TERMONDE (AFP) - Le cycliste belge Frank Vandenbroucke, jugé depuis lundi pour dopage, pourrait être condamné à une simple sanction de principe si le tribunal correctionnel suit l'avis du procureur, qui a réclamé une "peine alternative" à l'encontre de l'ancien enfant terrible des pelotons.

"Malgré le très mauvais signal que vous, sportif de haut niveau, envoyez à la jeunesse et à la société, vous ne devez pas être jugé pour l'exemple. Une peine de travail d'intérêt général devrait suffire", a expliqué le procureur, Philip Van Linthout, en s'adressant à Frank Vandenbroucke, assis sur le banc d'une petite salle bondée et surchauffée du palais de justice de Termonde (nord).

Poursuivi pour détention et importation illégale de produits interdits et atteinte à la législation sur les stupéfiants, "VDB" risque d'un mois à cinq ans de prison ferme. Mais le 6 décembre prochain, lors du verdict, il pourrait s'en sortir avec, au maximum, une peine qualifiée "de principe" par ses avocats.

Sanction que le conseil de Vandenbroucke, Me Luc Deleu, espère encore éviter. L'avocat a demandé lundi que le tribunal se déclare incompétent, les questions de dopage en Flandre étant selon lui du ressort exclusif de la "commission disciplinaire" de la Communauté flamande.

"Le décret flamand de 1991 exclut explicitement l'intervention du tribunal correctionnel dans les affaires de dopage", a déclaré Me Deleu, en soulignant que son client avait bel et bien été sanctionné par la Communauté flamande, qui l'avait suspendu du 1er septembre 2002 au 28 février 2003.

"Frank Vandenbroucke est devant le tribunal uniquement parce qu'il s'appelle Vandenbroucke. Depuis 1991, en Flandre, aucun autre sportif de haut niveau n'a jamais été poursuivi pénalement" pour dopage, a assuré l'avocat du coureur.

L'affaire avait débuté le 27 février 2002 quand la police de Termonde avait découvert des produits suspects dans la voiture du soigneur français Bernard Sainz, connu dans le peloton sous le sobriquet de "docteur Mabuse". Bernard Sainz avait indiqué avoir passé la nuit précédente chez Vandenbroucke.

Une perquisition au domicile de l'ancien vainqueur de Liège-Bastogne-Liège avait alors révélé la présence d'un lot important de produits dopants et hormonaux - neuf au total, dont de l'EPO, des hormones de croissance, des produits euphorisants, des amphétamines et de la morphine - que le coureur reconnaîtra avoir utilisés, niant cependant en avoir fait le trafic.

"Coupable au regard de la loi et donc sanctionnable, M. Vandenbroucke doit être puni comme usager et non comme +dealer+", a estimé le procureur, à qui Frank Vandenbroucke a refusé de livrer le nom de ses fournisseurs. "Nous aurions volontiers poursuivi les gros poissons du commerce des hormones mais Vandenbroucke a préféré se taire", a regretté le procureur.

Une condamnation pénale serait "disproportionnée", VDB ayant "déjà beaucoup payé", estimait par contre son avocat. "Après la perquisition, Frank avait été intimidé et promené menottes aux poings devant les caméras tel un trophée de chasse lors d'un +show+ monté par les enquêteurs", argumentait Me Deleu.

Frank Vandenbroucke, 30 ans, est actuellement sous contrat avec l'équipe belge MrBookmaker. Malgré une 2e place au Tour des Flandres 2003, il a surtout été question dans la presse, depuis son retour à la compétition, de ses ennuis physiques, de ses périodes de dépression nerveuse et d'une vie privée mouvementée.

Le coureur de Ploegsteert (nord-ouest), miné par une vie privée chaotique et des ennuis extra-sportifs à répétition, apparaît aujourd'hui comme un prodige décadent qui a gâché son immense talent.

"Bimbo", qui avait survolé les catégories de jeunes avant de passer professionnel à l'âge de 19 ans, est considéré depuis longtemps comme un surdoué mais aussi comme un homme fragile.

Sa carrière météorique culmine en avril 1999, quand il gagne Liège-Bastogne-Liège, la "Doyenne" des classiques, en ayant annoncé au préalable le lieu exact de son démarrage victorieux.

Moins d'un mois plus tard, son nom est cité dans l'affaire dite Sainz-Lavelot et "VDB" - "blanchi" par la suite - est suspendu à titre provisoire par sa formation Cofidis.

Hormis une flambée à l'automne 1999, avec deux victoires d'étape dans la Vuelta, la suite s'apparente à une tumultueuse descente aux enfers.

En conflit avec ses équipes (Cofidis puis Lampre, Domo, Quick Step et Fassa Bortolo), il multiplie forfaits et absences et plonge régulièrement dans la déprime.

Soigné à plusieurs reprises pour dépression nerveuse, surpris à deux occasions en état d'ivresse au volant d'une de ses grosses voitures en 2002, il n'a alors plus l'hygiène de vie d'un sportif de haut niveau.

Le 27 février 2002, à la veille du circuit Het Volk, une perquisition à son domicile permet aux enquêteurs de mettre la main sur un lot important de produits dopants et hormonaux. La photo du coureur, emmené menottes aux poings, fera la "une" des quotidiens.

Beaucoup d'observateurs annoncent sa fin de carrière mais Vandenbroucke remonte sur le vélo après une suspension de six mois. En 2003, avec une deuxième place au Tour des Flandres sous le maillot de Quick Step, il renaît à l'ambition.

La Belgique, passionnée depuis le début par l'itinéraire de cet enfant gâté, ne demande qu'à croire en ce retour en grâce. Mais l'optimisme est de courte durée.

Après un début de saison encourageant en 2004, il dérape à nouveau. En juillet dernier, lors d'une dispute conjugale dans son salon, il tire en l'air pour effrayer sa femme, Sarah, mère de leur fille Margaux.

Licencié par Fassa Bortolo suite à cette nouvelle affaire, Vandenbroucke retrouve de l'emploi chez MrBookmaker. Mais, fragilisé par la procédure de divorce et l'éloignement de sa fille, tracassé par le procès pour dopage à Termonde, VDB apparaît aujourd'hui fatigué.

Et, même si ses supporteurs sont toujours très nombreux, ceux qui croient vraiment en son retour au sommet sportif sont de plus en plus rares. Il n'a plus gagné une course depuis plus de quatre ans...

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