'une demi-heure, on serait tous positifs en montagne.»

Se cacher. L'EPO fait donc bien plus monter l'hématocrite que les stages en altitude : «On ne passe pas en quinze jours de 46 à 50 d'hématocrite. On va à la montagne pour se cacher. Avec la peur des contrôles, il vaut mieux être en voyage.»

La précision des confessions de Manzano a conduit le ministère espagnol des Sports à ouvrir une enquête. Les instances cyclistes sont moins pressées. Pour l'UCI, le coureur se livre à un «jeu de massacre». Déjà, lors de l'affaire Cofidis, le président de l'UCI avait nié l'existence d'une affaire pour parler de quelques brebis galeuses.

La fédération espagnole va, elle, porter plainte contre le coureur, tandis que la Kelme fait travailler les avocats de l'équipe. Quant aux organisateurs de grands tours, ils se gardent bien de se prononcer. Le Giro se réserve le droit de conserver Kelme en 2004. Le Tour de France, qui pourrait accueillir Kelme comme 22e équipe cet été, se dit «attentif».


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Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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