Plombé par les affaires de dopage et la mort de Marco Pantani, le début de saison s'effectue dans une ambiance maussade. La "course au soleil", qui s'achève dimanche, n'y a rien changé. Lassés d'être montrés du doigt, les coureurs frisent le "ras-le-bol".
Stéphane Mandard
Un rayon de soleil. Après le décès de Marco Pantani et l'affaire de dopage qui a touché l'équipe Cofidis, Jean-Marie Leblanc, le patron du Tour de France, comptait sur le premier grand rendez-vous de la saison cycliste pour redorer le blason encore un peu plus écorné de son sport. " Le cyclisme ne mérite pas l'opprobre qu'on veut lui jeter. Paris-Nice donnera l'occasion d'une vraie et forte réhabilitation du sport cycliste, avec l'aide de la grande majorité des coureurs qui ne trichent pas, la confiance des médias et l'affection du public", avait déclaré en substance le directeur de l'épreuve lors de la divulgation, mi-février, du parcours de l'édition 2004 de la "course au soleil".
L'acharnement des médias
Las. Dès le départ du prologue, à Chaville (Hauts-de-Seine), dimanche 7 mars, d'épais nuages noirs avaient rattrapé les coureurs avant même qu'ils ne s'élancent. La nouvelle avait fait le tour des équipes : les prélèvements capillaires pratiqués, le 22 janvier, sur Cédric Vasseur dans le cadre de l'enquête sur un trafic présumé de produits dopants, avaient révélé la présence de cocaïne.
Le coureur de Cofidis clame son innocence. Jean-Marie Leblanc " n'arrive pas à ne pas croire Vasseur". Son directeur sportif, Francis Van Londersele, dénonce l'acharnement des médias à l'encontre du cyclisme en général et de sa formation en particulier et estime que " le public en a marre qu'on s'en prenne aux coureurs". Francis Lafargue, le porte-parole de l'équipe espagnole Illes Ballears-Banesto affiche la même opinion : " Il y a un acharnement des journalistes qui frise le ridicule. Paris-Nice est ma première course en France cette année, et je me retrouve dans un climat très morose où l'on ne parle que de dopage, se plaint l'ancien traducteur attitré de Miguel Indurain. Ce qui nous console, c'est qu'il y a encore beaucoup de monde au bord des routes."
Après la ligne d'arrivée, une dizaine de fans à la foi vélocipédique inébranlable mitraillent Richard Virenque et lui demandent des autographes pendant que le coureur français se change à l'intérieur d'une voiture. Un jeune d'une vingtaine d'années, casquette Cofidis vissée sur la tête, essaie en vain d'entamer la conversation avec des coureurs. " Un mec comme Vasseur, qui passait pour le leader des coureurs propres, qui se fait prendre à la cocaïne, je vais finir par croire que tous les pros sont dopés !", s'interroge-t-il. Au bord de la route, quatre motards de la Garde républicaine se demandent en quoi la cocaïne peut améliorer les performances. " Ça fouette !", assène l'un d'eux.
" Il y a un délit de sale gueule qui est difficile à vivre", témoigne Jean-René Bernaudeau, le manager de l'équipe Brioches-La-Boulangère. Son chef de file, Sylvain Chavanel, cache mal sa lassitude et la tentation qui l'a parcouru de raccrocher le vélo.
" On tire un peu trop sur l'ambulance, estime un consultant qui gère les intérêts financiers d'une quarantaine de cyclistes. Les coureurs en ont ras-le-bol. Entre les contrôles antidopage et les bilans de santé exigés par les assureurs, ils disent qu'ils n'auront bientôt plus de place sur les bras pour les prises de sang." En marge du congrès de la Fédération française de cyclisme (FFC), son président, Jean Pitalier, a pourtant dû reconnaître qu'" un tiers du peloton ne joue pas encore le jeu".
David Moncoutié, qui avait terminé à plus d'une heure et demie de Lance Armstrong lors de la dernière Grande Boucle, avait à l'époque reconnu son incapacité à suivre le rythme du Tour du centenaire. " Je m'étais posé la question du retour du dopage, confirme aujourd'hui le coéquipier de Cédric Vasseur. Tout n'est pas complètement réglé, bien sûr, mais je continue de penser qu'on peut faire carrière chez les pros sans se doper."
Le couroux de certains
Après l'incarcération du soigneur Bogdan Madejak, en janvier, dans le cadre de l'affaire Cofidis, le ministère des sports a décidé d'interdire aux soigneurs de pratiquer des massages sur les coureurs. Sur Paris-Nice, les équipes françaises ont dû recourir à des kinésithérapeutes professionnels. Non sans une certaine réticence. Vu de l'étranger, on assure qu'on se pliera à la loi mais qu'" on frise le ridicule". " Il n'y a pas que des voyous dans le cyclisme, s'offusque Francis Lafargue. Les soigneurs sont des gens respectables et indispensables dans notre milieu."
L'annulation de la quatrième étape de Paris-Nice, entre Roanne et Le Puy-en-Velay, mercredi 10 mars, après 55 kilomètres de course, à cause de la neige, a également attisé le courroux de certains et un peu plus renforcé la morosité ambiante. " Le vélo est un sport difficile : ce n'est pas comme le tennis, où l'on s'arrête quand il pleut, reprend le porte-parole de la formation Illes Balears-Banesto.Il y a vingt ans, on n'arrêtait pas Paris-Nice parce qu'il neigeait ! Le sport doit reprendre ses droits. Et il faut un coup de main des journalistes."
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