23 septembre 2004

Apprentis sorciers, le retour

Entretien réalisé par Frédéric Sugnot

Première « victime » de la méthode d’un institut d’hématologie de Sydney, le champion olympique du contre-la-montre Tyler Hamilton a été contrôlé positif sur le Tour d’Espagne pour avoir eu recours à une transfusion sanguine. Dans l’attente du résultat de la contre-expertise, qui sera annoncé dans les prochaines heures, l’Américain, voisin de Lance Armstrong à Gérone (Espagne), nie : « Je ne vais pas risquer ma vie et celle de ma femme avec une transfusion sanguine. »

Hématologue, président de l’Institut biotechnologique de Troyes, Gérard Dine nous explique le retour en vogue d’une vieille technique de dopage du milieu sportif.

D’abord, pouvez-vous nous détailler la méthode qui a permis de confondre Tyler Hamilton, une première dans l’histoire de l’antidopage...

Gérard Dine. À partir de la prise de sang, on met en évidence qu’il y a deux populations de globules rouges. Les analyses cherchent à repérer les groupes sanguins rares qu’un autre donneur ne peut pas avoir, à moins d’être un jumeau parfait du coureur.

Déjà contrôlé lors des Jeux d’Athènes, le cas de Hamilton a longtemps laissé perplexes les contrôleurs, qui ont eu beaucoup de mal à interpréter ses résultats. Pourquoi ?

Gérard Dine. En fait, ce n’est pas étonnant parce que ce n’est pas du contrôle urinaire simple. Les labos antidopage ne sont pas aguerris aux recherches sanguines. En fait, les centres de transfusion sanguine seraient beaucoup plus habilités à faire ce genre de recherches.

L’entourage de Hamilton évoque une récente intervention chirurgicale. C’est une explication plausible ?

Gérard Dine. Imaginez qu’il a été opéré, on le transfuse, il peut très bien dire que ce qui a été mis en évidence lors du contrôle, c’est le sang du donneur qu’on lui a transfusé. Mais une expertise bien menée peut faire la différence sans problème.

Si la méthode de détection des transfusions n’est pas nouvelle, pourquoi Hamilton est-il le premier positif du genre ?

Gérard Dine. En fait, les Australiens n’ont fait que réhabiliter des méthodes décrites à la fin des années quatre-vingt par plusieurs internationales. Seulement, le dopage sanguin était tombé en désuétude avec l’arrivée de l’EPO et des virus comme le sida et l’hépatite C. Dès 1999, on s’était aperçu, grâce aux suivis biologiques des athlètes, que les transfusions sanguines étaient revenues pour s’adapter aux nouveaux moyens de contrôler l’EPO. L’athlétisme s’y est d’abord mis, le cyclisme a suivi. Nous avons donc alerté les autorités.

Quels sont les risques liés à de telles méthodes ?

Gérard Dine. Dans le cas de Hamilton, une hétéro-transfusion, les risques sont donc liés à la transmission d’un virus. Il faut que la filière d’approvisionnement en sang soit au moins aussi professionnelle que les banques de sang habilitées. Ensuite, il y a un risque de rupture de la chaîne du froid dans la conservation des poches de sang, et donc de contamination secondaire.

Ces risques, le cycliste espagnol Jesus Manzano les avait très bien décrits dans ses révélations « fracassantes » au printemps dernier...

Gérard Dine. Oui, il y a eu des accidents dramatiques en la matière. Notamment aux Jeux d’Albertville en 1992. J’avais alors été un des acteurs de la prise en charge d’un biathlète dont l’autotransfusion avait mal tourné.

L’affaire n’a jamais été révélée ?

Gérard Dine. Non, pas du tout... En fait, les poches de sang de ce biathlète avaient été mal conservées au froid.

C’était un Nordique ?

Gérard Dine. Non, un Russe (rires).


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