Le monde du cyclisme a bien évidemment réagi mardi au contrôle positif a posteriori de Lance Armstrong à l’EPO. L’étonnement et la colère priment après les révélations parues mardi dans L’Equipe. Pour beaucoup, un mythe s'écroule.
Eric Boyer (manageur sportif de l'équipe Cofidis) :
Ma première réaction est de regretter que ce soit un média qui démontre cela. Les journalistes ont fait leur métier mais je trouve en fait dommage que l'UCI (l'Union cycliste internationale) n'emploie pas, rétroactivement, les moyens qu'elle a à sa disposition. Si, véritablement, cette démonstration sert de preuve à la justice, c'est tout un système de contrôle antidopage qui se trouve fragilisé. Mais, je voudrais attendre la réaction d'Armstrong afin de savoir s'il est capable d'assumer plutôt que de charger une batterie d'avocats pour le défendre. C'est un coup de tonnerre. Peut-être le début d'une grande supercherie depuis sept ans. Voilà, on regarde le Tour de France, Armstrong, ses envolées et son arrogance. Et puis, on découvre que c'est pipeau. L'image que véhicule Armstrong va bien au-delà du sport: c'est un personnage public, international, qui a créé une Fondation contre le cancer; je ne sais plus maintenant quelle crédibilité à apporter à ce personnage. Cependant, je voudrais bien connaître les médecins pratiquant ce protocole de prise. Autour d'Armstrong, c'est aussi le système médical qui est, tout autant, mis en cause. Quels sont ses salopards ?
Raymond Poulidor (ancien champion cycliste) :
Pourquoi pas remonter jusqu'en 1903 tant qu'on y est ? Armstrong a dit qu'il n'avait jamais rien pris mais, à ce moment là, les pratiques ne se voyaient pas. C'est, bien-sûr, désolant. Vis-à-vis de la loi, je ne sais pas ce que l'on peut faire. La seule chose que l'on puisse noter, c'est qu'il faisait comme les autres. En conséquence, ce que l'on peut déduire de cette affaire, c'est que les contrôles sont inefficaces.
Eric Bouvat (médecin de l'équipe AG2R et auparavant de l'équipe de France d'athlétisme) :
Est-ce que c'est vraiment vrai ? Je persiste à croire qu'il existe des champions au dessus de la norme : Armstrong en fait partie comme Marie-José Pérec. Ma surprise est telle que je voudrais savoir si c'est vraiment vrai, au quel cas ce serait catastrophique pour le vélo. Mais la société actuelle est ainsi faite. Dans le sport ou ailleurs, on n'utilise pas toujours des moyens licites pour atteindre certains buts. Il y a tellement d'argent au bout. Tout est devenu tellement complexe. Les citoyens que nous sommes ne votent-ils pas, parfois, par exemple, pour certains hommes politiques ayant eu maille à partir avec la justice ?
Daniel Baal (ancien président de la Fédération française de cyclisme et membre de l'UCI) :
Le mythe n'a plus de raison d'être à partir du moment où le mensonge est clairement mis en évidence aujourd'hui. Quand on n'arrête pas de dire qu'il faudra que les journalistes fassent la preuve qu'on est dopé et que la preuve est faite, il faut en revenir à l'évidence. Je sais qu'un certain nombre ne supportaient pas que l'on doute de Lance Armstrong, même des dirigeants du cyclisme qui disaient qu'Armstrong est forcément propre, et d'ailleurs ils y mettaient leur main à couper ou leur tête sur le billot, voilà qu'aujourd'hui une réponse est donnée, qui me semble scientifique, tout à fait rationnelle et très difficile à contester.
Richard Virenque (ancien coureur, sept fois maillot à pois au Tour de France) :
Ca me paraît un peu bizarre : sept ans après, de telles révélations ! C'est d'autant plus surprenant que les méthodes EPO ont été validées depuis plus de trois ans. Il est étonnant qu'il faille attendre qu'Armstrong soit parti pour sortir cela.
Jean Pitallier (président de la Fédération Française de Cyclisme) :
Je n'ai pas à prendre position. C'est une affaire qui remonte à 1999. Ceux qui ont mené l'enquête devaient avoir des éléments. J'en prends acte mais je regrette que cela rejaillisse encore sur le cyclisme. Néanmoins, s'il faut crever l'abcès, faisons-le. Dans cette affaire, c'est le sport en général qui est pris en considération et pas seulement le cyclisme. Mais, on doit poursuivre la lutte.
Jean-René Bernaudeau (directeur sportif de Bouygues Telecom) :
Je ne veux pas trop juger mais ce qui me paraît intéressant c'est que des échantillons congelés peuvent enlever la suspicion. A ce propos, il faut se souvenir que Felicia Ballanger, alors championne olympique, avait proposé de congeler les prélèvements pour ôter tout doute à ses performances. Aujourd'hui, on devrait faire des choses en ce sens. Je note aussi que Fabrizio Guidi a été contrôlé positif à l'EPO il y a quelques jours. On s'aperçoit donc que des gens se moquent encore de nous. Des éléments, comme mes coureurs, doivent se sentir volés. Mais, je pense à l'ensemble du cyclisme français qui n'est pas épargné en ce moment.
Xavier Louy (directeur du Tour en 87 et 88) :
Je ne vais pas hurler avec les loups. Ce qui m'intéresse en effet, ce sont les victimes et non pas les coupables. De mon point de vue, il y en a deux: le Tour de France et la grande majorité de coureurs propres. Je pense notamment aux coureurs français qui, depuis des années, sont, en quelque sorte, humiliés alors que l'on met en cause leur sérieux et leur méthode d'entraînement. Cette affaire me conforte par ailleurs dans ce qui a toujours été ma position vis à vis de l'UCI: à savoir que les organisateurs du Tour de France doivent eux-mêmes décider des équipes et des coureurs à sélectionner. Il en va de la survie du Tour de France, élément de notre patrimoine national, et aussi du patrimoine mondial de l'humanité.
Thomas Voeckler (coureur) :
Les faits parlent d'eux-mêmes. C'est décevant car, même s'il s'agit de 99, cela remet en cause l'ensemble de ses victoires. Mais, pour moi, c'est un cas parmi d'autres : Frigo cet été, puis Guidi ou d'autres coureurs par le passé. Je ne me sens pas volé depuis ce matin qu'auparavant. Mais, ceux qui pratiquent le métier proprement peuvent encore se dire "ben merde", je suis passé à côté de quelque chose à cause de gens qui ne disposent pas des mêmes armes que moi. Mais il ne faut pas trop penser à cela au risque de ne plus avancer.
Laurent Fignon (ancien vainqueur du Tour) :
Cette histoire est trop vieille. 99 ? J'en ai rien à foutre. Ça va servir à quoi ? Ce qui m'intéresse, c'est la prévention vis à vis des jeunes.
Bernard Thevenet (ancien vainqueur du Tour) :
Ce qui me gène, c'est que cette affaire sorte juste au moment où Armstrong s'en va... je note aussi qu'elle intervient juste avant les élections à l'UCI. J'en vois deux effets: un coup de bâton derrière les oreilles du cyclisme et la remise en cause de la lutte antidopage. L'EPO peut être détecté depuis 2001. Pourquoi les rapprochements n'ont-ils pas été effectués depuis lors ? Il faut reconnaître que l'enquête a été menée de manière intelligente et pointue.
Cyrille Guimard (ancien directeur sportif) :
Je pense qu'il s'agit là de la suite logique des choses. On est dans la normalité. Cela ne me surprend pas du tout dans le contexte de 99. Tout le monde savait que l'EPO n'était pas détectable et, par voie de conséquence donc, utilisé. Il en sera de même dans deux siècles. Mais, de telles pratiques ne sont pas essentiellement vraies pour le sport: sur le plan du blanchiment d'argent, c'est la même chose. Le douanier aura toujours une longueur de retard sur le contrebandier.
Jacky Durand :
Et pourquoi sortir une telle affaire maintenant ? C'est facile de faire cela ! Ca me paraît un peu bizarre. A chaud, j'ai de gros doutes sur la véracité des accusations. C'est en dehors de mes compétences mais je suis complètement surpris.
Propos recueillis par l’AFP
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