Frederic Waringuez
Moins de deux mois après son quatrième sacre sur le Tour d'Espagne - un record absolu ! – Roberto Heras, entré dans la légende de la Vuelta, en ressort aussitôt après la révélation par la presse espagnole du contrôle positif à l'EPO du coureur de la Liberty Seguros. Confondu à l'issue du contre-la-montre couru la veille de l'arrivée à Madrid, un chrono où il avait pris une surprenante deuxième place, Heras, en attendant le résultat de la contre-expertise, est d'ores et déjà mis à pied par sa formation.
Plus d'un mois sans gros scandale de dopage, ça commençait à devenir louche. A juste titre, Patrice Clerc, lors de la présentation du Tour de France, avait appelé à une attitude plus radicale de tous les acteurs du cyclisme face au fléau du dopage. Que n'avait-il pas osé dire là ! Son discours déterminé mais lucide quant à la réalité avait choqué le pauvre Pat McQuaid, héritier putatif de Hein Verbruggen à la tête de l'UCI, qui, scandalisé, avait décidé de rompre les négociations en cours sur la question du Pro-Tour... Où sont-ils aujourd'hui les offusqués du Palais des Congrès, les Johan Bruyneel, Bjarne Riis et autres Mauro Gianetti ?
Car voilà qu'une nouvelle bombe explose sur la planète vélo avec la révélation du contrôle positif à l'EPO de Roberto Heras lors de la 20e étape du Tour d'Espagne, un contre-la-montre de 39 kilomètres que lui, le pur grimpeur, avait failli remporter, ne s'inclinant que d'une seconde face à Ruben Plaza... Un Tour d'Espagne, sur lequel avait été également épinglés Santos Gonzalez, mis hors-cours par sa propre équipe, Phonak, en raison de valeurs sanguines anormales mises en évidence lors d'un contrôle interne, puis Aïtor Gonzalez (Euskaltel), contrôlé positif à un anabolisant qu'il prétend bien sûr avoir ingéré incidemment...
Roberto Heras était devenu "Senor Vuelta" au même titre que Lance Armstrong, son ancien leader soit dit en passant, est le maître absolu du Tour de France du haut de ses sept victoires... Le 18 septembre dernier, en pleine affaire Armstrong, le grimpeur de Liberty Seguros remportait en effet la Vuelta pour la quatrième fois, ce qu'aucun coureur n'était parvenu à faire avant lui. "La première chose que j'ai pensé quand j'ai reçu la notification c'est qu'il s'agissait d'une erreur du laboratoire. Il ne peut pas y avoir d'autre explication. Mes avocats travaillent sur le sujet et j'espère que la contre-expertise me donnera raison", a commenté l'intéressé, qui pourrait être privé de sa victoire comme l'avait été avant lui son compatriote Angel Arroyo en 1982.
Une prise de conscience en Espagne ?
Dans l'attente de la contre-expertise et sous la pression médiatique qui a révélé l'affaire, l'équipe Liberty Seguros a décidé de suspendre son leader, de toute façon en vacances depuis longtemps, tout en lui manifestant sa confiance. "Quand nous avons eu connaissance de ce contrôle positif, le 27 octobre dernier, nous l'avons sorti de l'équipe. Ce n'est pas une question de santé mais une notification d'un cas de dopage. De toutes les façons, tant que nous n'avons les résultats de la contre-expertise, nous ne doutons pas de son innocence. Nous sommes au côté du coureur. C'est un coureur important, c'est le leader. Il est tout pour l'équipe. Nous sommes surpris et espérons que cela n'a pas pu se produire", explique Pablo Anton le patron du groupe sportif espagnol qui ne cache pas néanmoins que, malgré l'importance de Heras, s'il était confirmé positif et incapable de prouver son innocence, il serait licencié conformément aux règlements.
L'information fait évidemment grand bruit de l'autre côté des Pyrénées où la question du dopage n'est pas considéré avec le même sérieux qu'en France. Les mesures politiques drastiques prises dans l'Hexagone et soutenues par le Tour de France sont même souvent raillées et critiquées en Espagne, notamment par Manolo Saiz, le directeur sportif de l'équipe Liberty Seguros. Si le cas Heras était avéré, la parole de Saiz prendrait dès lors un sacré coup dans l'aile et peut-être, on peut rêver, que la prise de conscience de la gravité de la situation pourrait gagner un peu plus de terrain dans un sport gangrené, qui pourrit à vue d'œil... Il est clair en tout cas que le Conseil de l'UCI Pro-Tour qui devait se réunir le 14 novembre prochain pour débattre des propos de Patrice Clerc aura matière à réfléchir...
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