22 septembre 2004

Mauvais sang ne saurait mentir

Frédéric Sugnot

Mauvais sang ne saurait mentir. La libre adaptation de ce proverbe populaire convient parfaitement au cas du cycliste américain Tyler Hamilton. Le champion olympique du contre-la-montre à Athènes, a en effet fait, hier, l’objet d’un contrôle antidopage positif pendant le Tour d’Espagne. Du banal jusque-là. La méthode l’est moins en revanche pour les contrôleurs de l’Union cycliste internationale (UCI).

Dans l’attente de la contre-expertise, le coureur du Massachusetts a été pris pour transfusion sanguine. C’est le premier contrôle positif du genre dans l’histoire de la lutte antidopage. Leader de l’équipe suisse Phonak, Hamilton ne pourra pas prétendre qu’il n’a pas été prévenu. Avant la première étape du Tour d’Espagne, les instances de l’UCI avaient prévenu que cette Vuelta serait placée sous le sceau de la lutte antidopage.

Selon le quotidien sportif ibérique AS, l’Agence mondiale antidopage (AMA) et l’UCI avaient d’ailleurs dressé avant le départ une liste noire des coureurs les plus suspects, en se basant sur leurs analyses biologiques des années antérieures, leur envoyant même des courriers pour les prévenir qu’ils avaient de grandes chances d’être contrôlés.

Pris les doigts dans la confiture
Héros malheureux du Tour de France 2003, Tyler Hamilton bénéficiait peut-être d’une cote de sympathie qui lui octroyait le bénéfice du doute. Du moins auprès des aficionados de la petite reine. Son histoire a marqué. Il y a un peu plus d’un an, le coursier de Marblehead franchissait les cols les plus pentus des Alpes sur un seul bras. À trente-trois ans, l’ancien lieutenant de Lance Armstrong à l’US Postal sidérait chaque jour les observateurs de la Grande Boucle en continuant son périple sur les routes du Tour de France malgré deux lignes de fracture décelées à la clavicule droite. À l’époque, le médecin du Tour s’enthousiasmait presque : « Sa seule limite, c’est la souffrance. » Le bras en écharpe, Hamilton finira quatrième de cette édition 2003 du Tour.

Cette fois, il s’est fait prendre les doigts dans la confiture. Vainqueur de la huitième étape de la Vuelta le 11 septembre dernier, un contre-la-montre de 40,1 kilomètres, l’Américain avait abandonné la course six jours plus tard. Officiellement pour « des maux d’estomac » et parce qu’il souhaitait se consacrer à la préparation du championnat du monde à Vérone (Italie), programmé le 3 octobre prochain. Ce jour-là, à peine descendu du podium, il disait : « Évidemment, je suis très satisfait de cette victoire mais je dois je ne sais pas où j’en suis de ma condition physique. Je sors juste de ma préparation pour les JO. »

L’homme qui avait aussi ému et amusé le Tour de France 2004 avec l’histoire de son chien Tugboat terrassé par un cancer, avait ajouté en ce jour du troisième anniversaire du crash des tours jumelles de New York : « Je dédie ma victoire à toutes les victimes du 11 septembre 2001. »

Un hommage désarmant de sincérité
À vrai dire, Tyler Hamilton est un spécialiste des déclarations désarmantes de sincérité. À peine descendu de l’Olympe après son titre olympique à Athènes en août dernier, Hamilton avait étonné en rendant un hommage appuyé à son préparateur physique italien Luigi Cecchini. Réputé dans les milieux cyclistes, Cecchini a longtemps servi les intérêts du Danois Bjarne Riis, lauréat du Tour de France 1996 et connu pour défier les normes humaines avec des hématocrites largement au-dessus de la moyenne. Plus prosaïquement, le nom du docteur Cecchini a également été cité en 1998 dans une enquête sur une pharmacie de Bologne estampillée plaque tournante d’un vaste trafic de produits dopants. Autant d’éléments que semblaient ignorer Tyler Hamilton jusqu’à hier.

Seulement, une méthode mise au point par un institut d’hématologie de Sydney permet dorénavant de distinguer des « petites populations de cellules antigéniquement distinctes. » En décrypté, dès lors qu’il y a des populations différentes de globules rouges, il est possible de déterminer avec certitude s’il y a eu transfusion sanguine. Une méthode vieille comme Moser. Francesco, ancien recordman du monde italien de l’heure.


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Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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