Le cycliste américain, champion olympique du contre-la-montre, est le premier sportif contrôlé positif pour une transfusion sanguine.
Olivier Zilbertin
C'est une première dans l'histoire de la lutte antidopage : un sportif a subi un contrôle positif pour avoir eu recours à une transfusion de sang. Il s'agit du coureur cycliste américain Tyler Hamilton, 33 ans, champion olympique du contre-la-montre à Athènes. Le 19 août, il aurait d'ailleurs subi un premier contrôle "suspect", selon la commission médicale du Comité international olympique (CIO).
Un second contrôle sanguin inopiné, effectué le matin du 11 septembre, alors qu'il participait au Tour d'Espagne, aurait confirmé les premiers soupçons. Ce contrôle positif a été révélé mardi 21 septembre par l'équipe Phonak, la formation suisse dont Tyler Hamilton porte les couleurs depuis l'hiver dernier.
Alors que les résultats de la contre-expertise étaient attendus pour mercredi ou jeudi, le coureur américain s'est déjà défendu d'avoir eu recours à toute pratique illicite. "Je suis innocent à 100 %, a-t-il déclaré mardi à l'occasion d'une conférence de presse. Je ne vais pas risquer ma vie et celle de ma femme avec une transfusion sanguine. Je suis accusé d'avoir pris du sang d'une autre personne. Tous ceux qui me connaissent savent que c'est complètement impossible. Il doit y avoir eu une manipulation."
Son équipe a décidé de le soutenir : "Je crois en sa parole, a ainsi confié Alvaro Pino, le directeur sportif espagnol de Phonak, à une télévision de son pays. C'est un gars intelligent qui ne prendrait pas le risque d'une transfusion."
Ancien lieutenant de Lance Armstrong au sein de la formation US Postal (de 1996 à 2001), Tyler Hamilton est resté très lié au sextuple vainqueur du Tour de France. C'est ainsi, par exemple, que les deux anciens coéquipiers habitent dans le même immeuble durant la saison européenne, à Gérone, en Espagne.
De célèbres mésaventures
Tyler Hamilton avait notamment marqué les esprits à l'occasion du Tour de France 2003. Victime d'une chute et souffrant d'une fêlure de la clavicule gauche, il n'en avait pas moins franchi les massifs montagneux, gagné une étape et terminé le Tour à la quatrième place.
En 2004, on se souvient encore que, marqué par une nouvelle chute et démoralisé après la mort de son chien, il avait abandonné dans la deuxième étape de montagne.
Le nom de Tyler Hamilton est également associé à celui du très controversé préparateur italien Luigi Cecchini, à qui il a rendu un hommage appuyé après son succès olympique en août dernier. Luigi Cecchini est avec Michele Ferrari un des deux médecins italiens qui veillent sur la préparation physique d'une grande partie du peloton professionnel. Le docteur Ferrari s'occupe en particulier de Lance Armstrong, tandis que Luigi Cecchini a longtemps conseillé l'Allemand Jan Ullrich. Tyler Hamilton, lui, a rencontré Luigi Cecchini lors de son passage sous le maillot de l'équipe CSC dirigée par le Danois Bjarne Riis, vainqueur surprise du Tour de France 1996.
Sauf si la contre-expertise venait démentir le double contrôle, ce qui est peu probable, Tyler Hamilton risque désormais deux ans de suspension. A 33 ans, cela signifierait vraisemblablement la fin de sa carrière.
Depuis les années 1970
S'il se confirmait que le coureur américain est bien positif, ce sera "une première pour cette forme de dopage", s'est réjoui pour sa part Dick Pound, le président canadien de l'Agence mondiale antidopage (AMA) qui réunissait mardi son comité exécutif, à Montréal. De fait, si la pratique était évidemment interdite, la transfusion sanguine est restée indétectable, faute de procédé scientifiquement au point. Son usage, en vogue dans les années 1970, est revenu en force au sein du peloton ces dernières années, ainsi que l'avait d'ailleurs décrit en détail le coureur espagnol Jésus Manzano (Le Monde du 4 mai 2004).
Le sang transfusé peut venir soit d'un donneur compatible - on parle alors d'hétérotransfusion -, soit dans le cas de l'autotransfusion du sportif lui-même. Ce sang, prélevé quelques semaines avant la compétition, peut être enrichi d'érythropoïétine (la célèbre EPO). Dans tous les cas, il s'agit d'augmenter le taux de globules rouges dans le sang et d'assurer ainsi une meilleure oxygénation des muscles. Ce procédé est loin d'être sans risque, et les experts évoquent entre autres la surcharge pour le cœur, l'hypertension, les thromboses, et les infections.
Méthode australienne
La méthode était donc indétectable. Il semble désormais qu'elle ne le soit plus. "Nous avons bon espoir que des tests soient mis en place pendant les Jeux olympiques", avait déclaré l'AMA avant le rendez-vous athénien. L'annonce avait dû faire son petit effet, on le devine. D'autant que l'AMA avait également prévenu que les prélèvements sanguins effectués en Grèce seraient conservés de manière à pouvoir être éventuellement contrôlés ultérieurement, lorsqu'un test aurait été validé.
Dans le cas de Tyler Hamilton, l'Union cycliste internationale (UCI) a eu recours à une méthode mise au point par un institut d'hématologie de Sydney (Australie) qui permet de distinguer des populations différentes de globules rouges. Seuls deux laboratoires, pour l'heure, celui d'Athènes et celui de Lausanne (Suisse) sont accrédités pour effectuer ce contrôle.
"Cela commence à payer, s'est réjoui mardi le ministre des sports, Jean-François Lamour. C'est le fruit des recherches pilotées par l'AMA. C'est une grande avancée. Au-delà des critiques dont elle a pu faire l'objet, l'AMA est en train de démontrer tout l'intérêt de sa démarche".
Une nouvelle liste de produits interdits
L'Agence mondiale antidopage (AMA) a adopté, mardi 21 septembre, une nouvelle liste de produits interdits pour 2005. La liste des substances et méthodes interdites sera publiée le 1er octobre. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2005 et comporte quelques changements par rapport à celle de 2004 : l'application cutanée de glucocorticoïdes n'y figure plus, tandis que les bêta-2 agonistes, souvent utilisés dans le traitement de l'asthme, seront désormais interdits en et hors compétition. De plus, les perfusions intraveineuses à des fins non médicales sont désormais interdites. Ces mesures représentent "surtout une clarification", a expliqué le président de l'AMA, le Canadien Dick Pound.
L'AMA, qui, depuis des années, peine à boucler son budget et fait la chasse aux mauvais payeurs, s'est dite satisfaite d'avoir reçu plus de 80 % de ses ressources financières en 2004. Avec la contribution que les Etats-Unis se sont engagés à verser début octobre, l'Agence mondiale antidopage devrait franchir le cap des 90 %.
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