15 mars 2004

"Dans le camping-car, on tire le rideau
et le médecin nous fait la piqûre"

Stéphane Mandard

Quand il a débarqué chez les professionnels, en 1994, Philippe Gaumont était "hyper-naïf" : "J'avais du mal à imaginer que des piqûres m'attendraient dans un camping-car d'équipe cycliste", dit-il. Il ne s'attendait pas non plus à ce qu'avant les contre-la-montre le "médecin d'équipe" lui injecte, comme il le raconte aujourd'hui, " un Fonzylane en intraveineuse pour dilater les veines et les artères afin que le sang passe bien. Une caféine injectable pour m'énerver. Un petit cachet de Théostat pour bien respirer. Du Nootropyl pour être concentré. Et un petit peu d'antalgique pour reculer la douleur."

" Après, avec tout ce qu'on lui a mis, le cheval de course part comme une fusée, assure cet ancien spécialiste de l'effort solitaire, médaillé de bronze du 100 km par équipes aux Jeux olympiques de Barcelone, en 1992. Dans le box, le cheval, on le fouette un peu pour l'exciter. Nous, dans le camping-car, on tire le rideau et le médecin nous fait la piqûre avant d'aller au chrono."

La "Gomme", comme on le surnommait dans le peloton, est passé professionnel à une époque où, dit-il, "si tu ne te dopais pas, tu étais viré au bout d'un an". Il aura tenu six mois sans rien prendre : "En juin [1994], le médecin de l'équipe m'a injecté un Kenacort. Une fois cette barrière de l'interdit levée, tout s'est enchaîné." L'hiver, il goûte aux amphétamines avec le "pot belge". La saison suivante, il commence à attaquer la testostérone. En 1996, l'EPO. En 1997, l'hormone de croissance. Depuis, il assure n'avoir touché à aucun nouveau produit.

Il termine 130e du Tour 2003, où il assure n'avoir pris qu'un peu de cortisone. "Je tirais la langue derrière les motos", se souvient-il. En novembre, sur les conseils d'un coéquipier, il décide pour la première fois d'aller voir l'un de ces médecins italiens qui préparent les vedettes du peloton. "Je n'avais le droit de poser aucune question. Il me donnait seulement des éléments alléchants : Je vais te faire entrer dans les 100 meilleurs mondiaux."

Pas d'autre choix
Prix de la première "consultation" : 3 000 euros. Coût du programme et les produits pour toute la saison : 10 000 euros. "Il m'avait donné un premier traitement et je devais retourner le voir en janvier pour qu'il me donne des poches de transfusions sanguines prêtes à l'emploi, contenant un liquide bien spécifique, et m'explique comment on allait procéder." Interpellé le 20 janvier, à son retour de stage, le coureur de Cofidis n'aura pas eu le temps d'éprouver le protocole transalpin.

"Tout ce qu'on prend, c'est pour faire notre métier correctement, explique-t-il. Le dopage n'est pas à proprement parlé organisé, mais des incitations indirectes ne te laissent pas d'autre choix." Un coureur professionnel doit "marcher" de mars à juin, précise-t-il. "Il a quatre mois pour faire ses preuves, car les équipes sont pratiquement bouclées pour la saison suivante à la fin du Tour de France." Pour être performant pendant ces quatre mois, il n'y a pas de miracle : "Il faut se préparer !" Sinon ? "C'est la porte !"

Son employeur, Cofidis, l'a licencié pour avoir reconnu publiquement s'être dopé. "J'assume les fautes que j'ai commises, mais c'est tout un système qui nous pousse au dopage et qui doit être jugé", se défend Philippe Gaumont, qui attend l'heure du procès pour tourner définitivement la page du vélo.


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Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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