L'Espagnol Jesus Manzano a expliqué comment il était passé tout près de la mort en juillet 2003 à cause du dopage.
Une image. Succincte mais bien vivace. Rappelez-vous. C'était le samedi 12 juillet dernier, dans le col de Portes. Jesus Manzano, alors sous les couleurs de l'équipe Kelme-Costa Blanca, portait une attaque en compagnie d'un Richard Virenque en route vers le Maillot Jaune du Tour de France. L'Espagnol démarrait sous la chaleur puis s'effondrait au bord de la route, victime d'un malaise. Ce jour-là, si crédules que nous sommes, nous avions mis cette subite défaillance sous l'effet conjugué de l'effort et de la canicule. Aujourd'hui, la vérité a éclaté. Licencié de sa formation pour avoir eu des relations sexuelles avec une amie au cours de la dernière Vuelta, Jesus Manzano est aujourd'hui au chômage. Pour se venger, il a décidé de tout balancer sur des pratiques dopantes persistantes dans le cyclisme. Sans tabou, l'ancien coureur de 25 ans a livré ses accusations au quotidien espagnol As. Dans une première partie publiée aujourd'hui, Jesus Manzano revient ainsi sur l'épisode de juillet.
"C'était la première étape de montagne et ce matin-là, j'ai essayé une substance que je n'avais jamais expérimenté, déclare-t-il dans As. Cette substance se prend en fonction de ton poids. Elle s'injecte dans une veine et elle te permet d'avoir un hématocrite bas mais une hémoglobine haute. J'avais pris 50 millilitres de ce produit. Avant de partir, j'étais dans le Village, je parlais au téléphone avec ma fiancée Marina, et je lui avais dit : "prépare-toi car aujourd'hui je vais bien marcher". Il s'est trouvé qu'une échappée est partie avant le premier col. Là, je me suis extrait du peloton avec Richard Virenque. Soudain, je me suis senti bizarre, comme après une sortie de 200 km, que tu roules par inertie et avec les bras sans force. Je ne pouvais pas enlever cette sensation d'endormissement que j'avais dans les mains. J'ai commencé à avoir une sensation de mal de mer, avec beaucoup de chaleur et des sueurs froides, des contrastes de chaleur et de froid, surtout du froid. Quelqu'un m'a dit que je me suis jeté à terre. Je ne me rappelle plus de rien."
Il semble en fait que le produit utilisé avait été mal conservé et avait tourné sous l'effet de la chaleur. De conservation justement, Jesus Manzano en parle. "La loi française nous interdit de transporter des boîtes de vitamines. Il y a donc des gens qui se disposent à garder ces médicaments. Tu peux acheter les médicaments pour la récupération en cours de route mais il y en a d'autres qui ne s'achètent pas car réservés à un usage hospitalier." Ces produits sont donc stockés dans la voiture d'un membre proche de l'équipe. Chaque coureur doit verser de l'argent à cet individu pour sa sombre besogne. Jesus Manzano déclare ainsi avoir payé 3000 euros pour que ses produits l'accompagnent pendant le Tour de France. Cela peut rappeler étrangement la voiture pharmaceutique d'Edita Rumsas en juillet 2002. Concernant la prise de produits durant le Tour, Jesus Manzano déclare que les produits ingurgités avant le Tour suffisent à tenir la première semaine. Il témoigne également de l'utilisation de transfusions sanguines.
Quelques jours avant le départ du Tour, Jesus Manzano s'est ainsi injecté un demi-litre de sang. Après son abandon subit, alors qu'on murmurait la positivité de Javier Pascual-Llorente, il fait allusion à l'appel de son directeur sportif, qui lui aurait ordonné d'effectuer une nouvelle transfusion. Mal remis de son malaise, Jesus Manzano se plie aux ordres et se rend à Valence. "On m'a montré ma poche de sang mais le nom de Manzano ne figurait nulle part, poursuit-il dans As. Il n'y avait aucun indice. Cela pouvait tout aussi bien être la poche d'un autre. Le médecin a préparé la poche de sang, l'a accroché à un pied. Je me suis assis sur un lit alors que ma fiancée était dans la salle d'attente. Il faisait chaud. Le sang s'écoulait dans mes veines et quand il a atteint 125 ml, j'ai commencé à me trouver très, très, très, très mal. J'avais aussi froid que si j'étais au Pôle Nord. Ils m'ont mis entre 125-175 ml. Je ne sais pas ce qui me serait arrivé s'ils m'avaient injecté la poche entière." Rentré en train dans un état critique, Jesus Manzano a fait un malaise. L'ancien coureur déclare être passé tout près de la mort une seconde fois.
Dans la suite de ses révélations, Jesus Manzano a expliqué comment utiliser l'EPO et tromper un contrôle inopiné.
Le quotidien As, qui a obtenu l'exclusivité des dérangeantes révélations de Jesus Manzano, a publié aujourd'hui une seconde partie consacrée à la prise des produits et au contournement des contrôles. Le sujet est vaste et les informations communiquées par l'Espagnol bien sommaires, si bien que le coureur a promis de s'exprimer davantage dans les jours à venir. Décrédibilisé par de nombreux organismes, Jesus Manzano essaie aujourd'hui d'apporter des preuves à ses dénonciations. Il rappelle ainsi qu'en août 2003, quelques jours après l'annonce de la positivité à l'EPO de son coéquipier Javier Pascual-Llorente, la formation.
Kelme abandonna en masse le Tour du Portugal. Les raisons invoquées par Manzano sont simples : la formation espagnole aurait pris peur de se faire à nouveau contrôler et aurait donc quitté l'épreuve avant qu'un nouveau cas de dopage ne soit avéré. A chacun de juger si ces arguments se tiennent ou non...
Dans ce second épisode, Jesus Manzano entre dans le vif du sujet. Il évoque deux utilisations de produits en priorité : l'EPO à l'entraînement et l'hormone de croissance en course. "Si un coureur se prépare pour un grand tour, il prend de l'EPO, de l'hormone de croissance, quelques trucs encore, explique-t-il dans As. J'ai entendu parler un jour d'un type d'EPO qui ne se détecte pas mais je ne l'ai jamais vu, je ne le connais pas. Je connais l'Eprex, le Neorecormon, l'Epocrin, qui est de l'EPO russe. Il y en a aussi de l'espagnol, une mexicaine qui s'appelle Epomax. Avant d'arriver sur les courses, tu te prépares avec ça. L'EPO s'utilise à certains moments, selon les piques de forme. Moi, j'arrêtais les prises quinze jours avant une épreuve. Si tu veux que le traitement agisse rapidement, tu l'appliques par voie intraveineuse. Mais si tu veux qu'il te dure plus longtemps, il est injecté par voie sous-cutanée."
L'EPO, non détecté systématiquement dans les contrôles, est utilisé afin de compléter le taux hématocrite naturel et s'approcher au plus près du seuil limite des 50 %. Un coureur qui possède un taux de 42 % pourra ainsi grimper de huit points. Un autre qui possédera un taux de 48 % sera limité à 2 points, donc exposé à des doses moins fortes. Les doses sont prises à l'entraînement et cessées quinze jours avant la reprise des courses. Afin de fuir les contrôles inopinés à domicile, Jesus Manzano explique que le meilleur moyen pour les coureurs est de voyager et d'échapper ainsi à la vigilance des médecins. Les hormones de croissance, non détectables, sont quant à elles utilisées en course et sans aucune limite. Manzano explique qu'un traitement de dix à quinze jours s'impose avant de participer à un grand tour. Il est aussi possible de prendre de petites doses de 0,4 milligrammes pendant la course. Ces produits, non délivrés sans ordonnance, sont importés de l'étranger, notamment d'Australie, et valent pour certains jusqu'à 540 euros.
Mais comment contourner les contrôles inopinés au matin des compétitions ? "Actuellement, il n'est pas difficile de tromper les vampires de l'UCI, poursuit Jesus Manzano. Tu as un temps mort d'une demi-heure entre le moment où ils t'informent et le moment où tu passes au contrôle. Les coureurs qui savent qu'ils ont les valeurs les plus basses passent d'abord. C'est une pratique pour gagner du temps. Les médecins de l'équipe sont toujours en alerte. Automatiquement, le reste du groupe, ceux qui ont les valeurs les plus élevées, prennent de l'albumine humaine, un sérum de glucose, et passent au contrôle le plus tard." Ce produit miracle, qui dilue le sang, coûte 120 euros. Pour faire tomber ses anciens camarades, Jesus Manzano préconise donc des contrôles inopinés le soir à 19 heures, avec seulement cinq minutes de délai entre l'annonce et le contrôle. Et si le meilleur moyen de donner du crédit aux accusations de Manzano était tout simplement d'appliquer cette méthode ?
page mise en archives par SVP