Les organisateurs du Tour de France ont présenté, il y a quelques jours, les grandes lignes de l’édition 2006, sans susciter un enthousiasme particulier. Chacun sentait, en effet, l’ombre de Lance Armstrong, vainqueur des sept dernières éditions, planer pendant toute la cérémonie. Lance Armstrong, dont le journal l’Equipe révélait au mois d’août qu’il se serait dopé lors de sa première victoire dans la Grande Boucle en 1999. Depuis, l’Américain a gagné six autres Tours…
Gérard Dreyfus
Le Tour de France est malade du dopage. En dépit des allégations rassurantes des uns et des autres, le constat s’impose, implacable. Les scandales se sont succédés, la suspicion est toujours latente. Tous ne sont pas atteints, mais tous sont soupçonnés de l’être. Pendant des décennies, le Tour de France et plus largement le monde du cyclisme ont cultivé l’omerta, la loi du silence : plus tu te tairas et plus tu seras beau… Personne n’était dupe mais tout le monde, à part quelques empêcheurs de pédaler rond – ceux qui sont accusés de voir le mal partout et toujours – tout le monde s’en accommodait et le minimisait. C’était ainsi. Après tout, si le dopage sévissait à haute dose, c’est que chacun l’avait choisi, pour faire comme les autres, pour rivaliser avec les meilleurs, pour être à leur niveau.
Certains y ont perdu la vie. Passée l’émotion de l’annonce de leur mort, les autres se sont remis en selle comme si rien ne s’était passé. L’affaire Armstrong, si elle est avérée, constitue une menace sur la plus grande épreuve du calendrier et sur le cyclisme dans son entier. Le Tour a tellement vampirisé les autres courses du calendrier qu’il est resté la dernière vitrine prestigieuse d’un sport devenu un peu désuet dans un monde où tous les hommes rêvent automobile. Il ne s’agit pas d’être Pythie ou Cassandre. Il s’agit de regarder la réalité en face et de le dire franchement : le Tour, s’étant largement auto-discrédité, se trouve menacé de disparition. On me répliquera qu’il est extraordinairement populaire et que, chaque année, ils sont de plus en plus nombreux à se déplacer sur son itinéraire.
Oui, mais parce qu’il est surtout une formidable kermesse multicolore à laquelle on adhère plus pour l’effort produit sur des petites routes qui ne sont pas des autoroutes, dans des sites souvent grandioses notamment sur les pentes alpestres ou pyrénéennes, que par véritable passion pour la course elle-même. Et à force d’entendre dire et répéter que le peloton est composé pour partie de tricheurs, peut-être choisiront-ils de ne plus venir. Car le cyclisme a perdu presque toute crédibilité. Pourquoi a-t-il fallu attendre six ans pour apprendre qu’Armstrong se serait dopé lors de son premier succès sur les Champs-Elysées ? Et s’il la fait une fois pourquoi pas les six autres ? Je sais bien que la tendance est très forte de vouloir brûler ce qu’on a adoré la veille. Ce que nous réclamons, c’est la vérité.
À force de fermer les yeux sur les évidences, c’est le Tour de France qui risque de les fermer définitivement. Le Tour, et ce n’est pas être iconoclaste de le dire, est désormais un chef d’oeuvre en péril.
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